vendredi 17 février 2023

 GÉOPOLITIQUE /  L’EAU ET  L’ALIMENTATION : ENJEU STRATEGIQUE D'ICI  2030- 2050

Les conséquences humaines seront innombrables dans certains régions du monde. D’ici 2030, 3 milliards de personnes pourraient être touchés par la raréfaction des ressources en eau potable à l’échelle planétaire. Le manque d’eau induira un exode accru des populations, et fera naître une instabilité sociale et une insécurité chronique. La naissance de conflits transfrontaliers n’est pas à exclure, car l’eau s’impose comme un facteur de sécurité collective au niveau international, qui induira des prises de position grandissantes du Conseil de sécurité des Nations-Unies, ainsi que des instances régionales de dialogue stratégique, comme l’Organisation de coopération de Shanghai. 





Les impacts économiques seront aussi aiguës, comme l’bondon progressif des cultures en raison des bouleversements climatiques et de mauvais choix politiques. Au-delà des impacts sur le monde agricole, des villes hautement technologiques, véritables hubs mondiaux, vont devoir s’adapter au manque d’eau : la région de Bangalore en Inde, le Mexique les États-Unis. L’absence de ressources en eau va provoquer inévitablement des conflits d’usage et des arbitrages politiques dangereuses : abandon de certains cultures, délocalisations industrielles, blocage de projets d’investissements par manque d’eau souterraine et de surface. Avant 2050, une diagonale de la soif part du Nord du Maroc, englobant au Sud les pays du G5 Sahel, puis traverse l’Afrique du Nord, le proche et le Moyen-Orient, dont l’Iran, avant d’arriver dans la péninsule Indienne, et de terminer sa course dans la partie septentrionale de la Chine. C’est dans cet ensemble géographique que se déroulent déjà des conflits transfrontaliers liés à l’eau, qui vont encore s’accentuer : partage des eaux du Nil, tensions sur les fleuves d’Asie centrale, confrontations Inde-Chine sur l’utilisation des eaux prenant leur source au Tibet. Ailleurs, en Europe du Sud et de l’est, des tensions nouvelles apparaissent en raison de la baise du débit des fleuves et de l’appauvrissement des nappes, ce qui induira des tensions politiques locales, ainsi que des conflits d’usage de l’eau, qu’elle soit à vocation domestique ou destinée aux secteurs de agriculture et de l’énergie. Les progrès technologiques pour étancher la soif des hommes et répondre à leur besoins domestiques, alimentaires, ou encore énergétiques : dessalement, réutilisation des eaux usées, aménagement hydraulique, irrigation intelligente, recharge artificielle des nappes. En fin, le savoir-faire technologique ne pourrait pas permettre de bien gérer les réseaux existants, mais aussi de concevoir des infrastructures plus économes en eau ( extraction minière, procédés industriels pour la pétrochimie, l’industrie agro-alimentaire, qui sont parmi les plus gros consommateurs en eau.) Dans ce registre, la transition énergétique, pour produire les matières premières à nos éoliennes ou encore à nos voitures électrique, la consommation d’eau et la pollution des nappes et des fleuves seront encore anormalement élevées.

L’ALIMENTATION ET LA FAIM EN 2050



D’ici 2050, la planète devrait compter 10 milliards humains. Alors même que la famine concerne des centaines de millions de personnes en 2022, la planète n’aura pas la capacité de nourrir autant d’êtres humains sur la terre. Néanmoins, le crise alimentaire que nous traversons n’est pas uniquement liées à la guerre en Ukraine, mais les racines de la crise sont déjà plus anciennes. En effet, depuis 2019, les systèmes alimentaires ont connu de profonds bouleversements : crise d’approvisionnement avec la rupture des chaînes logistiques ou la hausse des prix du fret international et crise énergétique liée à la hausse des cours du gaz naturel, qui a entraîné le prix du pétrole dans son sillage. L’inflation de l’énergie s’est ensuite propagée aux engrais utilisés en agriculture. Le cours des engrais a entraîné celui des matières premières agricoles, dans un contexte de forte et brusque reprise de la demande internationale, notamment en Chine. Donc, entre 2020 et 2021, la planète était dans une situation de hausse des prix généralisées à l’échelle mondiale. Ces facteurs conjoncturels se cumulent aussi avec des éléments structurels, comme la faiblesse des politiques sociales, essentielles pour éradiquer la faim, les violences et les conflits. A l’horizon 2050, l’agriculture est la première victime des changements climatiques. Sécheresse, hausse des précipitations, accidents météo violents vont réduire les rendements dans la plupart des endroits de la planète. Notre capacité à nous adapter et à atténuer notre empreinte influencera directement la qualité et la quantité de nourriture produite. La planète agricole est fortement indépendante, et à l’heure des souverainetés, un monde ouvert, d’échange et de construction collective des solutions n’existera plus. On comptait encore 820 millions de personnes sous-alimentées en 2016, principalement localisées en Afrique subsahariennes et en Asie du Sud-Est. La perspective de devoir nourrir 10 milliards de personnes à l’horizon 2050 oblige à reconsidérer de nombreux paramètres de la production agricoles mondiale. 15% des terres émergées sont actuellement cultivées, chiffre qui devrait être multiplié par deux en 2050 si la productivité reste inchangée. L’intensification de la production entraîne un appauvrissement des sols et une réduction de la biodiversité, extrêmement préoccupants dans certains régions. La sécurité alimentaire recouvre des enjeux géopolitiques. Elle conditionne le niveau de vie des populations, le développement des sociétés à travers l’équilibre entre ruraux et urbains, et la stabilité des territoires. Elle relève de fortes logiques de souveraineté nationale dans un marché globalisé, mais aussi la puissance de groupes agroalimentaires privés. Au cours des deux dernières décennies, de vastes étendues de terres arables ont changés de propriétaires, modifiant en profondeur les équilibres territoriaux de pays déjà fragilisés. La terre devient une marchandise comme les autres : On assiste à des accaparement fonciers à grande échelle réalisés par des États, des multinationales ou des investisseurs financiers. Au cours des dernières années, de nombreux opérations ont été conduites par les États-Unis, le Royaume-Unis, les Pays Bas, le Brésil, la Chine, l’Inde, la Malaisie, Singapour, les Emirats-arabes unis, l’Arabie-Saoudite et le Qatar. Directement ou indirectement par le biais d’entreprises ou de fonds, ces pays ont acheté de la terre principalement au Congo Brazzaville, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Mozambique, en Papouasie-Nouvelle, Guinée, pays fragiles, mais aussi en Indonésie, au Brésil, en Ukraine, en Russie et en Argentine, pays disposant de capacité d’exportation. Consommé par 3 milliards d’individus, le blé est abondant pour les uns, rare pour les autres. Son commerce traduit des rapports de puissance et une forte concentration. Dix pays assurent à eux seuls 85 % des exportations mondiales de blé : L’Argentine, l’Allemagne, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France, l’Inde, le Kazakhstan, la Russie et l’Ukraine. Des régions comme l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient dépendent du marché mondial pour leurs approvisionnement. Les dix principaux importateurs de blé sont : l’Algérie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l’Égypte, l’Indonésie, l’Iran, le Japon, le Mexique et le Nigeria. Quatre sociétés multinationales de négoce dominent le commerce des gains. Environ trois quarts du commerce du blé seraient contrôlés par quatre groupes rassemblés sous l’acronyme ABCD ( Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et Louis-Dreyfus) qui voient désormais apparaître des concurrents dans les pays émergents, à l’image du groupe indo-singapourien ( Olam). Le prix des denrées alimentaires est en partie corrélé à celui de l’énergie en raison de la mécanisation, des coûts de transport et de l’emploi d’engrais chimiques. En 2008, la crise alimentaire a coïncidé avec le pic du prix du pétrole. Le coût de l’énergie étant appelé à augmenter sous l’effet combiné de la raréfaction des énergies fossiles et des investissements nécessaires à la transition énergétique, on peut en déduire que le coût de l’alimentation, en raison également de la diversification des goûts et besoins mondiaux, devrait suivre. Une autre composante doit être prise en compte, celle de la numérisation. L’agriculture est en voie de numérisation rapide:le traitement de données pour optimiser les rendements devrait accentuer le fossé entre les pays disposant d’une ingénierie et ceux ne possédant que des terres et de bras. Néanmoins, force est de constater qu’aucun État au monde ne dispose aujourd’hui sur son territoire des quantités de produits agricoles, des métaux rares, de ressources énergétiques lui permettant de couvrir l’intégralité de ses besoins. Ce qui signifie qu’à moins de choix radicaux, aucun pays ne peut se soustraire à une mondialisation déjà bien compartimentée.



Plus rien ne semble réguler la bonne marche de la planète. Alliances fragilisées, affaiblissement des démocraties libérales, basculement géoéconomique vers l’Asie, menaces nationalistes, risques écologique, défi démographique, menaces nucléaires, La crise d’eau et de l’alimentation mondiale, l’effondrement de certains États, le montée des conflits, la manipulation des technologies scientifiques, le monde est devenu hors de contrôle. Et l’humanité vivra désormais dans un monde qui sera de moins en moins à leur image.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA





























































































































































































































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