dimanche 22 décembre 2019

GÉOPOLITIQUE/ JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE: ENTRE IMPUNITÉ ET SOUMISSION DES PUISSANCES



La convention créant la Cour pénale internationale a été signée le 17 juillet 1998, à Rome, par 120 Etats. Alors que 21 Etats se sont abstenus, principalement des Etats arabes, sept Etats ont voté contre (Bahreïn, Chine, Etats-Unis, inde, Israël, Vietnam et Qatar). En 2011, alors que 117 Etas avaient ratifié le statut de Rome, six enquêtes avaient été ouvertes. Avant l’entrée en fonction de la Cour, le premier juillet 2002, les Etats-Unis se sont attachés à signer des accords bilatéraux « d’immunité » avec de nombreux pays, signatures ou non de la convention, afin de garantir que les ressortissants américains (diplomates, militaires, civils) ne seraient pas transférés devant la CPI. Très présents militairement dans le monde, les Etats-Unis craignaient notamment de voir leurs soldats jugés devant la Cour pour des crimes commis en opération. 
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Les pressions exercées sur les Etats réfractaires se sont parfois soldées par un retrait de l’aide américaine.
Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, de nombreuses juridictions internationales ont vu le jour. Leur caractéristique principale consistait à juger des contentieux entre Etats, à l’image de la Cour internationale de justice, fondée en 1946, ou du Tribunal international pour le droit de la mer, initié par la convention de Montego Bay de 1982 et entré en fonction en 1996. Toutefois, c’est la création de juridictions pénales internationales, à la fin du XX siècle, qui aura le plus d’espoir et rencontré le plus de difficultés en abordant des questions hautement politiques. Les premières tentatives ayant vocation à juger des personnes accusées de crimes contre l’humanité après la Première Guerre mondiale. En 1919, le traité de Versailles prévoyait la mise en accusation l’empereur Allemand Guillaume II, tandis qu’en 1920, le traité de Sèvres entendait poursuivre les responsables Turcs du génocide Arménien. A la même époque, un comité de juristes mandaté par la société des Nations, organisation internationale nouvellement créée, adoptait une résolution restée sans suite proposant la création d’un organe juridictionnel compétent pour juger les crimes contre l’ordre public international et le droit des gens universel. En 1937, deux conventions internationales restées elle aussi lettre morte prévoyaient l’établissement d’une cour pénale internationale. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir se créer deux juridictions internationales compétentes pour juger les responsables de crimes passés : le tribunal militaire international de Nuremberg, créé en 1945, compétent pour juger les Nazis, et le tribunal international pour l’Extrême-Orient (tribunal de Tokyo) en 1946. De nombreuses conventions internationales ont depuis été adoptées, visant à protéger les individus : convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948, quatre conventions de Genève sur le droit international humanitaire en 1949, convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en 1968. Enfin, il faudra attendre la fin des années 1980 pour que l’Assemblée générale des Nations-Unies charge la commission du droit international de l’ONU d’une réflexion sur la mise en place d’une juridiction pénale internationale. Promues par les Nations-Unies, soutenues par de multiples organisations non gouvernementales et portées par plusieurs Etats tels que le Canada, l’Argentine ou encore les Etats Européens, des juridictions pénales internationales ont vu le jour dans les années 1990, d’abord sous la forme de tribunaux pénaux temporaires pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, puis la forme d’une cour permanente en 1998.

LA CPI UN TRIBUNAL  SOUS HAUTE PRESSION

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La CPI est entrée en fonction le premier juillet 2002 et n’est compétente que pour juger des personnes soupçonnées de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes d’agression ayant été commis depuis cette date. Il existe trois procédures de saisine de la CPI : un Etat membre peut demander au procureur de se saisir d’une situation dans laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour pourraient avoir été commis ; le procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative ; enfin , le Conseil de sécurité des Nations unies peut décider de déférer au procureur une situation ou des crimes pourraient avoir été commis, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes lorsque l’on sait que trois des cinq membres permanents ( Chine, Etats-Unis et Russie ne sont pas signatures du Statut de Rome ? Ce dernier établit en outre une complémentarité entre la CPI et les juridictions nationales pour juger des violations du droit international humanitaire. Malgré les réticences des Etats, attachés à défendre leur souveraineté, malgré les critiques émises contre la Cour, encore considérée comme un instrument sous l’égide des Occidentaux, et malgré des résultats mitigés, en 2011, aucune affaire instruite n’a été jugée. La CPI a eu le mérite de remettre en cause le principe d’impunité dont jouissaient certains responsables et de l’inscrire dans le cadre plus contraignant du droit international.

LA CPI ET LA LUTTE CONTRE IMPUNITÉ DES DIRIGEANTS POLITIQUES

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Au Soudan, la guerre civil au Darfour aurait fait prés de 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés. Ce conflit a donné lieu à des massacres et des crimes de grande envergure qui ont conduit le Conseil de sécurité de l’ONU à saisir la CPI autour de la situation dans la région. Après avoir délivré un mandat d’arrêt contre le président Omar el-Bachir, pour des crimes contre l’humanité, cette décision a provoqué une étincelle de révolution dans le domaine de la CPI. En effet, c’est la première fois qu’un président en exercice s’est vu mis en cause de la sorte, mettent à mal le principe d’immunité dont se prévalaient jusque-là les chefs d’Etats et hauts fonctionnaires. Le mandat d’arrêt émis contre le président Soudanais a été contesté par les autorités qui n’entendaient pas reconnaître de légitimité ni même de l’égalité à une action en justice menée en vertu d’un traité dont le Soudan n’est pas Etat partie. De même, les 53 Etats membres de l’Union Africaine ainsi que nombre de pays arabes se sont opposés à un tel mandat.

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S’il n’a pas encore été ni arrêté ni différé devant la cour de la Haye,  ce paradoxe d’impunité des puissances, se perpétue inlassablement encore en Syrie concernant le génocide de Bachar el-Assad, ou encore en Libye contre le général Haftar, les minorités ouïgours en Chine, la Tchétchénie,  la Birmanie,  les sunnites en Iran, ou encore les minorités musulmanes en Inde. La violence n’a donc pas faibli depuis 1989 mais elle a pris des formes nouvelles. Sans disparaître, les conflits internationaux, au sens juridique de « guerre entre Etats », ont laissé la place aux conflits internes, tandis que la CPI reste un levier entre les décideurs du monde.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
          



1 commentaire:

  1. Le droit international, à travers les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, reconnait deux types de conflits armés: les conflits armés internationaux opposant des Etats parties aux conventions et les conflits armés non internationaux. Cette distinction ne rend pourtant pas compte de la diversité des conflits et des formes de violence dans le monde, comme le suggèrent les travaux de divers centres d'analyses.

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