La
convention créant la Cour pénale internationale a été signée le 17 juillet
1998, à Rome, par 120 Etats. Alors que 21 Etats se sont abstenus,
principalement des Etats arabes, sept Etats ont voté contre (Bahreïn, Chine,
Etats-Unis, inde, Israël, Vietnam et Qatar). En 2011, alors que 117 Etas
avaient ratifié le statut de Rome, six enquêtes avaient été ouvertes. Avant
l’entrée en fonction de la Cour, le premier juillet 2002, les Etats-Unis se
sont attachés à signer des accords bilatéraux « d’immunité » avec de
nombreux pays, signatures ou non de la convention, afin de garantir que les
ressortissants américains (diplomates, militaires, civils) ne seraient pas
transférés devant la CPI. Très présents militairement dans le monde, les
Etats-Unis craignaient notamment de voir leurs soldats jugés devant la Cour
pour des crimes commis en opération.
Les pressions exercées sur les Etats
réfractaires se sont parfois soldées par un retrait de l’aide américaine.
Depuis la
fin de la seconde Guerre mondiale, de nombreuses juridictions internationales
ont vu le jour. Leur caractéristique principale consistait à juger des
contentieux entre Etats, à l’image de la Cour internationale de justice, fondée
en 1946, ou du Tribunal international pour le droit de la mer, initié par la convention
de Montego Bay de 1982 et entré en fonction en 1996. Toutefois, c’est la
création de juridictions pénales internationales, à la fin du XX siècle, qui
aura le plus d’espoir et rencontré le plus de difficultés en abordant des
questions hautement politiques. Les premières tentatives ayant vocation à juger
des personnes accusées de crimes contre l’humanité après la Première Guerre
mondiale. En 1919, le traité de Versailles prévoyait la mise en accusation
l’empereur Allemand Guillaume II, tandis qu’en 1920, le traité de Sèvres
entendait poursuivre les responsables Turcs du génocide Arménien. A la même époque, un comité de juristes mandaté par la société des Nations, organisation
internationale nouvellement créée, adoptait une résolution restée sans suite
proposant la création d’un organe juridictionnel compétent pour juger les
crimes contre l’ordre public international et le droit des gens universel. En
1937, deux conventions internationales restées elle aussi lettre morte
prévoyaient l’établissement d’une cour pénale internationale. Il faudra
attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir se créer deux
juridictions internationales compétentes pour juger les responsables de crimes
passés : le tribunal militaire international de Nuremberg, créé en 1945,
compétent pour juger les Nazis, et le tribunal international pour
l’Extrême-Orient (tribunal de Tokyo) en 1946. De nombreuses conventions
internationales ont depuis été adoptées, visant à protéger les individus :
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948, quatre
conventions de Genève sur le droit international humanitaire en 1949,
convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de crimes contre
l’humanité en 1968. Enfin, il faudra attendre la fin des années 1980 pour que
l’Assemblée générale des Nations-Unies charge la commission du droit
international de l’ONU d’une réflexion sur la mise en place d’une juridiction
pénale internationale. Promues par les Nations-Unies, soutenues par de
multiples organisations non gouvernementales et portées par plusieurs Etats
tels que le Canada, l’Argentine ou encore les Etats Européens, des juridictions
pénales internationales ont vu le jour dans les années 1990, d’abord sous la
forme de tribunaux pénaux temporaires pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, puis
la forme d’une cour permanente en 1998.
LA CPI UN
TRIBUNAL SOUS HAUTE PRESSION
La CPI
est entrée en fonction le premier juillet 2002 et n’est compétente que pour
juger des personnes soupçonnées de crimes de génocide, de crimes contre
l’humanité, de crimes de guerre et de crimes d’agression ayant été commis
depuis cette date. Il existe trois procédures de saisine de la CPI : un
Etat membre peut demander au procureur de se saisir d’une situation dans
laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour pourraient avoir été
commis ; le procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative ; enfin , le Conseil de sécurité des Nations unies peut décider
de déférer au procureur une situation ou des crimes pourraient avoir été
commis, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes lorsque l’on sait que trois
des cinq membres permanents ( Chine, Etats-Unis et Russie ne sont pas
signatures du Statut de Rome ? Ce dernier établit en outre une
complémentarité entre la CPI et les juridictions nationales pour juger des
violations du droit international humanitaire. Malgré les réticences des Etats,
attachés à défendre leur souveraineté, malgré les critiques émises contre la
Cour, encore considérée comme un instrument sous l’égide des Occidentaux, et
malgré des résultats mitigés, en 2011, aucune affaire instruite n’a été jugée.
La CPI a eu le mérite de remettre en cause le principe d’impunité dont
jouissaient certains responsables et de l’inscrire dans le cadre plus
contraignant du droit international.
LA CPI ET
LA LUTTE CONTRE IMPUNITÉ DES DIRIGEANTS POLITIQUES
Au
Soudan, la guerre civil au Darfour aurait fait prés de 300 000 morts et
2,7 millions de déplacés. Ce conflit a donné lieu à des massacres et des crimes
de grande envergure qui ont conduit le Conseil de sécurité de l’ONU à saisir la
CPI autour de la situation dans la région. Après avoir délivré un mandat
d’arrêt contre le président Omar el-Bachir, pour des crimes contre l’humanité,
cette décision a provoqué une étincelle de révolution dans le domaine de la CPI.
En effet, c’est la première fois qu’un président en exercice s’est vu mis en
cause de la sorte, mettent à mal le principe d’immunité dont se prévalaient
jusque-là les chefs d’Etats et hauts fonctionnaires. Le mandat d’arrêt émis
contre le président Soudanais a été contesté par les autorités qui
n’entendaient pas reconnaître de légitimité ni même de l’égalité à une action
en justice menée en vertu d’un traité dont le Soudan n’est pas Etat partie. De
même, les 53 Etats membres de l’Union Africaine ainsi que nombre de pays arabes
se sont opposés à un tel mandat.
S’il n’a
pas encore été ni arrêté ni différé devant la cour de la Haye, ce paradoxe d’impunité des puissances, se
perpétue inlassablement encore en Syrie concernant le génocide de Bachar
el-Assad, ou encore en Libye contre le général Haftar, les minorités ouïgours en Chine, la Tchétchénie, la
Birmanie, les sunnites en Iran, ou
encore les minorités musulmanes en Inde. La violence n’a donc pas faibli depuis
1989 mais elle a pris des formes nouvelles. Sans disparaître, les conflits
internationaux, au sens juridique de « guerre entre Etats », ont
laissé la place aux conflits internes, tandis que la CPI reste un levier entre
les décideurs du monde.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
Le droit international, à travers les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, reconnait deux types de conflits armés: les conflits armés internationaux opposant des Etats parties aux conventions et les conflits armés non internationaux. Cette distinction ne rend pourtant pas compte de la diversité des conflits et des formes de violence dans le monde, comme le suggèrent les travaux de divers centres d'analyses.
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