jeudi 23 février 2023

 CHANGEMENT CLIMATIQUE / VERS UN AVENIR APOCALYPTIQUE


Notre humanité est un cadre de contrainte qui, tout en imposant un succès à la nourriture, à l’eau et à une atmosphère respirable, délimite un espace de liberté dans lequel nous pouvons exprimer nos choix, nos possibles, tant que nous ne nous rapprochons pas trop de nos limites physiologiques, les limites conditionnées par l’hygrométrie, la teneur atmosphérique et alimentaire/ hydrique en agents polluants et pathogènes, la température, etc. 




Notre vulnérabilité se décline sur plusieurs niveaux : de manière directe, à travers la contrainte thermique chaude ( une combinaison de seuil de température, d’hygrométrie au-delà de laquelle l’exposition prolongée peut être fatale), les rayonnements UV et la pollution atmosphérique, mais aussi de manière indirecte, pour raisons écologiques ( par changement d’habitat des vecteurs de maladie et des hôtes zoonotiques), physiques ( traumatisme lors des événements météorologiques extrêmes) ainsi que par de méningites suivant les périodes de sécheresse intense qui génèrent déjà des épidémies de maladies diarrhéiques par manque d’eau potable.)

LA MONTÉE DE LA TEMPÉRATURE


Les vagues de chaleur génèrent œdèmes de chaleur, crampes jusqu’au coup de chaleur : une urgence médicale qui entraîne des troubles neurologiques et une confusion pouvant évoluer vers un coma et un décès en l’absence de prise en charge rapide. Dans le sixième rapport du GIEC, le SSP5-8,5, scénario modélisant un développement basé sur les énergies fossiles à l’horizon 2100, estime, à un degré de confiance élevé, la possibilité de voir le nombre de jour par an franchissant les 14°C dans les régions tropicales dépasser la barre des 100 jours par an. Sachant que 65% du temps de travail en extérieur au niveau mondial concerne le secteur agricole et se situe dans les pays à revenus faibles et intermédieras, on comprend rapidement que l’impact sur la sécurité alimentaire et le niveau de pauvreté des populations peut être dévastateur, augmentant par effet domino le nombre de candidats à la migration massive. C’est le cas notamment sur le plus grand couloir de migration globale, où la migration climatique risque de venir gonfler les rangs des caravanes de migrants pour quitter les chaleurs et humidités record de l’Amérique centrale et le Nord de l’Amérique Latine. C’est le continent africain dans sa globalité qui sera impacté par les chaleurs extrêmes alors que l’Afrique devrait porter 40% de la population mondiale. Plus à l’est, ce sont la quasi-totalité des régions côtières de Indopacifique, une région très fortement urbanisée, avec des villes où l’effet « dôme de chaleur » peut faire grimper la température de 5°C supplémentaires. L’Inde, la Chine et le Nigeria, qui représenterons à eux seuls 35% de l’augmentation totale de la population urbaine mondiale à venir, sont tous trois concernés par une augmentation de 100 à 200 jours par an, où la température sera à 41°C.

CATASTROPHES METEOROLOGIQUES ET FONTE DES GLACES


Le réchauffement climatique impacte d’ors et déjà la totalité du globe, et les zones polaires plus rapidement que les autres. La fonte des glaces menace déjà 570 villes de submersion à travers la planète, tandis que la fonte du pergélisol ( sol gelé), perte la double menace de libérer le CO2, mais aussi une multitude d’agents pathogènes pour lesquels l’humain n’est pas ou plus immunisé. Avec le réchauffement global du système climatique, la planète expérimente une augmentation des événements météorologiques extrêmes à travers l’accélération du cycle de l’eau : vagues de chaleur, mais aussi fortes averses pouvant entraîner des inondations, notamment en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et en Afrique, avec un changement des moussons. Ces situations entraînent des glissements de terrain, des coulées de boue et d’autres mouvements de masse pouvant entraîner de nombreux traumatismes, physiques, psychiques et décès, mais également des maladies liées à l’eau dans les jours et semaines qui suivent du fait de la réduction de la disponibilité de l’eau potable. Les régions où le risque d’inondation reste modéré, bassin méditerranéen, Californie, Amérique Latine, Australie, doivent affronter un risque accru de feux de foret qui rejettent dans l’atmosphère gaz et particules irritantes pour les poumons ( ont compte déjà des cancers des poumons, asthme, bronchite, pneumonie pour les non fumeurs à cause des particules irritantes à travers le monde selon l’OMS. )


LA POLLUTION


Avec la pollution atmosphérique, on touche au cœur du fléau : la cause du réchauffement climatique, mais aussi la cause de nos problèmes respiratoires. Les émissions de gaz à effet de serre ( GES), en augmentant le nombre de particules polluantes dans l’air, impactent directement notre système respiratoire. Nous atteignons, en 2022, une concentration de CO2 de 415 ppm ( sur un million de particules d’air, 415 sont des particules polluantes.) Cette pollution atmosphérique a doublé en moins de 150 ans et en traversant la paroi alvéolaire, se trouve directement dans la circulation sanguine. Il en résulte alors une inflammation chronique des tissus exposés avec l’apparition de zones lésionnelles étendues qui est d’autant plus précise et marquée qu’il s’agit de particules ultrafines, générant infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral. Notons qu’aujourd’hui, l’OMS estime que 99% de la population mondiale respire un air pollué, et considère à ce titre la pollution atmosphérique comme l’un des plus grands risques environnementaux pour la santé. C’est donc toute la population mondiale qui est concernée, mais de manière inégale. Si en Europe, on observe une concentration de particules fines inférieure à 15% et 25% en Europe de l’Est, on retrouve des concentrations de particules fines supérieures à 35% dans la zone saharienne, sahélienne et au Moyen-Orient, dont le climat chaud, sec associé à la pollution, explique ces chiffres. Mais c’est aussi en Asie de manière générale, obligeant les citadins à porter le masque pour tenter de se protéger des hauts niveaux de pollution; mais aussi une pollution globale du fait de l’externalité négative mondialisée de la pollution atmosphérique.

LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES DÉCENNIES A VENIR



En modifiant les températures, l’hygrométrie, la force et parfois le sens des vents, le changement climatique n’influe pas uniquement sur le cycle de vie des cultures, il affecte les rendements, mais également de nombreux animaux, parasites et insectes. Ce sont leurs distributions latitudinales, altitudinales, mais aussi leurs périodes d’activité au cours de l’année, leur longévité, leur densité ou encore leur durée d’incubation qui s’en retrouvent impactées. Cette évolution explique l’émergence de plusieurs maladies, comme la dengue, le chikungunya, le virus Zika, et le paludisme. Cependant, diminuer nos émissions de GES reste pour l’instant un échec. Alors qu’en 1982, où il était question de prospective sur l’évolution du changement climatique face aux extractions fossiles, dans lequel avaient été prédits un climat à +1°C et une concentration de CO2 à 415ppm en 2020. Tout a été fait en interne pour déployer un lobbying afin de minimiser la certitude de tels résultats, installer le doute et appuyer sur les effets sociaux dévastateurs d’une potentielle décarbonation de la société. Pour autant, le sujet mobilise peu en dehors du cercle d’experts et sort de son statut scientifique pour tomber dans la croyance. On assiste à l’apparition du climato-scepticisme, suivant le principe « psychologique du déni.» Il est en effet plus facile pour le psychisme de nier l’existence du changement climatique que de gérer l’étendue de la tache à accomplir pour changer les choses. Le GIEC a déjà rendus publics trois rapports ( 2023), lorsque la canicule du siècle a touché l’Europe, causant un surplus de 70 000 décès à travers 12 pays européens, accompagnée d’un épisode de sécheresse générant plusieurs feu de forets sur le pourtour méditerranéen.

LE POIDS DU LOBBYING AGRESSIF INTERNATIONAL


Le protocole de Kyoto signé en 1997 prévoit un engagement des pays industrialisés afin de diminuer de 5,2% leurs émissions de GES entre 2008 et 2012. Toujours pas mis en ouvre en 2003, il ne sera acté que deux ans plus tard lors de la COP11, un long processus qui nécessitait la présence de pays clefs pour faire vivre le protocole. Or, aux États-Unis, pays responsable d’un cinquième des émissions historiques de GES, le Sénat fit voter à l’unanimité la résolution Byrd-Hagel afin de faire obstacle à une éventuelle ratification américaine. Une résolution portée par un lobbying agressif du secteur du charbon et de l’industrie, argumentant sur le poids des emplois porté par l’industrie des énergies fossiles et sur l’aberration de signer un traité où ne figure pas la Chine, alors troisième pollueur au niveau mondial. La Chine passera devant les États-Unis en 2006; ces derniers se déclarant ainsi hors-jeu, c’est la Russie qui fut ciblée pour ratifier le protocole. La Russie négocia sa ratification en échange de l’appui européen pour sa candidature à l’OMS et en prenant 1990 comme année de référence pour sa réduction d’émission de GES. Malgré sa ratification, la légitimité du protocole de Kyoto fut entachée par la lenteur du processus. De nombreux pays n’ont pas tenu compte de leurs engagements : l’Australie  (+34,6% d’émissions entre 1990 et 2012, contre une promesse à 8%), l’Espagne ( +23,5%), la Turquie ( +124%), le Canada  (+25,5%, alors qu’il devait diminuer ses émissions de 6%), qui finit par se retirer du protocole en 2011 devant son incapacité à tenir ses engagements pour la période allant de 2013 à 2020, afin d’éviter le vide juridique, certains suivirent le Canada. Le Japon, la Russie ainsi que la Nouvelle-Zélande sortirent du processus. Une analyse superficielle pourrait considérer Kyoto comme un échec, notamment au regard du précédent succès du protocole de Montréal de 1987. Celui-ci visait une réduction puis un bannissement des CFC dans l’industrie du froid afin de préserver la couche d’ozone. Bien que Montréal fut effectivement le premier traité universellement ratifié, il doit plus son succès au fait que l’industrie chimique avait d’ores et déjà un remplaçant aux CFC, soit les HFO qu’à une réelle prise de conscience environnementale. Néanmoins, on doit au protocole de Kyoto la mise en place de certains mécanismes inédits, tels que le marché du carbone, qui permirent une plus grande flexibilité dans les objectifs à atteindre, et surtout un langage commun avec les préoccupations financières qui gouvernent notre monde. La façon d’aborder le changement climatique dans les négociations internationales porte en elle la genèse des obstacles qui entravent les négociations depuis vingt ans : l’opposition entre les pays riches et les pays pauvre, entre les pays pollueurs et les pays impactés entre les pays qui doivent faire des efforts en premier et les autres, il existe une fracture nord-sud de plus en plus présente qui, se nourrit du manque de confiance suite aux pillages de matières premières dans les pays du sud. Ce manque de confiance est l’une des raisons de l’échec de la COP15 à Copenhague en 2009, dont l’opinion publique et les ONG attendaient beaucoup. Fut bien entérinée une limite de 2°C maximum à l’horizon 2100, mais aucune réflexion sur le comment faire. Mais Copenhague, c’est surtout la mise en lumière des pays émergents souhaitant élargir leur visibilité, dont l’association sera formalisée en 2015 par la création du V20, comprenant les 20 pays les plus vulnérables au changement climatique. De manière générale, le système de négociation par la coopération autour d’un objectif commun ( 5,2% d’émission de GES, +2°C maximum) s’essouffle et des contestations s’élèvent sur les droits de la Terre-Mére en marge des COP. Les négociation souffrent toujours du manque de confiance et de la crise économique de 2011 qui renvoie l’action climatique à la décennies suivante. L’absence de compréhension du caractère systémique du changement climatique par les dirigeants a de nouveau fait perdre de précieuse années. Cette universalité est mise en difficulté par la versatilité des américains, avec un retrait en 2017, puis un retour en 2021 sous la présidence de Joe Biden. Cette alternance inquiète la communauté internationale de voir se politiser la lutte contre le changement climatique aux États-Unis et par effet domino dans d’autres pays, notamment au Brésil.


VERS UNE JUSTICE CLIMATIQUE AU SERVICE DES ENJEUX ACTUELS ?


En 2020, suite à la pandémie de Covid-19, les confinements et l’arrêt de très nombreuses économies, les émissions de GES baissèrent au niveau mondial, faisant miroiter un monde d’après où l’accord de Paris pourrait être respecté. Espoir déçu très rapidement lorsque dés 2021, les émissions reprirent de plus belle. A la COP-27, en novembre 2020, on ose parler de succès avec l’établissement d’un fonds pertes et dommages, crée afin d’indemniser les pays à revenus faibles et intermédiaires impactés par le changement climatique. Un vœu porté par les pays du sud depuis trois décennies, et qui devrait être rendu opérationnel par la COP-28 à Dubaï. Le mécanisme de financement n’est pas établi, et malgré le chiffre imposant de 100 milliards de dollars pour ses ménages et industries afin de traverser la crise énergétique, comment croire que 100 milliards suffiront à reconstruire le Pakistan, affectée par une sécheresse pluriannuelle, et à luter contre le montée des eaux dans les États insulaires du Pacifique? Cela permet cependant de faire un pas vers une ( justice climatique), de tenter de rétablir une confiance et de combler le fossé qui se creuse entre les pays du nord, à la responsabilité carbonée historique, et ceux du sud, qui sont au-devant de la vague. Néanmoins, ces inégalités sont multiples et diverses. Il existe des inégalités sur la vulnérabilité, mais aussi en termes de responsabilité, de droit au développement économique et social. Tant que celle-ci ne trouverons pas d’accord, entériner un traité sur un enjeu global sera proche du vœu pieux, tel l’échec d’août 2022 autour du traité sur la haute mer, à New York, les négociations ayant buté sur le partage équitable des ressources génétiques de la haute mer entre pays développés et les pays à revenu faible et intermédiaire.




Enfin, un scénario similaire s’installe pour porter la réduction des émissions de GES au niveau mondial, un processus pourtant primordial à notre XXI siècle. Aujourd’hui, la somme des objectifs nationaux ne permet pas le respect de l’accord de Paris, et la dernière COP à Charm el-Cheikh n’a pas su nous sortir de l’impasse. Or, le sixième rapport du GIEC est assez clair sur l’horizon 2100, dans un scénario de développement aux énergies fossiles ( SSP5-8,5) où le réchauffement global pourrait atteindre les 5°C.

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA



















































































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire