dimanche 12 juin 2022

GÉOPOLITIQUE DE LA CRIMINALITÉ FINANCIERE INTERNATIONALE

Complexe et puissante, la criminalité internationale est devenue un acteur géopolitique majeur. Épousant les contours de la globalisation financière en y exploitant les failles du libéralisme économique, ses activités, de plus en plus variées ( évasion fiscale, fraude, blanchiment, corruption et paradis fiscaux ) dessinent en creux les faiblesses structurelles des États qui y sont confrontés. L’infiltration du crime organisé dans le système financier mondialisé et la multiplication des crises financières sont venues illustrer les failles majeures du logiciel financier mis en place au début des années 1970. Peut-on parler du déclin de la mondialisation? Ou encore détruire cette pyramide qui a laissé s’échapper des tornades et ouvert des appétits méphistophéliques et féroces?
La mondialisation naît au début des années 1970, quand les États-Unis cherchent à sortir d’une double crise. Une crise économique et financière qui s’étend à l’ensemble du monde Occidental sans épargner le bloc de l’Est, car la construction des accords de « Bretton-Woods» de juillet 1944 est en train de s’effondrer. Le système monétaire international d’après guerre se désintègre, les pays producteurs de pétrole, réunis dans le cadre de l’OPEP, vont engager une partie de bras-de-fer avec les pays développés, l’inflation explose, le chômage de masse revient, la croissance s’infléchit. Depuis, l’économie mondiale est au bord du gouffre et les pays occidentaux trépignent d’impatience pour sortir du joug d’un autre âge. Le monde, tel qu’on le concevait encore dans les hautes sphères, n’était qu’un concept vide. Or le vide en politique n’existe pas, il désigne un espace où le pouvoir revient toujours à ceux qui possèdent la puissance et le richesse: or, la première était en berne et la seconde en peau de chagrin. Elles risquaient ainsi de tomber dans de nouveaux mains, et c’est bien la hantise de l’Occident. L’habilité, plus que le génie, fut alors de transformer les faiblesses de ce dernier en armes de reconquête. Si le monde était vide, la mondialisation viendrait le remplir. Puisque la puissance et la richesse n’arrivaient plus à s’imposer de force, elles allaient le faire en douceur. Plutôt que de contraindre les récalcitrants, on allait les enjôler. La globalisation financières a été la martingale qui a permis d’instaurer un ordre mondial par-dessus la tête des États, une gouvernance sans gouvernement, un ordre invisible mais obligatoire auquel tous les États se soumettraient librement. Il suffirait, par un tour de manipulation de faire croire au monde entier qu’il se retrouverait régulé grâce à la dérégulation économique et financière. A condition que tous acceptent une hiérarchie aussi discrète que révérencieuse dont le sommet serait a Washington. La mondialisation a donc pris les apparences d’une gestion des flux, ( flux des hommes, des monnaies, des capitaux, des biens, des services, des marchandises, et autres ) qui devaient s’auto-administrer dans les interstices entre les souverainetés étatiques et sous l’autorité évanescente d’État de plus en plus absents. En somme, la mondialisation depuis ça création, n’a reçu qu’un seul commandement, ( il est interdit d’interdire.) Sur le terrain, des institutions, formelles et informelles, ont été créées pour la mettre en œuvre: Organisation mondiale du commerce ( OMC), G5, Groupe d’action financière ( GAFI), Banque mondiale, FMI, OCDE et autres lobbyistes. Forcement, une multitude de traités internationaux, multilatéraux, bilatéraux ont été signés pour mettre en place des principes, ériger des règles, instaurer des mécanismes, d’arbitrage et de régulation qui avaient tous le même ordre. Faut-il vouloir juger la mondialisation, elle s’en est chargée toute seule. Elle reposait sur un pari et ce pari est actuellement perdu: donner aux marchés financiers un rôle régulateur de l’économie mondiale et en faire en même temps le gendarme d’une sécurité globale, qui n’aurait plus besoin des empires pour faire la police internationale en servant au passage, par la force s’il le fallait, leurs propres intérêts. La finance endette le monde et revend ses créances aux banques centrales qui les entassent dans leurs bilans artificiel. Au fil du temps, les pays occidentaux se sont non seulement désarmés en prêchant un monde vertueux et réconcilié dont ils avaient trop vite décrété la fin de l’histoire, qui donc veut encore mourir pour sa partie dans un Ouest sans horizon? Mais ils ont laissé grandes ouvertes, et à portée de n’importe qui, les portes du coffre-fort dans lequel ils ont placé en valeurs financières tous leurs actifs économiques, sans la moindre surveillance, en plein milieu du carrefour des routes mondialisées. En d’autres terme, le régulateur est lui-même complètement déréglé et ne régule plus rien. On observe à plus grands pas, revenir les États dans la course à la puissance et à la richesse dont les États-Unis et l’Europe ont cédé leur monopole. Mais les enjeux sont en train de changer car, en ouvrant sans modération les voies de circulation et d’échanges, ils ont soulevé le couvercle de la boite de Pandore qu’ils n’ont plus les moyens, aujourd’hui, de refermer. La mondialisation s’est retournée contre elle-même, car les puissances pourront y trouver leur compte en retrouvant l’odeur nauséabonde de l’oppression, la famine, la servitude des peuples, de la rapine et, la fabrication des guerres.

CORRUPTION, FRAUDE, ÉVASION FISCALE, BLANCHIMENT, PARADIS FISCAUX ET LES RÉGIMES MAFIEUX

Le nouveau cancer de la démocratie s’explique par le venin des fraudes qui a envahi toutes les strates de l’économie mondiale. Il exploite toutes les failles et tous les blocages entre les législations des différents États. Les nouveaux mafieux s’attaque à tout type de réglementation légitime, nationale et internationale, aux processus internes susceptibles de limiter l’appropriation de gain. La criminalité organisée performe dans les attaques externes. La palette des opportunités est sans limite, composante de la vie collective, présente partout où il y à quelque chose à gagner, elle évolue en permanence à l’échelle planétaire. Le fraudeur et le corrompu doivent blanchir et ont besoin d’argent sale. Ce fléau rongent discrètement les fondements de notre démocratie. Des montants colossaux ont voyagé sans contrôle et à grande vitesse, sous couvert de fausses factures, de faux contrats, de faux procès, de sociétés écrans. Ils ont été dissimulés et blanchis dans les paradis fiscaux et dans tant d’autres pays non désignés comme tels. La commercialisation des montages s’est professionnalisée et mondialisée. La survie de ces artistes du faux et de l’occulte, de cette organisation parallèle si chère aux criminels et aux premiers de cordée dépend de l’utilisation généralisée des montages destinés à dissimuler les origines, les destinations réelles des fonds et leurs propriétaires. Leur lobby exerce par ailleurs une pression exceptionnelle. De plus, l’écosystème de la fraude s’est désormais démocratisé. Si les typologies des montages n’ont guère changé, la mondialisation et internet ont optimisé leur efficacité par le jeu du saute-frontières, ainsi que leur efficience en découplant le flux financier du flux documentaire. Il exploite toutes les failles et tous les blocages entre les législations des différents pays. La mondialisation et la dérégulation ont diffusé ces montages en facilitant le rapprochement avec la grande criminalité afin de faire des affaires, de protéger les flux frauduleux. Celle-ci constituent le facteur multiplicateur de la corruption et ont promu une oligarchie s’estimant au-dessus des lois.

L’AFRIQUE / LES MONARCHIES DU GOLFE / LES DICTATEURS ET LES PARADIS FISCAUX
Les élites corrompus n’ont que faire de l’environnement juridique, de l’ensemble de la population, pas plus que de l’image et de la situation de leur pays. Seul compte leur enrichissement personnel et celui de leur entourage ( abus de pouvoir à des fins personnelles. ) Le lien essentiel entre la prise de décision collective et la capacité du peuple à influencer par le vote et la participation ces décisions est alors rompu. Cette gangrène financière lorsqu’elle s’incruste dans un pays, se matérialise par un exécrable répartition des ressources, les kleptocrates se souciant de leur intérieur personnel en priorité. Ce détournement de ressources, de subventions ou d’aides génère un bondon des services publics, soit parce que le financement de ces derniers fait l’objet d’une appropriation par le régime, soit parce qu’il n’est pas financé. Il devient alors lui-même source de corruptions. On constate alors une perte de confiance dans la politique et envers les fonctionnaires. La majorité de la population se sent méprisée par les élites et la répression des services de sécurité qui vielle au doit et a l’œil a leurs bourreaux; et dés lors ne participe plus au vote, ni aux débats publics, considérés comme manipulables. Au sein de ces pays mafieux, les dirigeants corrompus, après avoir mis la main sur l’État, forcent les clivages poussant le citoyen vers des appréciations morales, utilisant la répression et surtout en isolant le pays pour se maintenir. Ce n’est pas un hasard si la corruption est devenue le dénominateur commun de la plupart des soulèvement populaires et les printemps arabes depuis une dizaine d’année, et les révoltes progressent a petit feu. Bien que épinglée par les institutions internationale, elle s’est toujours régénérée sous des formes diverses. C’est le point d’entrée de la criminalité dans la politique et l’économie. Elle enrichit les pouvoirs et écrase les opposants des pays dictatoriaux. Ailleurs, elle est considérée comme l’outil de l’occidentalisme.

ARADIS FISCAUX: UNE TUMEUR AU CŒUR DE L’ÉCONOMIE ET DE LA FINANCE INTERNATIONALE

Le paradis fiscal reste l’une des pièces maîtresse du dispositif frauduleux. Il fournit, clés en main, les moyens aux privilégiés de contourner les règles, les lois et les réglementations édictées dans d’autres pays. Il monétarise les moyens d’échapper à ce qui constitue l’essence même de la vie en société. Les scandales n’ont que peu d’effets sur la survie des paradis fiscaux, car la globalisation économique, développée de concert avec la création des grandes entreprises internationales, a généralisé l’utilisation de ces derniers. Les principes de souveraineté exclusive de chaque État sur son territoire et le soutien des pays industrialisés à leurs entreprises phares et à leur internationalisation se sont imposés avec force. Il s’en est suivi la création d’une sorte de droit international économique plus ou moins écrits traitant de la réalisation des contrats hors juridiction, du règlement des litiges entre entreprises et de la création d’espaces fictifs appelés « Offshore». De plus, il sont porteurs de très forts enjeux géopolitiques et géostratégiques, car installés dans les zones d’influence des États. Les grandes puissances utilisent les territoires qui sont sous leur dépendance, certaines les contrôlent indirectement. D’autres se défendent seuls. Les marchés publics ont toujours présenté une forte réceptivité aux atteintes à la probité et aux détournements de fonds publics, ils en constituent l’un des supports privilégiés. Ce constat s’explique aisément: ( l’argent de l’État c’est de l’argent public et, on l’a constaté en matière de fraude, qui vole l’État ne vole pas le peuple ; de plus, les victimes ne sont pas individuellement identifiables. Les marchés sont Camusiens, ce qui ne peut être nommé n’existe pas.) La typologies de montages sont bien connues et se perpétuent, déclinant les mêmes pratiques à chacune des phases des marchés. Ainsi, au fil du temps et de l’évolution technique, notamment en France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Finlande, la Norvège et le Danemark, le Japon, la Corée du Sud, le Singapour, Taïwan, la Malaisie, et l’Indonésie, un type de montage est parfaitement conçu et adapté à la procédure et au cycle de contrôle. Depuis les études menées en amant de la passation du marché jusqu’aux contentieux engagés ou pas lors de leur conclusion, les manipulations sont ajustées. Les artifices mis en place aux divers stades de la procédure présentent une apparente régularité, mais que faire des autres pays dont les milliards remplissent les banques notamment en Europe et aux États-Unis?

LA PYRAMIDE DE BOULE-DE-NEIGE

Les crises ponctuelles ou systématiques, n’ont cessé de scander le montée en puissance de la finance mondiale, jusqu’à la crise suprême en 2008, qui a marqué son crépuscule. Elles ont toutes été dues à une seule cause, directe ou indirecte: à peu de choses prés, la finance régulatrice n’est elle-même ni gérée, ni encadré, ni limitée, ni régulée et rien ne la protège contre ses propres démons: la spéculation, la corruption, la falsification, la manipulation, les plus notables ont été la crise de la dette des pays en voie de développement ( 1982-1989), le (krach de 1987 du marché obligatoire puis du marché des actions), ( l’éclatement de la bulle spéculative du Japon en 1989, la crise du système monétaire européen en 1992, celle du marché obligatoire en 1994, la crise asiatique de 1997, la faillite de LTCM en 1998, l’éclatement de la bulle internet en 2000. Nombre de ces crises, ont été précédées, accompagnées ou suivies de spéculations, de manipulations, de fraudes aux plus hauts niveaux, et quasiment toutes dans l’impunité de leurs auteurs. Cette série de crise successive, ont explosé en série, après la déflagration principale, au-dessus des pays les plus fragiles et les plus exposés: Grèce, Portugal, Espagne, Venezuela, Brésil, Russie, Chine, Turquie et l’Argentine. La crise de 2008, a non seulement été au carrefour des deux phénomènes, puisqu’elle est née d’une pyramide à l’échelle mondiale organisée par quelques une des plus grandes banques américaines, mais elle a de surcroît été fatale au système financier international. Depuis un champ de ruine s’installe au sein de la mondialisation. La monnaie banque centrale, qu’il a fallu faire couler à flots, a sauvé in extremis la monétisation des valeurs financières qui n’ont été épargnées que par ce soutien artificiel. La finance endette le monde et revend ses créances aux banques centrales qui les entassent dans leurs bilans en attendant des années meilleurs. Tout s’est déréglé en même temps, la marché des taux est devenu atone, celui des matières premières erratique, celui des créances mobilières hystérique, celui de la dette irrationnel. L’ensemble des marchés financiers se seraient, une nouvelle fois étranglés. Le cinquième marché en revanche, celui des actifs singulier non financiers à haute valeur ajouté, se porte à merveille, plus fort après chaque crise. Servant de refuge aussi bien à l’argent sale qu’à l’argent propre du moment qu’il est abondant. Il est le déversoir de la valeur dans la quel on vient profiter sans vergogne de l’anarchie qui règne sur tous les horizons. En somme, les pays occidentaux se sot non seulement désarmés en prêchant un monde vertueux et réconcilié dont ils avaient trop vite décrété la fin de l’histoire, qui donc veut encore mourir pour sa partie dans un avenir déjà bouché; Mais ils ont laissé grandes ouvertes, et à portée de n’importe qui, les portes du coffre-fort dans lequel ils ont inconsidérément placé en valeurs financières tous leurs actifs économiques, sans la moindre surveillance, en plein milieu du carrefour des routes mondialisées.
Mais avec quoi va-t-on dorénavant réguler si le régulateur est lui même complètement déréglé et ne régule plus rien? On observe avec acuité l’influence des États dans la course à la puissance et à la richesse dont les États-Unis et l’Europe qui ont déjà cédés leurs monopoles. Mais cette fois ci, les enjeux sont en train de changer car, en ouvrant sans modération les voies de circulation et d’échanges, ils ont soulevé le couvercle de la boite de Pandore qu’ils n’ont plus les moyens, de refermer. En d’autre terme, la mondialisation a créé des cyclones qu’elle ne maîtrise pas, après avoir ouvert des appétits, nombreux et féroces, à ceux qui avaient compris la leçon et qui ont appris, eux aussi, comment transformer leurs faiblesses en force indomptable.

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA

N.B/ L’endettement mondial, dont les excès ne sont qu’une des façons de mesurer l’ampleur des déséquilibres d’une économie et d’une finance hors contrôle, s’élevait à 226 000 milliards de dollars à la fin de 2020 selon le FMI, avec une prévision à plus de 300 000 milliards fin 2021.















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