samedi 21 mai 2022

GEOPOLITIQUE/ GEOSTRATEGIE : UN MONDE EN SURSIS ET DES PEUPLES EN OTAGE

Que ce soit en termes géopolitiques ou géoéconomiques, l’enjeu central des deux prochaines décennies réside dans la compatibilité des projets chinois et américains. Durant la guerre froide, les principaux partenaires commerciaux des États-Unis étaient leurs alliés militaires. Ce n’est plus le cas puisque la Chine apparaît à la fois comme leur principal partenaire économique et surtout leur premier rival stratégique. Le duel entre Washington et Pékin est inévitable. Dans une double optique globale et régionale, cette tension fondamentale conduit à trois séries de stratégies sur l’échiquier mondial.

En premier lieu, il s’agit d’analyser la consolidation stratégique actuellement à l’œuvre entre la Chine, les États-Unis, mais aussi la Russie. Ces trois membres permanents du Conseil de sécurité disposent d’un pouvoir de structuration des équilibres stratégiques, bien supérieur aux autres nations. La crise actuelle du multilatéralisme s’explique avant tout par leur comportement; ils forment un triangle dont les déformations affectent directement la stabilité internationale. Au sein de ce triangle, la Russie fait figure de segment fort en dépit d’une agilité agressive diplomatique, qui lui a permis de retrouver des marges de manœuvres au cours de la dernière décennie provoquant ainsi une menace potentielle a l‘échelle planétaire. Son positionnement, mais aussi du Japon, l’Inde, l’Australie et des pays européens joueront sur l’équilibre sino-américains, qui ne se résume pas à une équation bilatérale comparable à la confrontation soviéto-américaine de la guerre froide. Avec la « Belt and Road Initiative BRI», la Chine a pris les devants et contraint les États-Unis à réagir au moment où ils connaissent une crise inédite de leadership. En deuxième lieu, l’avenir de l’UE mérite une attention toute particulière, dans la mesure où elle apparaît plus vulnérable que jamais. Néanmoins, son délitement, tant de fois annoncé, transformerait les pays européens en acteurs de troisième rang face aux nouvelles logiques de puissance. La trajectoire de l’UE dépend de sa volonté propre, de la solidité des relations franco-allemandes, de la déformation du triangle stratégique mais surtout des transformations de la Méditerranée et du continent Africain. L’UE exerce des compétences, notamment commerciales, que les États membres lui ont déléguées avec une construction juridique complexe. Son projet correspond à une certaine conception de la mondialisation reposant sur l’économie de marché, la liberté de circulation et la démocratie représentative, conception actuellement contestée à la fois par des puissances extérieures et par des forces politiques en son sein. L’UE joue également son avenir dans sa capacité à construire des relations euro-méditerranéennes et euro-africaines solides et équilibrées. Quels peuvent être les modes de coexistence entre une Europe vieillissante, des États africains incapables de répondre aux aspirations de leurs populations et des pays en pleine croissance démographique? ( l’Afrique de l’Est, du Sud, de l’Ouest, et du Nord .) En troisième lieu, la prise de conscience des impasses du système mondial, qui se caractérise désormais par un accroissement vertigineux des inégalités, une accentuation de la pression démographique, un épuisement des ressources naturelles et une capacité illimitée de mise en réseau des individus comme des groupes. La tension entre l’augmentation de la demande énergétique mondiale représente un enjeu crucial. Plus profondément, l’insuffisance des moyens alloués au simple maintien des équilibres énergétiques risque de produire des phénomènes d’effondrement de sociétés humaines à plus ou moins brève échéance. Sur la plan stratégique, elle se traduit par une rivalité entre puissances et par l’apparition de nombreux acteurs privés disposant d’une influence globale. Sur le plan économique, elle se caractérise par le passage d’une économie de consommation de masse à une économie de la consommation personnalisée. Dans le domaine diplomatique, le numérique accélère la diffusion du pouvoir à l’ensemble des acteurs sociaux. Reste à savoir si le développement rapide de l’intelligence artificielle, ne va pas entraîner une recentralisation du pouvoir dans les mains d’une poignée d’acteurs, dans la mesure où il implique des partenariats complexes entre États et entreprises technologiques.

L’ASIE / NOUVEAU CENTRE DU MONDE

Du début des années 1960 à nos jours, l’Asie a plus que doublé sa part relative du PIB mondial pour parvenir à 36% en 2019. Actuellement, elle devance l’Amérique avec 33% pour les deux sous-continents et 18% de l’UE, tout en continuant à bénéficier globalement d’une croissance soutenue, contrairement aux pôles occidentaux. L’Asie, qui a bâti sa croissance sur les exportations, est devenue un pole de croissance autonome tiré par le Japon puis, les quartes Dragons Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong. Les Tigres asiatiques, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines, Brunei, et désormais les géants chinois et indien. L’Asie connaît aussi une forte poussée démographique, prés de 2 / 3 de la population mondiale. Pour le reste des continents, le monde bascule vers l’Asie. Pourtant, sur le plan stratégique, l’Asie connaît toujours des hauts et des bats. La fin de la guerre froide n’y a pas eu le même impact positif qu’en Europe et n’a pas signifié la fin de la menace. Les rivalités nationales surpassent les oppositions idéologiques. L’inégalité et la diversité des acteurs interdisent que se crée un équilibre des puissances. La Chine a connu durant trente ans une croissance économique forte qui devrait en faire la prochaine grande puissance mondiale. Elle n’aspire pas à modifier le système mondiale, elle veut uniquement en prendre la tête. Elle a dépassé le Japon en termes de PIB et compte faire de même avec les États-Unis d’ici une génération. Sur le plan diplomatique, 181 organisations sont dirigés par la Chine provoquant ainsi le pouvoir d’action de l’ONU sur l’ensemble des États.

L’ASCENSION ECONOMIQUE CHINOISE

Depuis le début des années 1980 et les quatre modernisations lancées par Deng Xiaoping, la Chine a connu une croissance proche de 10% par an qui passe désormais à 6 à 7% par an depuis 2012. Elle se situe désormais au 2 rang mondial en termes économiques et occupe la première place dans le commerce extérieur mondial. En 2013, le renminbi a détrôné l’euro comme seconde monnaie la plus utilisée dans les contrats commerciaux. L’économie chinoise est passée de 2% à plus de 16% de l’économie mondiale; le PIB par habitant et par an était de 200 dollars en 1978, il est supérieur à 10 000 aujourd’hui et prés de 800 millions de Chinois sont sortis de la précarité. En 2020, Pékin annonçait que l’ensemble de la population était sorti de la pauvreté extrême en Chine. Elle abrite quatre milliardaires sur 10 dans le monde. La richesse combinée des 415 milliardaires chinois équivaut à peu prés au PIB de la Russie de Poutine. D’ici 2030, elle aura rattrapé économiquement les États-Unis et elle est le seul pays qui peut opposer à Washington une vision globale du monde qui lui soit concurrente. Le déficit commercial des États-Unis atteignait un record de 419 milliards de dollars en 2018, pour revenir à 345 milliards en 2019. Les exportations constituent en 2018 19% du PIB chinois. Face à des marchés extérieurs qui risquent de se fermer, le défi est de développer la demande interne pour relancer la croissance. En 2000, les réserves de la Banque Chinoise étaient de 200 milliards de dollars. En 2020, elles s’élèvent à 3150 milliards. La Chine est actuellement le premier partenaire commercial de 130 pays. Plus de la moitié des grues en activité dans le monde sont en Chine, qui absorbe 50% du ciment consommé sur la planète. Elle est à la fois l’atelier du monde : jouets 70%, horlogerie 85% de la production mondiale, téléphones 63%, appareils photographiques 55%. Elle n’avait aucune ligne de chemin de fer à grande vitesse. Elle en a actuellement plus que le reste du monde réuni. Le nombre d’internautes dans le pays est passé de 22 millions en 2000 à 850 millions.

LA CHINE / PUISSANCE MILITAIRE ET DIPLOMATIQUE

Puissance nucléaire depuis 1964, la Chine a constamment modernisé ses forces nucléaires et balistiques, même si l’armée chinoise ne peut se mesurer à l’armée américaine, dont le budget est quatre fois supérieur. En 2014, la Chine effectuait son premier test de missile de croisière hypersonique, capable d’être équipé aussi bien d’une tête nucléaire que conventionnelle. Alors que la Chine avait mis en service son premier porte-avion à propulsion nucléaire en 2012, elle confirmait en 2014 le lancement d’un second. A terme, elle devrait se doter de quatre porte-avions. En 2013, la Chine lançait sur sa base de Xichang un satellite bolivien et confirmait sa place sur le marché international des lanceurs de satellites. Le programme avait été financé à hauteur de 85% par une banque de développement chinoise. En 2013, elle a lancé le satellite expérimental Shiyan 7, qui pourrait avoir une capacité antisatellite. En somme, la Chine serait prête à répliquer à une éventuelle guerre de l’espace. En 2016, elle lance le premier satellite quantique de l’histoire, prenant ainsi une avance dans le système de cryptage de l’information. Les dépenses militaires sont estimées entre 170 et 200 milliards de dollars par an, contre 740 pour les États-Unis en 2020. Sur le plan international, la Chine entend aussi bénéficier du boom économique et donner de l’ampleur à sa montée en puissance diplomatique. Elle affirme sa présence au Proche-Orient et fait désormais entendre voix sur les grands dossiers stratégiques par son statut de membre du Conseil de sécurité. Les chinois font également une cour assidue au continent africain. Xi Jinping, a réservé au continent africain sa première visite officielle. Les échanges économiques sont passés de 12 milliards de dollars en 2000 à 55 milliards en 2006, et à 200 milliards en 2016. La part de marché de la Chine en Afrique ont bondit de 3% en 2001 à 18%. Elle reste avide des matières premières du continent africain. Sa présence est bien perçue, car elle offre des alternatives à la présence occidentale, mais la Chine est parfois jugée trop pressante. En 2018, se tenait un sommet Chine-Afrique. La majorité des chefs d’État africains y assistaient. Xi Jinping promettait 60 milliards de dollars d’investissements nouveaux sur le continent. Le modèle de croissance de la Chine impressionne les leaders africains. De surcroît, Pékin prône la non-ingérence dans les affaires intérieures, contrairement aux Occidentaux. Elle a également ouvert une base militaire à Djibouti, et a construit les lignes ferroviaires Djibouti-Addis Abeba et Mombasa-Nairobi. Pékin est devenue le premier bailleur de fond des États africains, qui commencent à avoir peur d’un néocolonialisme chinois, de relations bilatérales inégales, de l’invasion de leur marché par des produits chinois et du pillage de leurs matières premières. En dehors de l’Afrique, elle développe aussi de forte relation avec l’Amérique Latine, toujours à la recherche de matières premières. En claire, elle s’assure une présence diplomatique à l’échelle mondiale. Xi Jinping, qui arrive au pouvoir en 2013, affirme nettement, après sa reconduction à la tête de la Chine en 2018, son ambition de voir la Chine redevenir la première puissance mondiale. Il renforce son pouvoir personnel et met fin à la limitation à deux mandats de 5 ans à la direction du PCC et devient Président à vie. Il resserre le contrôle sur la population ( le contrat social ) et poursuit une offensive diplomatique globale, bénéficiant du retrait américain de la scène internationale sous Donald Trump. Sur 15 organisations internationales du système onusien, 4 sont dirigées par des Chinois. La Chine occupe un double positionnement, celui de puissance conservatrice arc-boutée sur le principe de non-ingérence et celui de puissance dénonçant un ordre international perçue comme tyrannique. Pour l’heure, elle s’emploie à contrôler son environnement régional en cherchant à réduire l’influence américaine en Asie. En Arctique, au nom de la recherche scientifique et climatique, la Chine inquiète déjà les pays comme la Norvège, le Danemark, l’Islande, et la Suède par l’installation des bases militaires et surtout une éventuelle présence des sous-marins chinois sous la banquise, alarmant ainsi les États-Unis, la France, le Royaume-Unis, et l’UE. En claire, la Chine est devenue un régime autoritaire qui commande la marche du monde.

ETATS-UNIS / CHINE : LE DUEL DE LA SUPRÉMATIE

Depuis la nuit des temps, l’histoire de la guerre résume les causes fondamentales de la guerre par une triade d’une remarquable continuité historique : peur, honneur et intérêt. Après cette première référence vient souvent la sagesse de la force politique ( si tu veux la paix, prépare la guerre .) Cette formule paradoxale renvoie à une évidence historique : une nation prête au combat dissuade ses éventuels agresseurs, alors qu’une autre, mal préparée, suscite des convoitises. Donnée permanente de la condition humaine, la guerre est un des plus puissants facteurs de transformation du système international. Elle se trouve au cœur de l’État moderne car, comme le constate « Machiavel », ( le fondement de tout État , c’est une bonne armée. ) Elle se conçoit, se conduit et se conclut dans un cadre politique. En ce sens, elle correspond à la continuation des relations internationales par d’autres moyens. Sans être linéaire car la guerre porte en elle la surprise. Bornée dans le temps, avec un commencement et une fin, elle doit déboucher sur une issue, une solution négociée ou imposée, permettant le retour à un état de non-guerre, c’est-à dire la paix. Dans le domaine militaire, le verdict est sans appel. Si l’URSS semblait au cours de la guerre froide pouvoir se mesurer aux États-Unis, aucun État n’est plus en mesure de le faire aujourd’hui. Washington possède toute la panoplie de la puissance militaire. Des forces nucléaires à la fois aériennes, sous-marines et terrestres, des capacités de projection avec 10 porte-avions, des bases sur les cinq continents, des satellites d’écoutes et d’observation, des missiles tirés à distance et une boite de renseignements la plus puissante au monde . Le Patagonne dispose de 800 bases militaires dans 70 pays étrangers. L’OTAN, organe politico- militaire largement dominé par les Américains, a survécu à la disparition de la menace qui avait suscité sa création. L’implosion de l’URSS, loin d’avoir mené au démantèlement de l’Alliance atlantique, l’a au contraire confrontée dans son rôle d’acteur majeur de la sécurité européenne. Tous les anciens pays du Pacte de Varsovie et les pays baltes y ont adhéré. L’attraction de l’OTAN a été plus forte que celle de l’Union-européenne, car elle impliquait un partenariat avec les États-Unis qu’ils jugeaient indispensable pour faire face à la Russie, toujours vécue par eux comme une menace permanente. Le PIB américain reste de loin le plus important au monde, avec prés de 20 580 milliards de dollars contre 13 368 milliards pour la Chine et 4 971 pour le Japon, et enfin la Russie avec 1657, en 12é position. Par ailleurs, l’ ONU, le FMI, la Banque mondiale et, plus encore, l’OTAN est bien supérieur à leur poids théorique. Afin de promouvoir leurs propres intérêts, ils sont capables de peser sur les débats et d’orienter les décisions de ces organisations plus que tous autre membre, et ce sans hésiter à s’affranchir du cadre multilatéral s’il est jugé trop contraignant. En claire, (les États-Unis étaient multilatéralistes s’ils le pouvaient, unilatéralistes s’ils le devaient ), ce qui signifie qu’ils sont prêts à s’émanciper du cadre multilatéral s’ils ne peuvent faire prévaloir leur point de vue. Les États-Unis conservent encore leur statut de première puissance mondiale mais leur suprématie s’érode. Ils ne peuvent imposer leur politique à l’ensemble du monde, malgré leur volonté. D’ailleurs, « Zbigniew Brezinski», résume les atouts et les handicaps de son pays en six points chacun. Coté atouts : la puissance économique globale, le potentiel d’intimidation, le dynamisme démographique, la capacité à se mobiliser, l’attractivité démocratique, et la situation démographique. Coté handicaps: la dette nationale, le système financier déficient, les inégalités sociales croissantes, le vieillissement des infrastructures, l’ignorance du public des réalités internationales et le blocage du système politique.

FAIBLESSES ET DÉFIS DE LA CHINE

La Chine doit ne pas effrayer ses voisins asiatiques par une affirmation trop nette de sa puissance. Les pays de l’ASEAN ( association des nations de l’Asie du Sud-Est ) craignent un affrontement sino-américain qui les conduisent à choisir leur camp, alors qu’ils veulent avoir de bons rapports avec les deux puissances. Mais ils craignent encore davantage la rivalité sino-japonaise, de plus en plus agressive. Ils redoutent à la fois l’affirmation de la Chine, mais aussi une poussée américaine dans la région pour y répondre. Se définissant comme des nations commerçants, les pays de l’ASEAN s’affolent d’une montée d’affrontements stratégiques, jugés incontournables, ainsi qu’une situation qui les obligerait à choisir entre la Chine et les États-Unis, estimant que, si leur futur sécuritaire est lié à Washington, leur avenir économique dépend de la Chine. En matière des points faibles du développement chinois, Pékin va devoir affronter deux tendances lourdes concernant son économie: Le vieillissement prématuré de sa population avec, à la clé, l’explosion des dépenses de santé et une pression accrue sur les actifs et des déséquilibres croissants entre hommes et femmes. On va passer d’un pays où la cellule familiale est de deux parents qui s’occupent d’un enfant unique à une société où cet enfant devra prendre soin de ses deux parents à la retraite. Cela conduit les autorités à abandonner la politique de l’enfant unique. La pollution de l’aire en Chine coûte 1 million de vies par an. La pollution est devenue un sujet majeur de préoccupation et de récrimination pour la population. Elle entend miser sur les énergies renouvelables et jouer un rôle pilote en la matière. La croissance s’est bâtie sur un fort endettement. De 2008 à 2016, elle a été multipliée par 4 pour atteindre 28 400 milliards de dollars, soit 250% du PIB, dont 160% pour les seules entreprises chinoises. Le potentiel économique, au-delà du défi social, pose également un défi politique. La course au développement technologique et économique risque de conduire à la constitution d’une société civile qui viendrait contester le monolithisme du pouvoir. Les politiques de relance menées par les chinois après la crise de 2008 ont creusé l’endettement. Mais la question qui se pose avec acuité, et de savoir si la libération de l’économie chinoise va conduire à l’émergence d’un nouveau géants économique, de surcroît superpuissance stratégique, ou compromettre les équilibres politiques, économiques et sociaux du pays, en se sens nul ne peut prédire les enjeux géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques qui se redessinent à l’horizon du futur. Si la Chine n’est pas une démocratie et si le PCC a toujours le monopole du pouvoir, elle n’est cependant plus le régime totalitaire qu’elle était sous Mao Tse Toung qui a sacrifié 100 millions de ça population par la famine, le grande misère, la répression massive, les tortures, les suicides, et même le cannibalisme entre les mêmes familles afin d’imposer son régime. Le capitalisme et le patriotisme ne sont pas des concepts marxistes, mais ce sont les deux vecteurs de la légitimité du PCC. Les demandes de démocratie ne concernant qu’une minorité d’intellectuels. Mais le régime s’est durci face aux protestations à Hong Kong et la situation des Ouïghours, minorité musulmane de Xinjiang, dont 10 millions ont été internés avec un traitement inhumain et impitoyable, sans oublier le Tibet, et Taïwan. La technologie et l’intelligence artificielle permettent aussi un contrôle esclavagiste sur la population. Avec 850 millions d’internautes, malgré la censure, une opinion publique se forme, s’exprimant contre les inégalités croissantes, le comportement outrancier des nouveaux 1000 oligarques et leurs fils, dont la fortune cumulée représente 90 milliards de dollars, les 10% des Chinois les plus riches bénéficient de 50% de la richesse nationale , la bureaucratie dans les campagnes, la pollution, la corruption et le système judiciaire a deux vitesse, sans écarter les 160 millions de Chinois fuyant l’exode rural, ils font l’objet de discriminations pour l’accès a l’emploi, au logement, à la santé et à l’éducation. La Chine est en réalité un pays régi selon un modèle de capitalisme bureaucratique et familial. La mise en place d’une économie socialiste du marché se traduit par une ouverture économique et l’acceptation sous contrôle d’un parti unique de l’économie de marché dans le cadre d’un régime communiste. La Chine a ainsi fusionné le capitalisme économique et le communisme politique. Il faut bien retenir que l’autoritarisme de Xi Jinping inquiète le monde plus que Poutine. Sa diplomatie machiavélique vise à dominer le monde, alors qu’ils prétendent qu’ils n’ont de tradition coloniale et qu’ils ne sont pas impérialistes. Paradoxalement, même s’ils apparaît comme voulant dominer le monde, elle créera contre elle des coalitions et des contrepoids.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES PROFILATIONS NUCLÉAIRES

Une des conséquences de la théorie d’Einstein est que la masse et l’énergie sont équivalentes, c’est-à-dire qu’elles sont deux métamorphoses d’un phénomène identique et qu’elle peuvent être converties l’une dans l’autre. La relation signifie qu’une très petite quantité de matière peut être convertie en une très grande quantité d’énergie. Vers 1939, l’Amérique fut préoccupée par l’idée que les savants allemands pourraient appliquer ce principe à une arme de guerre ayant un gigantesque pouvoir de destruction. Sous la menace d’une seconde guerre mondiale, d’éminents savants américains tentèrent de persuader Einstein dont le nom seul était un argument très puissant d’écrire une lettre au président Roosevelt pour lui faire valoir l’avantage que l’Amérique pourrait retirer d’une telle arme pour sa sécurité. Einstein donna son accord, non sans avoir mené une lutte amère entre son désir de pacification et son aversion très profonde des actes inhumaines des nazis. Il céda, cependant, fermement persuadé que l’arme ne serait jamais utilisée. Quoi qu’il en soit, sa lettre fut le point de départ de la fabrication de la bombe atomique utilisée contre le Japon en 1945. ( Einstein passa ses dernières années dans un isolement quasi-totale, il continua à enseigner, déçu et dans un état de santé qui ne faisait qu’empirer. Il mourut durant son sommeil le 18 avril 1955. Après la seconde guerre mondiale, la rivalité soviético-américaine a pris d’autres chemins: L’affrontement direct fut purement verbal. Seuls les affrontements contre ou entre alliés des uns et des autres ont pu être armés. Jean Paul Sartre disait ( l’humanité soit mise en possession de sa propre mort.) et Churchill déclarait ( a l’age nucléaire, la sécurité sera le robuste enfant de la terreur, et la survie, la sœur jumelle de l’annihilation. ) Certes, une guerre nucléaire aurait signifié la fin du monde, mais par contrecoup, personne ne peut déclencher une guerre contre un pays nucléaire. L’arme nucléaire et l’effet dissuasif de son immense potentiel destructeur sont l’explication majeure de ce paradoxe. Au fil du temps, l’homme a développer deux types de prolifération nucléaire. La prolifération verticale concerne l’augmentation du nombre d’armes nucléaires déjà existantes dans les arsenaux; la prolifération horizontale concerne l’augmentation du nombre d’États possédant l’arme nucléaire. C’est aujourd’hui cet aspect de la question qui est pris en compte lorsque l’on parle de prolifération. La crainte suscité par les risques de prolifération a conduit à la mise sur pied d’un régime international de non-prolifération des armes nucléaires. Le TNP repose en permanence sur un équilibre d’obligations, les États nucléaires définis comme ceux ayant procédé à un essai nucléaire avant le premier janvier 1967, États-Unis, URSS, Grande-Bretagne, France, Chine, s’engageant à ne pas transférer d’armes nucléaires à ceux qui n’ont ont pas, les États non nucléaires s’engageant à ne pas les acquérir. A Partir de ce traité paradoxal, le TNP est la consécration de l’inégalité par le droit. Les armes nucléaires, jugées bonnes pour certains États, sont considérées comme dangereuses pour d’autres. Ainsi , de nombreux pays du tiers-monde disposant de programmes nucléaires ont à cette époque refusé de le signer ( Inde, Pakistan, Israël, Afrique du Sud, Brésil, Argentine, Taïwan, les deux Corées, l’Iran et la Libye. Les quatre premiers pays se doteront secrètement de l’arme nucléaire. L’Afrique du Sud y renoncera après le démantèlement de l’Apartheid, Israël, l’Inde et le Pakistan sont les trois États nucléaires officieux. Le chute de l’URSS succédaient 15 États, quatre d’entre eux la Russie, l’Ukraine, le Kazakhstan, la Biélorussie étaient possesseurs d’armes nucléaires stratégiques. Ainsi, le nombre d’États disposant de l’arme nucléaire sur le continent européen passait de trois à six. En dehors de l’arme nucléaire, les armes dites chimiques, biologiques ou bactériologiques sont porteuses d’organismes vivants, virus ou germes qui provoquent des maladies graves. Une convention d’interdiction des armes biologiques ( CABT ) signée en 1972 qui proscrit l’utilisation, la fabrication et le stockage de ces armes. Elle a pour défaut de na pas être accompagnée d’un système rigoureux de contrôle. Les Américains ont refusé qu’un traité vienne mettre en place un tel régime de vérification en juillet 2001. Nous sommes entré dans le troisième âge nucléaire. Le premier age correspondant à celui de la dissuasion entre grandes puissances; le deuxième à la phase de désarmement ayant suivi la guerre froide. Cette dernière est aujourd’hui révolue en raison d’une double dynamique générale. En effet le modernisation des arsenaux se traduit par une amélioration des performances en termes de vitesse des vecteurs et de furtivité des lanceurs. A l’inverse, les systèmes de défense antimissile balistique améliorent leur performance de traitement simultané de plusieurs missiles. A l’horizon 2030-2040, les États-Unis, la Chine et la Russie devraient disposer de systèmes complets. Parallèlement, la contestation des armes nucléaires s’organise sur un plan diplomatique et au sein des sociétés civiles. Lors de l’assemblée générale des Nations-Unies de 2016, 123 États ont adopté une résolution autorisant l’entrée en négociation d’un traité d’interdiction des armes nucléaires, signé en 2017. Sur l’échiquier international, les comportements de la Corée du Nord, de l’Iran, d’Israël, de l’Inde, de la Russie, de la Chine, des États-Unis, du Pakistan, ainsi que les choix faits par la France et le Royaume-Unis, montrent à quel point le nucléaire devrait continuer a conditionner les rapports de force internationaux. Pour les Européens, les arsenaux nucléaires marquent une époque historique, celle de la guerre froide. Ce n’est pas le cas sur d’autres continents et en particulier en Asie où le risque d’emploi de l’arme nucléaire reste le plus élevé en raison des tensions entre l’Inde et le Pakistan qui, cherche à l’instar de la Chine et de l’Inde, à se doter d’une force océanique et des ambitions de la Corée du Nord. Il est évident qu’au-delà des États dotés, la possession de l’arme nucléaire demeure un objectif poursuivi par plusieurs États.

LE PROJET EUROPÉEN : ENTRE DÉFIS ET RÉSURGENCE
L’Europe est ancienne et future à la fois. Après soixante ans d’aventure communautaire, l’Europe se trouve confronté à un double défi : celui de son existence même et celui de son adaptation sur l’échiquier international. Les Européens ont voulu voir le monde à leur image; ils sont en train de redécouvrir sa terreur, à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières. Des États qui n’ont cessé de se faire la guerre des siècles durant, qui ont plongé deux fois la planète dans des conflits mondiale, ont réussi à construire un ensemble économique de taille devenu par la suite une union performante. Des peuples qui se considéreraient comme des ennemis héréditaires se sont lancés ensemble dans un processus de construction. Depuis l’aube des civilisation, le projet européen est l’un de phénomène majeurs du XX siècle. Néanmoins, les enseignements à tirer de l’histoire européenne sont innombrables qu’ils en deviennent presque illisibles. Phénomène peu visible mais décisif, la diminution des dépenses militaires. L’appartenance à l’OTAN sonne pour bon nombre de ses membres comme un renoncement à l’effort de défense; ils s’en remettent à un principe de sécurité collective en limitant au maximum leur contribution. Une diminution de dépenses militaires sur plusieurs décennies ne peut jamais être inversée en cas de crise aiguë. En d’autres termes, les pays de l’UE n’ont probablement jamais été aussi vulnérables. La violence des chocs endogènes et exogènes subis par la construction européenne depuis plus de dix ans soulève la question de sa résilience et de sa plasticité, ainsi que celle de son format à l’horizon 2040. Par rapport aux grandes tendances de la mondialisation, les pays européens n’ont guère d’autre choix que de penser à l’échelle de l’UE s’ils veulent continuer à maîtriser leurs destins. Aux forces extérieures s’ajoutent des tensions séparatistes en son sein, Écosse, Lombardie, Vénétie, Flandre, Pays basque, Corse, et Catalogne, qui fragilisent a long terme les États et l’ensemble de l’UE. Pour le Président Français Emmanuelle Macron, qui espère toujours de tenir le flambeau d’une Europe forte sur la scène internationale, il peut jouer sur la puissance économique et technologique. Ses atouts mais aussi son organisation et son identité sont directement menacés par la combinaison de plusieurs forces. L’accentuation de l’interdépendance économique s’accompagne d’un retour de la violence politique et d’une évolution des équilibres stratégiques globaux en sa défaveur. L’UE se retrouve actuellement enserrée par un double système de contraintes. Dans le champ économique, dominé par la Chine et les États-Unis, et sur le plan géopolitique dont-elle subit directement les influences américaines et russe sur son flanc oriental. Il doit aussi revoir l’influence de la Chine en Europe qui instrumentalise la stratégie d’éclatement au sein même des pays de l’UE. Un autre défi porte sur la formulation d’une grande stratégie Française à destination de plusieurs régions du monde. Cette reformulation impose que la France se pose des questions délicates et y répondre. Va-t-elle rester au Sahel, garder une influence en Afrique face à la Chine et la Russie? Souhaite-elle faire partie d’une alliance occidentale dans l’ Asie-Pacifique et surtout au sein de la mer de Chine méridionale au risque d’être entraîné dans des conflits sur Taïwan, le Philippine, le Japon, l’Australie, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam, le Nouvelle Zélande, et le Brunei? L’Asie-Pacifique est devenue une poudrière ou les enjeux territoriales et de puissance s’affrontent avec une force stratégique maritime chinoise qui impose une idéologie communiste totalitaire et impérialiste s’appuyant sur un nouveau ordre mondial chinois. Sachant, que lorsqu’une puissance comme la Chine s’enfonce sur la doctrine idéologique, elle devient non seulement tyrannique mais surtout dangereuse. La question est donc de savoir comment appréhender ce lien transatlantique qui apparaît plus volatile que par le passé. Dans la première année de l’administration Biden, on a cru déceler, aussi bien avec le lancement de l’AUKUS ( Australie, Royaume-Unis, États-Unis ) dans le Pacifique, que par la tonalité commune des mêmes acteurs dans la crise Ukrainienne, la reconstitution d’un clan anglo-saxon à l’instar de l’alliance des « five Eyes », qui laisse peu de place à une voix Française. Par ailleurs, l’OTAN, qui reste l’assurance-vie de l’Europe occidentale, est dépendante du locataire de la Maison Blanche, laquel dépend lui-même de quelques poignées de voix dans certains milieux américains. Dans ces dernières années, l’inquiétude des alliés de Washington a été aiguisée par les réticences trumpiennes à souscrire publiquement au principe de l’article 5 de l’OTAN, qualifiant l’UE d’ennemie, ou par sa mansuétude à l’égard de ses homologues autoritaristes. L’objectif d’une Europe puissante est encore lointain. Quelques initiatives, comme la boussole stratégique ou l’initiative européenne d’intervention « IEI » constituent des avancées, mais, face à l’urgence ukrainienne, sahélienne ou indopacifique, elles restent encore impuissante. Le monde semble sortir d’une nouvelle époque, sans savoir encore ce que serait le prochain système international. Les relations internationales entrent ainsi dans une nouvelle étape, dont nul ne saurait dire où elle va. Sans se clarifier encore définitivement, la nouvelle ère géopolitique , géostratégique et géoéconomique dessinant le paysage d’une compétition sans merci, où l’instrument militaire et économique devient le nerf de la guerre. L’Amérique devient leader malgré ses divergences, la Chine espère devenir une puissance mondiale en 2049, la Russie maintien ses menaces de ses armes nucléaires, d’autres puissances arrivent et l’Europe regarde et s’interroge sur leur déclin.

GEOSTRATEGIE / ARMES NUCLEAIRES: LE FAIBLE ET LE FORT


La décennie 2010 a vu la combinaison de quatre facteurs conduisant à réinstaller le conflit entre États dotés de l’arme nucléaire au sens du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ( TNP ), soit de façon bilatéral, États-Unis, Russie, États-Unis Chine, soit par l’entremise de l’OTAN États-Unis, France, Royaume-Unis et Russie. Lee principaux enjeux nucléaires stratégiques relèvent de politiques de puissances au plan mondial. Il ne s’agit pas d’un grand retour des grandes puissances nucléaires sur la scène internationale, mais d’une exacerbation de leur caractère propre. la concomitante des programmes de modernisation ou de mise à niveau des arsenaux nucléaires dans les cinq États dotés, l’arrivée à maturité de nombreux programme de recherche et de développement centré sur les systèmes stratégiques et défensifs, tels que les vecteurs hypervéloces à double capacité, notamment en Chine et en Russie ou les capacités de frappe conventionnelle de précision à longue portée; l’émergence stratégique de la Chine qui se traduira par une probable augmentation et diversification considérables de son arsenal nucléaire au cours de la décennie 2020. L’hypervélocité fournit une illustration utile de la complexité d’un facteur technologique récent: Les trois éléments distincts de le technologie hypersonique sont la vitesse, la portée et la précision. La trajectoire basse que l’engin suit dans l’atmosphère lui permet d’atteindre sa cible plus rapidement. En raison de la courbature de la terre, cette trajectoire empêche la détection précoce. Associée à leur vitesse, la capacité des missiles hypersoniques à manœuvrer en vol leur permet de mieux pénétrer les systèmes de défens antimissiles. En outre, la cible d’un véhicule hypersonique peut être modifiée en plein vol, ce qui ajouté à la vitesse, rend la détection précoce difficile, voire impossible. Ensuite, les missiles de croisière hypersoniques pourraient avoir une portée équivalente à certains missiles balanstiques stratégiques tout en offrant une capacité d’emport théoriquement supérieure. Enfin, la précision des armes pourrait être supérieure aux systèmes balistiques. Pour autant, si la technologie hypersonique représente à évidence une évolution, elle n’introduit pas de révolution dans la doctrine de dissuasion. De nos jours, la vélocité des armes hypersoniques reste bien en-deçà de celle des missiles balistiques stratégique sol-sol et mer-sol ( ICBM et SLBM ). L’intérêt de la vélocité pour la dissuasion tient à ce qu’elle réduit le temps de réaction et de riposte d’un adversaire. Mais le temps de réaction que permettent des satellites d’alerte à l’attaque par un engin hypersonique ne serait pas inférieur au temps de réaction face à la plupart des attaques perpétrées à l’aide de missiles balistiques. Il s’agit seulement que de quelques minutes de différence, ce qui modifie pas substantiellement les données du problème stratégique pour un décideur. Les systèmes hypersoniques ne révolutionnent pas les systèmes stratégiques de portée continentale. En terme de précision, le gain réel que fournit un système hypersonique est avéré pour une utilisation conventionnelle, dans un combat aéronaval en particulier, mais beaucoup moins pour une utilisation nucléaire classique avec un objectif de destruction très élevé, pour lequel il n’est pas besoin d’obtenir une grande précision de ciblage. Cela étant posé, L'hypervélocité est sans doute susceptible de modifier un équilibre dissuasif donné, pour plusieurs raisons: d’abord, toutes les puissances nucléaires se sont lancées dans le développement de systèmes hypervéloces sans utilisation opérationnelle claire ou avérée. Par conséquent, le manque de compréhension des intentions des États qui se dotent de tels systèmes porte le risque de déstabiliser un statu quo stratégique. Ensuite, il s’agit des systèmes le plus souvent duaux. La nature nucléaire ou conventionnelle de la charge qu’ils emportent risque donc de ne pas être discernée, ce qui est un facteur d’instabilité à divers titres, en particulier en temps de crise. Il s’agit, enfin, d’incitation à la course aux armements: La recherche en L'hypervélocité est un marqueur de puissance, un champ de développement militaire très discriminant, qui classe les États les uns par rapport aux autres, à la manière de ce que furent les systèmes balistiques en leur temps.

MENACES STRATÉGIQUE ET CRISES REGIONALES


La question de savoir si les armes nucléaires sont un facteur de stabilisation ou de déstabilisation régionale a toujours divisé les experts et continuera de le faire. En tout état de cause, il est un fait que la facteur nucléaire est présent dans un moins trois situations crisogénes régionales depuis le début du siècle: La première au nord-est asiatique autour des programmes nucléaires et balistique nord- coréens, la deuxième au Moyen-Orient autour des programmes balistiques et nucléaires Iraniens, le troisième au sud du continent européen, autour du théâtre Ukrainien. Sans oublier, le sous-continent Indien qui vit au rythme des crises, dont celle de 2019 avec le Pakistan. Enfin, la conflictualité sino-américaine dans la région Indo-pacifique a récemment pris un tour nucléaire inattendu avec l’annonce, au mois de septembre 2021, d’un partenariat stratégique trilatéral américano-britannique-australien baptisé ( AUKUS ), pour conter les velléités chinoise d’expansion, singulièrement maritimes. Centré sur la fourniture par les États-Unis à l’Australie de sous-marins à propulsion nucléaire, ce que le TNP n’interdit pas, ce partenariat pourrait voir l’Australie, élève modèle du régime de non-prolifération nucléaire, bientôt dotée de sous-marins dont le combustible sera à base d’uranium hautement enrichi ( UHE ), une technologie américaine. Or, l’AIEA ne pouvant pas exercer ses activités de vérification sur les réacteurs navals, les accords de garanties généralisées, conclus par l’Agence avec les États parties au TNP non dotés de l’arme nucléaire, autorisant ces États à retirer du contrôle les matières qu’ils utilisent pour leur réacteurs navales militaires. Il ne s’agit pas de suspecter l’Australie d’utiliser AUKUS pour développer un programme militaire sous couvert d’un partenariat respectable. En revanche, le problème réside dans le précédent qui pourrait être créé et utilisé à l’avenir par d’autres puissances désireuse de développer un programme d’arme nucléaire sous couvert d’un programme de propulsion, mettant à mal la capacité de l’AIEA à garantir que cela n’est pas correcte.

LA SECURITE INTERNATIONALE: ENTRE MENACE ET DÉCLIN

Organisé autour du pivot qu’est le TNP depuis plus de cinquante ans ( 70 ans ), l’ordre nucléaire mondial n’est pas secoué outre mesure par la réinstallation d’un désordre qui se traduit par le retour de l’incertitude, la concurrence des perceptions, une information lacunaire, le manque de prévisibilité, et, in fine, l’accroissement des dangers. L’on peut s’en réjouir en arguant que le régime de sécurité internationale est robuste, ou bien s’en alarmer au motif que ce régime tient temporairement de façon paradoxal parce qu’il n’est plus en phase avec les réalités stratégiques du monde contemporain. Il n’est pas possible de mesurer précisément l’impact de l’environnement stratégique actuel sur la mise en œuvre du TNP. Néanmoins, il probable que le conflit Ukrainien- Russie rende cette tenue impossible. Il y a objectivement peu d’éléments tangibles permettant de prévoir que les piliers consacrés au désarmement et à la non-prolifération donneront lieu à un examen encourageant. L’entrée en vigueur, en 2021, du traité sur l’interdiction des armes nucléaires ( TIAN ) est venue polarisé encore plus un régime marqué par l’exaspération d’un nombre majoritaire d’États vis-à-vis du manque de progrès réalisés en matière de désarmement. Les crise régionales nord-coréenne et iranienne ont à nouveau sapé l’autorité de l’AIEA, comme ce fut déjà le cas au début des années 1990 après les révélations irakiennes, non par manque de volonté mais par manque de moyens à sa disposition pour exercer ses missions de contrôle. De son coté, l’Organisation du traité pour l’interdiction complète des essais nucléaire ( OTICE ) continue de mettre en place le système international de surveillance d’un traité qui n’est toujours pas en vigueur, plus de 25 ans après l’ouverture de sa signature aux États-Unis en 1996. Le blocage structurel de la Conférence du désarmement à Genève continue de reporter le lancement de négociations d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires ( Cut-off Treaty ). Non seulement l’approche graduelle du désarmement nucléaire, défendue par les cinq États dotés de l’arme nucléaire, s’éloigne année après année des conditions réelles de sa mise en œuvre, mais encore les grandes structures multilatérales destinées à rendre opérationnel le régime de la sécurité international en matière nucléaire ne sont pas à même de fonctionner correctement sur le terrain. Schématiquement, les vingt premières années du siècle ont vu lentement et implacablement ce régime s’effacer sans exploser. Il est désormais impossible d’affirmer qu’il s’agit d’un ensemble d’instruments et de mécanismes propres à garantir la sécurité nucléaire mondiale entendue au sens large. Le régime de non-prolifération et de désarmement s’est délité en conservant l’ensemble de ses structures du monde réel. Elles resteront cependant utiles sur le plan diplomatique dans les années à venir, si des solutions sont apportées par ailleurs dans l’ordre stratégique des relations entre États. En d’autres termes, ce que les Anglo-Saxons nomment ( arms control ) est une notion complexe, voire ambivalente, que la traduction francise réduit en la cantonnant à une maîtrise des armements» stratégique dans une relation le plus souvent bilatérale. Il s’agit en fait de l’ensemble des moyens mis en œuvre pour maîtriser le volume de la violence entre États. A ce titre, l’arms control prit au cours de la guerre froide une ampleur aboutissant à la décennie dorée des années 1990, durant laquelle les initiatives unilatérales, bilatérales et multilatérales se conjuguèrent pour permettre des interdictions de classes d’armements, des diminutions dans les arsenaux, ou encore la signature de traité d’interdiction complète des essais nucléaires. La relance du dialogue bilatéral stratégique américano-russe depuis l’arrivée de Joe Biden semblait en fournir une première illustration jusqu’au déclenchement des hostilités par la Russie contre l’Ukraine en 2022. Les systèmes d’armes de précision conventionnels ou à double capacité à longue portée, ainsi que les armes hypersoniques, et les armes nucléaires tactiques devaient faire partie des discussions. La guerre russe contre l’Ukraine étouffe bien entendu toute perspective de reprise de dialogue stratégique qui rentre à nouveau dans une période très sombre. En attendant, tout juste peut-il être rappelé que les deux États continuent de respecter leurs obligations au titre de New START, soit 1550 têtes nucléaires déployées pour 700 lanceurs stratégiques déployés pour chacun d’entre eux. Les prémisses d’un dialogue stratégique américano-chinois posent les bases d’une nouvelle relation stratégique bilatérale également fondée sur le pragmatisme. Jusqu’à présent, la Chine a refusé le principe de négociation trilatérale avec les États-Unis et la Russie en matière d’arms control, appelé de ses vœux par l’administration Trump. Sur le plan plurilatéral du P5 ( le groupe des cinq États dotés de l’arme nucléaire au sens du TNP ), la concentration récente des débats sur l’ambition de réduction de risques stratégiques ( RRS) témoigne à nouveau d’un recentrage de la volontés sur des solutions opératoires à court terme. Alors que la présidence francise du P5 se terminait au début du mois de janvier 2022, une déclaration conjointe destinée à prévenir la guerre nucléaire et éviter les courses aux armements indiquant en particulier considérer qu’il est de leur responsabilité première d’éviter une guerre entre États dotés d’armes nucléaires et de réduire les risques stratégiques. Naturellement, cette déclaration commune semble être après le 24 février 2022 sinon cynique, au moins cocasse. Les plus optimistes estimeront que l’un des enjeux du conflit en Ukraine est précisément de parvenir à cotonner le conflit sous le seuil nucléaire : c’est bien l’objet de l’approche RRS sur laquelle se concentre le P5 depuis quelques années.

Nous sommes entrés dans le troisième âge nucléaire. Le premier âge correspondait à celui de la dissuasion entre grandes puissances; le deuxième à la phase de désarmement ayant suivi la guerre froide. Cette dernière est aujourd’hui révolue en raison d’un double dynamique générale, nouvel avatar de l’opposition séculaire entre l’épée et le bouclier. En effet, la modernisation des arsenaux se traduit par une amélioration des performances en termes de vitesse des vecteurs et de furtivité des lanceurs . A l’horizon 2030, les États-Unis, la Chine et la Russie devraient disposer de systèmes complets.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA

NB: Forces nucléaires mondiales

Source : Annuaire SIPRI. Les ogives déployées font référence aux ogives placées sur des missiles ou situées sur des basses avec des forces opérationnelles. Les autres ogives sont les ogives stockées ou de réserve et les ogives retirées en attente de démantèlement.

pays

USA / Ogives déployées / autres ogives / Total 2020

1800/ 3750 /5800
Russie / 1625/ 4630/  6375
Royaume-Unis / 120/ 105/  215
France / 280 /  10  /    290
Chine / 350 /320
Inde / 156/ 150
Pakistan / 165 /160
Israël / 90/ 90
Corée du Nord / 40/50/ 3/ 40
Total / 3825/ 9255/ 13400

Les armes hypersoniques sont cratérisées par leur capacité à se déplacer et à maintenir des vitesses supérieures à Mach 5, soit cinq fois la vitesse du son. La Russie a annoncé en 2020 avoir mis en service son premier régiment de missiles hypersoniques Avangard, capables de porter aussi bien des charges conventionnelles que nucléaires à une vitesse de Match 20.

Pékin a testé pour la première fois son véhicule planeur hypersonique WU-14 en janvier 2014 et, en novembre 2017, a effectué deux essais réussi de son véhicule lourd DF-17, capable d’atteindre la vitesse de Mach 10, avec une portée de 1000 à 1500 km.



















































2 commentaires:

  1. Bonjour, je suis Benjamin, on s'est croisé il y a un certain temps sur Place Stanislas. Je trouve ces articles intéressants, et je suis étonné de votre productivité et du nombre important d'articles que je vois ainsi apparaître.

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  2. J'aime beaucoup votre partie sur l'union européenne. Etant moi-même issu de 3 nationalités différentes, j'ai toujours eu un faible pour ce grand projet ; de l'empire Romain à Napoléon, Stendhal, Beethoven à Nietzsche, et malheureusement, comme on devrait s'y attendre, aux fascistes, une culture s'est façonnée depuis longtemps autour de cette question. Mais à voir l'union européenne sous ses aspects dénués de principes forts et ridicules de par son aspect purement commercial et économique et utilitaire, je pense que le projet politique devrait disparaitre à nouveau, peut-être pour renaître par la suite.

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