mercredi 30 mars 2022

 GEOPOLITIQUE/ LE NUCLÉAIRE IRANIEN: FACE A L’EMBARGO INTERNATIONL ET LA QUESTION DES HYDROCARBURES


Le groupe dit E3+UE ou l’Allemagne, la France, le Royaume-Unis plus l’Union-Européenne a dû, pour tenter de conserver le Joint Comprehensive Plan of Action ( JCPOA), limiter les conséquences des violations américaines de l’accord, éviter que l’Iran n’en sorte à son tour en représailles aux nouvelles sanctions américaines, et maintenir un canal pour que les négociations puissent reprendre lors d’une conjoncture politique plus favorable aux États-Unis et en Iran. Les pays européens pourraient jouer, un rôle dans leur progression, et contribuer à remplacer le conflit par la diplomatie. Mais a quel prix?




Des officiels des six pays encore parties à l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 entre l’Allemagne, la Chine, la France, l’Iran, le Royaume-Unis et la Russie ainsi que l’Union-européenne, sont réunis à Vienne en 2021 pour une réunion préparatoire à la reprise des négociations. Alors que l’accord était paralysé par le retrait des États-Unis depuis 2018, la venue d’une délégation américaine est perçue comme un signe positif. Des représentants britannique, français et allemand jouent les intermédieras entre l’hôtel où ont lieu les réunions officielles et celui où se trouvent les Américains, que l’Iran refuse de rencontrer en face-à-face tant qu’ils n’ont pas levé les sanctions imposées par l’administration Trump. Les Européens ont tenter de limiter les conséquences de la sortie américaine du JCPOA en essayant de retarder la sortie de l’accord, de limiter l’effet des sanctions sur les échanges économiques entre l’UE et l’Iran, et de préserver la réalité juridique de l’accord. Ainsi, les Européens ont réussi à maintenir la possibilité d’un dialogue avec l’Iran malgré l’administration Trump, et refusé d’être entraînés dans le sillage américain de violation du droit international. Cette stratégie, imposée par les circonstances et relativement prudente, qui consistait à éviter d’ajouter une dimension supplémentaire aux tensions transatlantiques tout en limitant les risques que l’Iran produise une bombe nucléaire, n’avait cependant le sens que dans le cas d’une défaite de Trump à la présidentielle de 2020. Au cours des premières négociations qui ont eu lieu à Vienne en 2021, le porte parole de l’UE, avait déclaré, avant l’entrée en fonction de Joe Biden, que l’UE allait redoubler d’efforts pour faire connaître le JCPOA. Malgré les contacts diplomatiques au plus haut niveau vont se dérouler sur fond de nouvelles tensions entre Washington et Téhéran. Le 16 février 2022, en Irak, une milice irakienne soutenue par l’Iran a tiré des missiles sur des installations américaines à Erbil, ce qui a conduit à une frappe américaine en représailles en Syrie. Au même temps, depuis les frappes des houthis touchant les sites pétroliers Saoudiens, l’Iran devient la cible primordiale des monarchies du Golfe et Israël, tout en renforçant le rapprochement des monarques du Golfe avec la Russie, malgré les crimes de guerres imposés par Poutine en Ukraine.

Le rapprochement entre Moscou et Riyad





 Dans cette superposition de conflits conduits par des alliances hétérogènes entre acteurs aux objectifs contradictoires, il existe cependant des marges de manœuvre pour une diplomatie de guerre. L’impéritie de la politique menée par Barack Obama, avant tout soucieux de négocier un accord nucléaire avec Téhéran, a ouvert un boulevard à l’activisme militaire de la Russie et de l’Iran, renforcés par le Hezbollah et les milices panchiites qui lui sont affidées. Au total, le régime de Damas et ses «parrains» parviennent à reconquérir une large partie du territoire perdu, davantage au détriment de l’opposition syrienne que de l’«État islamique» et du djihadisme sunnite. Il faut bien que l’Arabie Saoudite prenne en compte le nouveau rapport des forces. Avant même que le front russo-chiite ne produise ses effets sur le terrain, le contre-choc pétrolier qui, depuis 2014, affecte gravement les économies des pays exportateurs, aura conduit Moscou et Riyad à agir ensemble sur ce front. La Russie, on le sait, n’appartient pas à l’OPEP, cette organisation dont l’Arabie Saoudite est le leader. Historiquement, Moscou privilégie la hausse de la production et l’accroissement de ses parts de marché. Contre toute attente, Poutine soutient la position de Riyad et les quotas fixés par l’OPEP l’an passé (Vienne, 30novembre2016). Bien que les résultats soient mitigés, Moscou et Riyad ont depuis décidé de prolonger leur accord pétrolier jusqu’en mars2018. Dans l’intervalle, les 4 et 5 octobre2017, le roi Salmane effectue la première visite d’un souverain saoudien sur le sol russe. A Moscou, le souverain saoudien rappelle les lignes de force de la politique étrangère du royaume : la dénonciation des ingérences iraniennes, le soutien au président yéménite contre la rébellion chiite Houthiste, la résolution 2254 et le processus de Genève dans le cas de la Syrie. Quatorze protocoles commerciaux sont ratifiés pour concrétiser l'amorce d’un rapprochement, l’un d’eux concernant l’achat de missiles S-400. D’autres accords portent sur la création de deux fonds communs d’investissement, dans le domaine de l’énergie et des routes, d’un montant d’un milliard de dollars chacun Depuis, les manœuvres diplomatiques en aval de «Genève V» ont confirmé le rapprochement russo-saoudien. Tandis que le président russe, après la rencontre de Sotchi avec El- Assad, le 20 novembre 2017, reçoit deux jours plus tard ses homologues iranien et turc, afin de verrouiller la paix et la transition politique en Syrie, l’Arabie Saoudite accède en partie aux demandes russes. Convoquée à Riyad, du 22 au 24 novembre, l’opposition syrienne est remaniée, le nouveau «Comité de négociation» (en lieu et place du «Haut Comité des négociations») intégrant désormais les «plate-formes » du Caire et de Moscou, autrement plus conciliantes avec le régime de Damas. Le départ d’ El-Assad n’est plus un préalable à la transition politique. La presse russe veut voir dans ce rapprochement le triomphe de la politique moyen-orientale conduite par Poutine. Il importe de nuancer la chose. Outre que le processus d’Astana engagé par le trio Russie-Iran-Turquie est confronté à la complexité de la situation sur le théâtre syro-irakien, les gestes de l’Arabie Saoudite ce manifeste entre le mépris de l’Iran et la levée de la liste terroriste des houthis par les américains. A nouveau, l’objectif est de désolidariser la Russie de l’Iran. Au regard de la puissance des intérêts stratégiques russo-iraniens, dont la volonté d’expulser les Occidentaux de la zone, le rapprochement russo-saoudien devrait buter sur ses limites. Cette probabilité n’interdit pas une politique occidentale plus active et cohérente. En revanche, quel rôle la France peut-elle jouer dans la redéfinition des rapports de force au Moyen-Orient, sachant qu’un contrat de plusieurs milliards de dollars signé en 2017 attribuait au français Total une part de 50,1% dans ce qui apparaît comme le plus grand gisement gazier au monde. Le géant des hydrocarbures a dû renoncer après le rétablissement des sanctions américaines contre l’Iran, en 2018. Plus généralement, le dispositif européen INSTEX crée en 2019 pour pouvoir mener à bien certaines transactions commerciales avec l’Iran en contournant les éventuelles mesures punitives américaines n’ayant pas prouvé son efficacité, les européens doivent chercher de nouvelles solutions s’ils souhaitent établir des liens économiques avec l’Iran. Face a l’Iran et les dernières attaques contre les infrastructures pétroliers en Arabie-Saoudite par les Houthis, Israël convoque en urgence les ministres des affaires étrangères du Bahreïn, des Émirats arabes unis, ainsi que le Maroc et L’Égypte. L’objectif est d’ exercer des pressions sur les États-Unis de manière à ce qu’ils inscrivent les Houtis, une fois encore, dans la liste des groupes terroristes. L’Iran grand perdant de ce nouvel ordre régional, mais il demeure un danger potentiel non seulement pour les monarchies arabes mais également pour Israël. Rappelons finalement que l’escalade des événements, ont commencés lorsque le monarque Saoudien a exécuté 81 prisonniers dont la majorités appartiennent à la minorité chiite du Sud, parmi eux un enfant de 7 ans ( cet enfant a était emprisonné à l’age de 7 ans et après avoir purgé une peine de 10 ans, il fut décapité NDLR.) De l’autre coté, l’ONU estimait que 24,3 millions des 28,5 millions de Yéménites, dont 12,2 millions d’enfants, avaient besoin d’une aide d’urgence face aux maladies du choléra, tuberculose, Covid, cancer, au manques d’infrastructures sanitaires et médicales, aux destructions dues aux bombardements de la coalition dirigé par l’Arabie-Saoudite. Au coeur des combats entre la coalition et les Houthis et le gouvernorat de ( MARIB), ses ressources en hydrocarbures en font une région stratégique. Si les Houthis s’emparent de Marib, ils pourront s’engouffrer dans les gouvernorats de Shabouah, dans le Sud, et de l’Hadramaout, dans l’Est. L’importance stratégique de ce verrou explique l’intérêt qu’ont les Houthis de tenir sous leur houlette le ( triangle pétrolier Marib/ Ataq, au Sud-Est/ Sayoun au Sud, afin de se positionner dans un rapport de force favorable dans la perspective de l’aprés-guerre. Sachant que l’exploitation pétrolière et gazière joue un rôle de plus en plus fondamental dans l’économie Yéménite dans la mesure où elle représente avant le conflit entre 70 et 75% des revenus de l’État et 90% des exportations du pays.



Depuis les soutiens des monarchies du Golfe par-rapport à la Russie, malgré les crimes de guerre commis par Poutine, elles contribuent à dégrader considérablement l’image des pétromonarchies dans l’opinion international et plus précisément dans l’opinion public européens. Les Européens sont probablement déjà en train de réfléchir à l’avenir des relations avec l’Iran, puisque le conflit Ukrainien dépend en grande partie des sanctions de l’administration américaine en place. Désormais, le monde appartiendra à celui qui a l’aptitude à exercer une coercition, à imposer sa volonté par la force ou la menace et la violence.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA




























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