GÉOPOLITIQUE/ LA DIPLOMATIE VATICANE AU
SERVICE DE SON INFLUENCE
Ce type
de visite officielle rend plus flagrante encore la fusion du
théologico-politique représentée par le Vatican dans le creuset d’une
diplomatie mondiale que beaucoup s’inquiètent, tant pour l’étendue du réseau
dont dispose le Saint-Siège, plus d’une centaine de nonciatures apostoliques,
sans parler du maillage strictement religieux qui recouvre les échelles aussi
bien internationales, régionales que locales avec prés de 1,2 milliard de fidèles.
L’autorité
du Vatican dépasse les seules contingences territoriales, elle embrasse l’espace
symbolique de l’imaginaire historique et des représentations politiques. C’est
une géopolitique missionnaire qui, bien que sans « hard power »,
Staline ne demandait-il pas, avec une certaine ironie, en 1935 : (le pape,
combien de division ? ». Sachant que le Vatican mise tout sur son
incroyable force d’influence, en réinjectant de la transcendance au secours de
l’humanisme, tout en valorisant le dialogue comme la forme originelle du
vivre-ensemble.
GÉOPOLITIQUE DES CHRÉTIENS D'
Le
souverain pontife veut avant tout éviter que le berceau du christianisme ne se
retrouve sans aucun chrétien, en dehors des seules structures accueillant les très
nombreux pèlerins de toutes les confessions qui se succèdent en Terre
sainte, sans y rester. Les chrétiens d’Orient
forment une mosaïque complexe faite de diversité confessionnelle, de richesse
liturgique, d’altérité linguistique, de particularisme des mémoires, et sont
unis par un destin commun, celui d’une terre, d’un territoire, d’une région
sacrée, formant le maillon inaliénable qui unit l’ensemble du christianisme à l’église
des origines. Le pape François à même
forgé une expression devenue tristement célèbre en parlant « d’un œcuménisme
du sang ». Mais le statut minoritaire de ces communautés, Latines et
catholiques, mais aussi grecques orthodoxes, orthodoxes orientales,
arméniennes, syriaques, melkites, maronites, coptes, assyro-chaldéennes,
éthiopiennes, etc, acquis au gré de l’histoire, reste dépendant de la question
d’Orient au XIX siècle et de ses transformations tout au long du XX siècle. Les
conflits de la région, l’ostracisation des chrétiens
pris notamment entre l’enclume du pouvoir Syrien et le marteau de Daech, les
contraignant à disparaître. Comme pour faire oublier ses balbutiements sur le
dossier des chrétiens d’Orient, la diplomatie américaine parle depuis 2016 de « génocide »,
mais il un peu trop tard car les chrétiens d’Orient ne sont désormais plus qu’une
poignée. L’exode s’accélère pour les chrétiens d’Irak, de Syrie, de Palestine,
et d’Egypte. Ils sont plus que jamais désarmés, tout en devenant l’objet des
violences contradictoires entre groupes et servent d’exutoire à la violence sur
l’adversaire, on peut la reporter contre eux. Ainsi, pour le pape François, ils
sont passés de tiers indispensables à des indésirables, puis des sacrifiés. Est-ce
un signe de la faiblesse de cette Théo-géopolitique du Vatican au Moyen-Orient ?
Il s’agit moins d’une impuissance diplomatique que de la haute complexité de l’équation
géopolitique de la région, qu’aucun dirigeant au monde n’aura su démêler, pas même
le pape François, mais son pontificat ne fait que commencer au Moyen-Orient. Paradoxalement,
si le Saint-Siège demeure un acteur essentiel des relations internationales, il
a su tisser un réseau de relation et d’information de premier plan en Egypte,
en Irak, au Liban, en Arabie Saoudite, au Emirats, en Afrique, et en Asie. Cela lui permet d’asseoir
son influence, élément déterminant de sa puissance. Sa puissance diplomatique
repose sur son réseau, de nonciatures d’une part, d’informations d’autre part. Grâce
aux congrégations religieuses, aux prêtres et à l’ensemble des catholiques
présents partout dans le monde, la diplomatie du Vatican est l’une des mieux
informées. Rome est une fenêtre ouverte sur le monde pour apprendre et
comprendre ce qui se passe de par le globe, aussi bien dans la tête des
dirigeants que dans les villages les plus reculés. Nul besoin pour le Vatican de recevoir les
services extérieures, au fil du temps, il a développé sont propre service d’espionnage
le plus puissant au monde. En 1870, le Vatican entretient des relations
diplomatiques avec 14 Etats, en 1903, à la mort de Léon XIII, avec 19 Etats. Le
nombre ne cesse de accroître tout au long du XX siècle : 117 Etats en
1988, 180 en 2014. Avec la France et les Etats-Unis, il est l’un des Etats à
avoir le plus de relations diplomatiques. A
cela s’ajoutent des observateurs internationaux à l’ONU, à l’UNESCO et
dans plusieurs organismes dans le monde. Dans cette guerre par moreaux, il
englobe les exactions contre les chrétiens d’Orient, les perversions des
réseaux mafieux, les compétitions sauvages de nations et d’entreprises préoccupées
par l’accroissement de leurs richesses, au détriment de leurs peuples et de la nature.
Enfin il intègre également le colonialisme idéologique, qui impose des visions
du monde exogène à des cultures et des identités locales qui sont ainsi
détruites. Cette vision géopolitique du pape, peut se traduire sous une autre
vision où la sphère peut représenter l’homologation, comme une sorte de
mondialisation, elle est lisse, sans facettes, égale à elle-même dans toutes
ses parties. Le polyèdre a une forme semblable à la sphère, mais il est composé
de multiples facettes. Il lui plait d’imaginer l’humanité comme un polyèdre,
dans lequel les formes multiples, en s’exprimant, constituent les éléments qui
composent, dans leur pluralité, l’unique famille humaine à la fois chrétienne
et dominante. Telle est la véritable mondialisation à laquelle le pape François
veut aspirer. Parce que l’autre mondialisation, celle de la sphère, est une homologation.
En bon jésuite ,le pape François nourrit une grande passion pour Moscou. Le
Vatican et le Kremlin partagent une vision du monde assez proche. Alors que les
relations sont distendues avec les pays d’Europe occidentales et les
Etats-Unis, pour des raisons de désaccord de fond sur les ingérences militaires
et les attaques contre la vision unitaire de l’homme, les relations avec l’orthodoxie
sont au beau fixe. Il nourrit également une grande passion pour l’Asie. Il a
les yeux et le cœur fixé sur la Corée du Sud, aux Philippines, au Sri Lanka, il
a crée cardinaux des prélats de pays d’Asie qui, jusqu’à présent n’en avaient
pas eu : Birmanie et Thaïlande. Le pape porte beaucoup d’espoir dans ce
continent dont le point central est bien évidement la Chine.
Un constat indéniable s’impose à l’observateur des réalités internationales : s’il y a un « style François », il ne se réduit pas aux affaires internes de l’église : peu à peu apparaissent en effet les contours d’une diplomatie vaticane renouvelée.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
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