dimanche 30 août 2020

GÉOPOLITIQUE/ GÉOSTRATÉGIE/ ETATS-UNIS: ISOLATIONNISME ET LE FIN DU MONOPOLE SUR LA PUISSANCE


Au fil de trois décennies consécutives, les Américains n’ont pas vu que la plus grande évolution stratégique n’était pas la fin du monde bipolaire, mais la fin du monopole Occidentale sur la puissance.
Politique MagazineLa fin de l'hégémonie américaine - Politique Magazine

Si la politique étrangère de W. Bush a été avant tout une réaction aux attentas du 11 septembre 2001, on peut dire que celle de Obama a été une réaction à cette réaction.  Obama  a considéré que l’Amérique avait fait fausse route et qu’il fallait donc tourner la page de l’interventionnisme tous azimuts qui a marqué la politique étrangère Américaine depuis la fin de la guerre froide.  Le président démocrate a également voulu remettre à l’honneur la diplomatie et plus largement le soft power des Etats-Unis, afin de retrouver la capacité d’attraction du modèle Américain.  Pour autant, la rupture avec Obama a été moins radicale qu’il n’y parait.  L’Amérique n’a pas cessé d’intervenir militairement dans le monde, mais elle le fait de manière plus discrète,  D'où les interrogations récurrentes sur la politique étrangère Américaine actuelle : s’agit-il d’un repli, d’un désengagement de l’Amérique, ou simplement d’une hégémonie en marche et trop discrète ? Au-delà, Trump cherche à transformer par la diplomatie les relations de l’Amérique  avec le reste du monde, du pivot vers l’Asie à une possible réconciliation avec l’Iran, avec un succès mitigé.  A-t-on déjà basculé dans un monde post-Américain, post-Atlantique, voire Asiatique ? La question mérite d’être posée, puisqu’elle est indissociable de l’interrogation sur la place des Etats-Unis sur la scène internationale et leur rôle dans  le monde. Elle doit tenir compte de la résilience des Etats-Unis, de la multiplicité de leurs atouts et des attributs de leur puissance. Elle implique également de s’interroger sur la nature du face- à face annoncé entre les Etats-Unis et la future superpuissance Chinoise, et surtout sur l’évolution du rôle des Américains sur la scène internationale.

TRUMP ET L'HÉGÉMONIE DISCRÈTE
Trump, un dragon à plusieurs têtes contre la Chine | Solidaire
Le président Donald et sont équipe étrangère qui arrive au pouvoir, considère les guerres des années deux mille en Irak et en Afghanistan comme des erreurs stratégiques majeurs, et sa priorité va être d’y mettre fin. Les Américains attendent par ailleurs du président qu’il redonne la priorité aux questions intérieures, en particulier économiques. Autre illustration de cette priorité à la discrétion : l’opération en Libye, ou pour la première fois les Américains participent à une intervention multilatérale sans assurer le leadership.  Au Mali, la CIA provoque un coup d’Etat déstabilisant toute la région et laisse les alliés et partenaires de l’OTAN (Français en tête) finir le reste. En ce sens, la géopolitique du pétrole Africain  devient une préoccupation croissante pour Washington et nouveau terrain de bataille  face à la chine qui détient 30%, la France 36,4, l’Inde 20% et les Etats-Unis 20%, tout en écartant le sort des populations pris en otages par des régimes corrompus comme au Nigéria, le Niger, le Congo, la Libye, les monarchies arabes, le Venezuela,  le Burkina-Faso, la Mauritanie, le Tchad, sans oublier la manne Subsaharienne  qui dépassera les réserves Russes d’ici 2040.  Actuellement le continent Africain est dominé par des opprimés et des oppresseurs et le pétrole est devenu un « Satan avec ses Dévots et un culte ».  L’expression   leading from behind », le leadership « par l'arriere » ou en retrait, symbolise cette innovation. La formule propose une définition différente du leadership, qui exprime deux idées sous-jacentes : le déclin relatif de la puissance Américaine, et le fait que les États-Unis sont indésirables dans de nombreuses parties du monde surtout sous le règne de Trump.  Cette obsession du président Américain pour une présence plus discrète a une autre motivation essentielle, nous donne la face cachée d’une dette abyssale et en particulier le coût des interventions extérieures. Le président américain a surtout cherché à transformer la relation des Etats-Unis avec le reste du monde, et tout particulièrement avec le Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie.  Il s’agit d’adapter la posture et l’engagement international américain à un monde en pleine recomposition, voire un monde post-américain.

LE PIVOT VERS L’ASIE/ UN AUTRE HARD POWER STRATÉGIQUE
Hard Power | Historicophiles
Pour Trump, l’Amérique reste une puissance du Pacifique, et il est temps qu’elle se préoccupe de l’évolution majeure des deux dernières décennies : le déplacement du centre de gravité mondial vers l’Asie, d’où cette expression de « pivot vers l’Asie-Pacifique » pour exprimer la nouvelle direction de la politique étrangère américaine.  Sous-jacent dans ce propos, le principal défi pour les Etats-Unis aujourd’hui semble être de savoir comment gérer au mieux de leurs intérêts l’ascension des nouvelles puissances qui s’affirment, conséquence de leur poids économique croissant, sur la scène internationale, a commencé par la Chine.  Pour les analystes de la maison blanche, ce défi suppose un choix, entre coopter ou contester, voire empécher cette ascension.  Dans cette vision hautement stratégique, un conflit avec la Chine serait inévitable. Sur un autre oncle géopolitique, le monde est passé d’une bipolarité internationale à une unipolarité, sans pour autant s’apercevoir qu’on est fixé dans un monde globalisé avec au moins 60 pays émergents, en claire un monde en voie de multipolarisation.  En ce sens, Trump a d’abord cherché à faire de la Chine un partenaire responsable afin de gérer le monde, mais Pékin adopte une tonalité plus nationaliste dans ses discours et une posture plus agressive dans un environnement immédiat, en particulier face au Japon autour des iles Senkaku/ Diaoyu, mais aussi face aux Philippines ou au Vietnam.  Le pivot américain prend alors une dimension militaire, officialisée dans les documents stratégiques du Pentagone. Ce rééquilibrage stratégique doit se traduire par un repositionnement des forces américaines de l’Atlantique vers le Pacifique et par de nouvelles priorités en termes d’acquisitions et de recherche et développement au Pentagone.

ETATS-UNIS/ MOYEN-ORIENT : APPROCHE D'ÉQUILIBRE A DISTANCE OU RUPTURE
L'Arabie saoudite et des pays alliés rompent avec le Qatar - L'Express








Le dernier signe a bien sur été l’accord intermédiaire signé sur le nucléaire Iranien, ennemi de trente cinq ans, ce dégel entre les deux pays a le potentiel de remodeler la carte géopolitique de la région. Cette stratégie se traduit par une mise à distance et par l’acceptation par Washington d’une plus grande volatilité dans la région. Selon Trump, les Etats-Unis reconnaissaient que leur influence était limitée, et que l’évolution interne des monarchies ainsi que l’augmentation des tensions religieuses entre chiites-sunnites ne pouvaient être réglées par des interventions extérieures.  Il affirmait ainsi qu’il n’était plus question d’engagement militaire américain direct comparable aux  décennies passées, et la gestion de la guerre en Syrie par Washington en est la meilleure preuve. C’est bien aussi le sens premier de la priorité donnée à un rapprochement américano-iranien, puisque c’est en Iran que les Etats-Unis couraient le plus grand risque immédiat de se retrouver embarqués avec Israël  dans une nouvelle intervention militaire au Moyen-Orient. Plus largement, le retrait relatif des Américains du Moyen-Orient clôt une période ouverte en 1991 (guerre du Golfe) et signe le retour à une approche plus traditionnelle d’équilibre à distance.  De même, les efforts sur le processus de paix doivent être compris comme une tentative de désamorcer des tensions qui empêchent d’autres réalignements potentiels, notamment entre Israël et certaines monarchies du Golfe aux intérêts stratégiques convergents, à commencer par l’Arabie-Saoudite.  Pour Trump, il y a donc surtout la volonté de clore la période des engagements directs et massifs, mais aussi de se concentrer ailleurs.  Face a ses ruptures stratégiques  fortement humiliantes,  la monarchie des El-Saouds se sont retrouvés dans les bras de la Chine afin d’acquérir son propre arsenal nucléaire  par-rapport à l’Iran et Israël.
DÉFENSE AMÉRICAINE ET 
REDÉFINITIONS TRANSATLANTIQUES
Les tribulations du lien transatlantique | IFRI - Institut français des  relations internationales








La défense américaine reste à la pointe de la dernière révolution dans les affaires militaires, en particulier dans le domaine de la robotisation de la guerre, dont les drones constituent l’exemple le plus répondue.  Le Pentagone disposait d’un total de 10 967 drones toutes catégories confondues.  De 8332 Raven « drone lancé à la main » à 115 Reaper ou 35 Global Hawk, le top du drone aujourd’hui. Au-delà du budget et de l’avance technologique, la puissance militaire américaine bénéficie aussi de l’empreinte globale des américains, symbolisée par l’organisation en commandements militaires régionaux couvrant l’ensemble du globe. Sur les 1,6 millions de soldats américains, prés de 500 000 étaient en 2011 déployés à l’étranger dans 148 pays différents.  Ils disposent également d’un réseau de bases qui couvre le monde entier : Washington dispose toujours d’un réseau d’alliances inégalé, structuré notamment autour de l’OTAN, avec des pays associés et de multiples formes de partenariat, de l’Europe à l’Asie en passant par le Golfe. Les Etats-Unis ont plus de 50 alliés formels. La relation transatlantique, a évolué sous Trump. Sommets boudés, modalités choisies en Libye, au début du premier mandat, l’Europe a semblé faire les frais du pivot vers l’Asie et d’un certain détachement de la part de Trump. Il s’agissait surtout pour le président de faire comprendre aux européens que pour Washington la page de la guerre froide était tournée, et que les européens devaient désormais prendre en charge leur sécurité. Au fil du temps, l’annexion de la Crimée par Poutine vient remettre en question cette évolution : elle replace au centre du débat la question de l’importance de l’Europe pour les Etats-Unis et réciproquement.  La réponse apportée par la maison blanche à cette question sera donc déterminante et même la France et l’Allemagne rentrent dans les rangs de l'OTAN

LE MONDE DE DEMAIN ET LE RÔLE DES ETATS-UNIS

Otan : Emmanuel Macron et Donald Trump, convergences dans l'incohérence |  Atlantico.fr
La question d’une nouvelle bipolarité entre la chine et les Etats-Unis reste prématurée.  La puissance de la chine vis-à vis de l’Amérique est pour l’instant plus économique que militaire, par le poids croissant de la chine dans l’économie mondiale et par le montant de la dette américaine détenue par les chinois (1200 milliards de dollar, soit un peu plus du quart de la dette extérieure totale des américains).  C’est bien ce pouvoir économique qui permet à Pékin de ne pas se laisser intimider par la puissance militaire américaine. Pour l’instant, Pékin se montre réticent à prendre en charge les responsabilités globales que Washington dit vouloir lui confier, qu’il s’agisse de gestion multilatérale des crises, en Asie ou ailleurs.
La multiplicité des pôles de puissance constitue sans doute le principal défi du monde actuel, qu’il soit ou non déjà post-américain. Plus il y a d’acteurs, et plus le consensus global et les possibilités d’action collective diminuent. Ce qu’on observe déjà, force est de constater également le retour de la paralysie du Conseil de sécurité de l’ONU, avec les positions souverainistes défendus par la Russie et la Chine, auxquelles sont également sensibles des puissances émergentes comme le Brésil, l’Inde ou encore l’Afrique du Sud.
Les Etats-Unis peuvent-ils gagner une guerre contre la Russie, la Chine ou  l'Iran ? | Le Club de Mediapart

S’agit-il d’une évolution attendue dans un cycle connu de la politique étrangère américaine avec ses alternances d’extraversion et de repli ? Ou d’une véritable rupture marquant la fin d’une époque, voire d’un certain modèle américain fait de la conviction d’une vocation messianique, celle d’être le seul pays poursuivant la paix mondiale pour ses intérêts, mais pas seulement ? La question se pose aussi  aux américains, mais  quelle que soit la réponse, elle a des conséquences pour le reste du monde.  Allons-nous vers une troisième guerre mondiale ? La question aussi reste posée ?

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA



Le politologue américain Joseph Ney a bien caractérisé en peu de mots notre réalité, son caractère inédit dans l’histoire et la difficulté qui en résulte.
(La politique internationale aujourd’hui ressemble à un jeu d’échecs en trois dimensions. Au sommet se trouve la dimension militaire, et sa répartition mondiale est encore unipolaire « suprématie américaine » ; au milieu, les relations économiques inter- étatiques : il s’agit d’un monde multipolaire, et c’est le cas depuis presque deux décennies ; en bas, le monde des acteurs transnationaux et des grandes questions transnationales, du changement climatique aux trafics en tous genres et au terrorisme : la puissance es distribuée de manière diffuse et les acteurs non étatiques règnent le plus souvent).

A mon avis, les fractures entre activistes et isolationnistes traversent les deux partis, républicain et démocrate, mais aujourd’hui les partisans d’un certain désengagement semblent avoir le vent en poupe. Le congrès américains est presque structurellement isolationniste ou en tout cas porté à l’aventurisme extérieur, et cette caractéristique est renfoncée par des sondages traduisant la prégnance de ce sentiment dans l’électorat américain,  ce qui explique que Donald Trump ne serait pas réélu pour un deuxième mandat et les démocrates vont nous plonger vers un nouvel ordre mondial.


2 commentaires:

  1. Le monde devient très clair tant sur le plan géopolitique que sur l'échiquier géostratégique. On voit qu'il y a un émiettement, une fragmentation des puissances et donc une donc une fragmentation, un émiettement et une diversification de la conflictualité. On est donc passé à des guerres ( infra-intra étatique). La situation du monde, est rentrer beaucoup plus dans des guerres civiles internationalisées que des guerres entre Etats, forme classique des conflits.

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  2. Cette vision globe sur le monde, est partager par plusieurs analystes Américains et Français. Parmi Les plus célèbres, ont peut cité Pascale Boniface, directeur de l'IRIS, le politologue Américain Joseph Ney, et surtout le feu Jean Christophe Victor.

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