samedi 5 septembre 2020

GÉOPOLITIQUE/ LES DEUX SOUDANS: VERS UN ÉCLATEMENT EN QUARTES ETATS AUTONOMES


Réduite à la rupture inéluctable d’une union aberrante entre des chrétiens cruels et leurs victimes arabo-musulmans, la partition des deux Soudans constitue en réalité un séisme géopolitique pour l’Afrique et le monde arabe, le processus s’engage à moyen terme à l’instigation de l’Occident, des Emiratis et des Saoudiens vers un éclatement en quartes confédérations automnes et des conflits internes meurtries.
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Le processus s’engage à l’été 2000 au Kenya à l’instigation de Washington, bien décidé à dicter ses conditions aux deux parties, en premier lieu au régime de Bachir, mais sous haute surveillance. Entamé sous les auspices de l’AGAD (Intergouvernemental Authority on Development) qui regroupe le Soudan et son voisinage, cornaqué par un panel de l’Union Africaine, surveillé par les Européens, il est booster par une médiation américaine pressante et partiale. A ce stade la séparation est rarement évoquée au Soudan, nombreux sont ceux qui y songent en Amérique ou les néoconservateurs sont au faîte de leur gloire, ou encore en Israël qui soutient la rébellion sudiste depuis la fin des années soixante. Le conflit du Darfour, qui ouvre un nouveau front de nature à attendrir le régime de Khartoum face au SPLM, est donc pour les amis du Sud un cadeau providentiel. Le 9 janvier 2005 reprend les termes de l’accord de Khartoum (Etat fédéral, Sud autonome, offrant aux sudistes le maintien de l’unité, qualifiée d’option privilégiée, ou la sécession, rêve des lobbyistes anti-soudanais.
SUCCÈS POUR WASHINGTON ET ISRAËL POUR L' HÉGÉMONIE FINALE DU  SOUDAN

Les États-Unis et Israël renforcent leurs liens économiques et  scientifiques | ShareAmerica
En 2011, l’hostilité américaine à l’encontre du Soudan n’a pas plus de vingt ans d’âge.  Se heurtant à la montée de l’hégémonie des Etats-Unis liée à la chute de l’URSS, l’affirmation de l’orientation islamique du régime de Khartoum installé par un coup d’Etat en 1989 a transformé un partenaire stratégique en bouc émissaire sanctionné pour l’ensemble de son œuvre. La dissolution du plus grand Etat arabe et africain est un triomphe pour la diplomatie de Washington et l’affaiblissement de Béchir. Désormais, le Soudan du Sud peut compter sur la complaisance des néoconservateurs américains et sur l’activisme des lobbies hostiles aux Arabes ou aux musulmans. Aboutissement d’une coopération engagée secrètement depuis les années soixante avec la rébellion « Anya Nya » de Joseph Lagu, la partition réalise l’un des rêves stratégiques d’Israël, qui va ainsi disposer d’un allié précieux aux confins du monde arabe, au sud d’un pays déstabilisé. Pour marquer sa reconnaissance, le Soudan de Djouba ouvrira son ambassade à Jérusalem.  Au fil du temps, la CPA qui promettait l’unité aura ouvert la voie à la sécession. En outre, il n’amène pas la paix, ouvrant au contraire une boite de Pandore à tiroirs : une contagion de l’instabilité tant au Nord mutilé, qui va connaitre une banalisation des dissidences et la menace d’un printemps arabe, qu’au Sud, qui va replonger dans la guerre civile, et un état de guerre larvée entre Khartoum et Djouba.
LE PÉTROLE/ CHAMPS DE BATAILLE ET FACTEUR DE GUERRE
Soudan du Sud : Menace sur les champs pétroliers, un « alibi » parfait pour  Khartoum d'intervenir? | 27avril.com
Les richesses de l’or noir, vont laisser derrière eux de véritables bombes à retardement, sans oublier le déchirement des populations. Presque deux siècles de vie commune créent des liens indélébiles que le divorce rend ingérables dés lors que les deux parties s’obstinent à les ignorer. Or le flou entretenu par Khartoum comme par Djouba autour des déplacés et du paysage religieux issu de la sécession ne contribue pas à éclairer l’avenir des innombrables Soudanais devenus « apatrides » malgré eux. Plus de 5,5 millions choisiront le Nord du Soudan. Au recensement de 2010, les Sudistes sont 8,32 millions, environ 20%  de la population. Les autorités de Djouba avancent un chiffre de 50% supérieur, soit environ 12, 90 millions. On ignore jusqu’à présent si les déplacés sont décomptés quelques part. Tandis qu’au Soudan les migrants sont passés sous silence, le politiquement correct imposera au Soudan du Sud l’annexion statistique des animistes par les chrétiens. Toutefois, les chiffres retenus pour déterminer la place des partis durant la période intérimaire suggèrent une réalité plus nuancée : 15% de musulmans, 15% de chrétiens et 70% d’animistes. La présence de l’islam dans un Etat qui se veut plus chrétien que nature sera donc escamotée et l’impact de la partition restera dans l’ombre. Une certitude : les deux Etats ont écarté la solution qui aurait consisté à octroyer à ces laissés-pour-compte la nationalité du pays ou ils résident. L’or noir est le facteur de discorde le plus explosif. Il est ainsi à la base des différends frontaliers esquivés et glissés dans la corbeille des affaires en suspens. A peine découvert à la fin des années soixante-dix par Total (ou les trois E, Elysée, Etat-major, Elfe), le projet pétrolier sera mi en sommeil à la reprise de la guerre au Sud-Soudan en 1983, le groupe Français préservant seul une concession dormante. En 1996, dans un contexte de sanctions et d’embargo, le gouvernement surprend son mode en confiant à un consortium à direction Chinoise le soin de lancer la production. Cette sécession Nord-Sud (la Chinafrique) fera de ce dispositif imposé par la géopolitique un objet de litige permanent, chapeauté par un complot d’éclatement et d’autonomie de quartes Etats. Durant presque une décennie, 1996-2005, les Soudanais ont été gagnés progressivement par l’euphorie de l’or noir, évitant de penser aux lendemains qui pourraient déchanter. Les années intérimaires 2005-2011, ont été vécues comme un sursis, le pouvoir central renonçant à contrôler les pétrodollars du gouvernement autonome, se concentrant sur ses propres mirages.
AUTODÉTERMINATION ET UN FUTUR DÉJÀ SCELLE
Dossier spécial Indépendance du Soudan du Sud
Le Soudan va cultiver le mythe pétrolier. Le territoire est quadrillé par les concessions et les experts évoquent un potentiel impressionnant. En outre, la proximité des gisements sudistes exploités, localisés en pays nué, contigus à la frontière, loin du Kenya ou de l’Ouganda, constitue un atout primordial. Le sous-sol n’a d’ailleurs pas fini de dévoiler ses trésors : du pétrole encore, mais aussi des réserves d’uranium et de cuivre qui pourraient être parmi les «  premières au monde » (notamment au Darfour). Actuellement, en semi-banqueroute suite à la partition qui divise par quatre ses revenus pétroliers et au conflit larvé avec le Sud, le pouvoir se réfugie dans une économie de guerre, concentrant ses ressources sur l’armée. Il doit défendre ses frontières riches en pétrole tout en rentabilisant ses infrastructures existantes : la clé de ce problème est à Djouba, par la persuasion ou par la force.
UN RÉGIME DOMINÉ PAR LA  CORRUPTION LE  NÉPOTISME ET LA CRIMINALITÉ
Soudan : la désobéissance civile vers la révolution démocratique ? – Le  temps de la politique
Avec ses 620 000 kilomètres carrés, le Soudan du Sud dispose d’un vaste territoire, bien arrosé et bien pourvu par la nature. Il est pourtant pauvre. 90% des habitants vivent avec moins d’un dollar par jour. Dans ce pays des rivières ou le Nil Blanc, ses bras et ses affluent sont omniprésents, un habitant sur deux n’a pas accès à l’eau potable, et un enfant sur cinq meurt avant l’âge de cinq ans. Les infrastructures sont inexistantes : pas d’internet, pas de routes, le pays dépend pour l’essentiel de l’assistance étrangère. En raison de son histoire et de ses liens avec l’Ouganda et le Kenya qui l’ont aidé dans sa rébellion, de sa géographie de pays enclavé et de géopolitique, il dépend étroitement de ses voisins. Cela le rend vulnérable aux mauvaises intentions des prédateurs et aux bonnes intentions de ses alliés. La prédation attient des proportions surréalistes. Un dixième du territoire serait déjà bradé sous forme de beaux à long terme à des sociétés d’investissements souvent anglo-saxonnes, à des tarifs promotionnels qui laissent pantois. Entre Djouba et Malakal, les seigneurs de guerre accordent, des concessions en or octroyant ainsi le droit à l’exploitation du sol et du sous-sol. L’Etat reste donc à créer, difficile pour les cadres d’une guérilla de se recycler en gouvernant honnêtes. Quant à l’aspiration à un Etat de droit, peut-elle être incarnée par un président élu à 98, 45% des voix ? Comme s’est le cas des  républiques bananières. Avec du pétrole et guerre ethnique à l’horizon, le Soudan du Sud a hérité de plus de 70% du pétrole pré-partition et en tire 98% de ses revenus. Très enclavé, il restera quoi qu’il advienne tributaire de ses voisins du Nord ou du Sud. Les réserves prouvées, qui correspondaient à quinze ans de pompage, risquent de s’épuiser rapidement en l’absence d’investissements massifs. Or, les infrastructures sont disponibles au Soudan, tandis qu’elles sont à créer en Ouganda ou au Kenya. Le choix est politique et aussi stratégique. On devine le dilemme pour un pays qui se veut émanciper ?
LES JEUX TROUBLES DE L’EUROPE, DES ETATS-UNIS ET LA CHINE
La partition a placé les deux Soudans dans une situation inextricable, empoisonnant leur avenir alors que, partageant un espace et une histoire commune, ils sont condamnés à vivre ensemble. Les péripéties rappelées ici illustrent le caractère intrusif d’une relation frisant le surréalisme avec en charge l’idiome inter-ethnique. Ont observent actuellement deux Soudans placés sous le poids de coopération fraternelle ou de confrontation fratricide, orchestré par les Emirats-arabe-unis et l’Arabie-Saoudite dans un échiquier géopolitique exponentielle.  De plus, la compétition entre l’Ouest et l’Est revisitée, notamment la guerre énergétique qui met aux prises les Etats-Unis, les Européens et la Chine, ils sont sur la même ligne de front, exposés à tous les dangers.
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En somme, l’ébranlement de l’espace Soudanais amorcé il y a vingt ans s’inscrit dans le remodelage du Grand Moyen-Orient entrepris par George Bush et consorts dans les années deux mille, ciblant les pays que l’on sait. Assorti ou non d’un printemps arabe, il a participé d’une dynamique incontrôlable de déstabilisation et de fractionnement dans l’immense ceinture Sahélo-Saharienne, là où le monde arabe se fond dans l’univers Africain, du Darfour à la Côte-Ivoire, au Mali, à la centrafricaine en passant par le Tchad, la Mauritanie, le Nigéria, le Niger et  la Libye. En somme, l’Afrique reste un séisme géopolitique dont certaines répliques sont encore à venir.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA








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