mardi 5 novembre 2019

GÉOPOLITIQUE/ LA RCA: TÈTE DE PONT DES AMBITIONS RUSSES ET CHINOISES EN AFRIQUE ET L'AFFRONTEMENT DES GRANDES PUISSANCES



L’arrivée des Russes en RCA s’expliquerait par la volonté de satisfaire des intérêts économiques. L’attrait russe pour les ressources minières de la RCA (diamants, or, uranium), qui ont été jusqu’à aujourd’hui peu exploitées, cette implantation en RCA n’est pas un cas isolé puisqu’elle s’inscrit dans une large stratégie à l’échelle continentale poursuivie par Moscou depuis quelques années. Si les intérêts économiques semblent prédominer dans l’esprit des Russes, la RCA est également un carrefour en plein cœur de l’Afrique dont la position géographique stratégique est indéniable.

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Tenant compte de la détresse du président centrafricain et la présence réduite des grandes puissances en RCA depuis le retrait de l’opération française « Sangaris » fin 2016, Moscou surprend l’ensemble de la communauté internationale en choisissant de tendre la main au gouvernement de Bangui. Un accord militaire prévoyant des dons d’armes et un programme de formation des forces armées (FACA) est signé entre les deux protagonistes. Moscou a effectué depuis 2018 de considérables dons d’armes à Bangui afin d’équiper les FACA et les forces de sécurité intérieures « FSI ». De plus, 180 instructeurs civils et des officiers militaires ont également été déployés en RCA afin de renforcer la formation des FACA. Installé dans une base dans l’ancienne propriété de l’empereur Bokassa à Bérengo (Sud-Ouest), la base comprend une ancienne piste d’atterrissage qui a été agrandie, permettent aux Russes de livrer leurs cargaisons sans faire escale par l’aéroport de M’Poko (Bangui). La grande majorité des instructeurs appartiendraient à la société militaire privée (SMP) Groupe Wagner, dont le propriétaire est un oligarque proche de Poutine. Par ailleurs, un certain Valéri Zakarov a été placé auprès du président Touadéra en tant que conseiller pour la sécurité nationale. Craignant un hypothétique coup d’Etat orchestré par les Occidentaux à cause de son rapprochement avec le Kremlin. Malgré leur soutien à Bangui, les services russes ont lancé dés avril 2018 des contacts avec plusieurs dirigeants de groupes armés rebelles. Le 28 août 2018, une réunion placée sous l’égide de la Russie et de son allié Soudanais, a été secrètement organisée à Khartoum. Cette dernière a permis de signer une déclaration d’entente entre les quatre représentants des principaux groupes armés du pays et de donner naissance à une plateforme de dialogue entre les rebelles intitulée (rassemblement centrafricain). Poutine n’aurait pas hésité à offrir 40 millions de francs CFA (61 000 euro) à chaque leader de groupes armés pour les faire venir à Khartoum. Si la Russie a affirmé que la réunion de Khartoum cherchait avant tout à stimuler l’initiative de l’UA, ce processus de médiation parallèle et non coordonnée semblait plutôt montrer que le Kremlin souhaitait établir sa propre ingérence. Sur le plan diplomatique, en menant cette démarche exclusive, la Russie a soulevé un grand nombre de critiques puisqu’elle a court-circuité l’unique canal de discussion reconnu par la communauté internationale. Sous pression dans son pays, Touadéra semble persuadé que la Russie continuera de le soutenir jusqu’aux élections de 2021.

UN ENGAGEMENT RUSSE PROTÉIFORME ET UNE POSTURE AGRESSIVE VIS-A-VIS DE LA FRANCE


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A la suite du retrait de Sangaris en 2016, Paris a conservé une présence militaire limitée en RCA. La France possède une quarantaine de militaires déployés dans le cadre de l’EUTM RCA et quelques officiers au sein de la MINUSCA. Sur le plan économique, la France reste le premier investisseur dans le pays avec la présence de quelques entreprises comme (orange, Bolloré Logistic, Total, Castel, et Somdiaa). Enfin, Paris reste toujours l’idéal partenaire de la RCA en matière d’aide au développement avec 130 millions d’euros d’aides dépensés chaque année dans le pays. La France, ayant fait le choix de concentrer ses efforts sur le Mali, la Libye, la bande-sahélo-saharienne et la régulation de l’immigration, l’instabilité chronique de la RCA semble avoir engendré un sentiment de lassitude sur  l’échiquier Français. Devant l’arrivée des Russes, Paris est tout d’abord restée dans un certain attentisme, espérant recevoir une aide opportune dans le processus de réforme du système de la sécurité. Or, la Russie s’est montrée peu incline à se coordonner avec les initiatives de la communauté internationale et elle a adopté une posture humiliante vis-à-vis de la France. Les services Russes, ont menés une compagne de désinformation dans le pays afin de renforcer un sentiment anti-français qui y sommeillait. 80% de la population centrafricaine tiendrait à présent la France pour responsable de sa situation actuelle, l’accusant de néocolonialisme. Par ailleurs, la France a vu plusieurs hautes personnalités politiques centrafricaines considérées comme francophiles être démises de leurs fonctions. Cette posture a  permis à la France d’agir avec le soutien des pays régionaux  de rompre avec son image de colonisateur. J-Y- Le Drian a également promis l’octroi d’une aide de 24 millions d’euros tandis que 1400 Kalachnikov ont été offertes aux FACA en décembre 2018. En affirmant que cette livraison d’armes a été effectuée dans le cadre strict, respectueux et transparent des N-U, Paris a voulu monter que contrairement à la Russie, elle agit dans les normes internationales. Enfin, pour donner plus de poids à ses discours, la France tente de s’appuyer sur ses alliés Occidentaux. Les membres du P3 (Etats-Unis, France, Royaume-Unis) se seraient mis d’accord pour refuser temporairement toute nouvelle levée de l’embargo sur des propositions de livraison Russes et Chinoises. Néanmoins, si le Pentagone restait inquiet face aux pratiques prédatrices de la Russie et de la Chine sur le continent Africain, Washington se fie pour l’instant à la France, qu’il estime encore considérer comme son arrière-cour. Le triomphe électoral qui a permis à Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2024 ouvre une période pleine d'incertitude pour le système qu'il a lui même créé et dont paradoxalement, il est aujourd'hui prisonnier. La stabilité économique, socle du contrat social Russe, a peu à peu laissé la place à un nationalisme belliqueux, qui a trouvé son application en Géorgie, en Ukraine ou encore en Syrie. Bien que l'anti-occidentalisme ait servi ses dernières années à renforcer en Russie la légitimité de son président, cette stratégie n'est cependant pas incolore. Les conséquences économiques de l'annexion de la Crimée, du fait des sanctions américaines et européennes, a provoqué une forte récession, laquelle a contribué à accroitre la pauvreté au sein de la population Russe. Celle-ci compte désormais entre 15 et 20 millions de personnes vivant en dessous du seuil de la pauvreté. Certes, rien à voir avec les 40 millions de pauvres du début des années 2000. Entre la pauvreté qui augmente, la criminalité, la démographie déclinante, la corruption endémique, les luttes au sommet du pouvoir, le prochain mandat de Poutine s’annonce ardu. 

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Actuellement, Russes et Européens semblent diverger sur leurs visions: alors que la Russie a eu pour obsession de contrôler un énorme espace, l'Europe s'est faite forte de tourner le dos à une histoire violente. Deux grammaires des relations internationales se font face, antagonistes: d'une part, une vision Russe se fondant sur la multipolarité, une approche inspiré du concert des nations du XIX siècle;  d'autre part, une vision Européenne s’appuyant sur la défense des institutions multilatérales, souhaitant préfigurer une gouvernance mondiale qui ne serait pas uniquement centrée autour des grandes puissances. 

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA




    

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