La
situation actuelle des minorités nationales en Russie et dans l’espace de
l’ex-URSS s’explique par l’accumulation de trois grands processus
géo-historiques. Le plus ancien nous renvoie aux grandes vagues des migrations
euro-asiatiques du 1 millénaire : Khazars turcophones, Varègues
scandinaves, Huns turco-iraniens et gothiques se succèdent et s’entremêlent
dans des structures de pouvoir embryonnaires mais de plus en plus stables autour
de la construction de l’Etat à partir du
II millénaire.
Au fil du
temps, le deuxième processus commence au XVI siècle et vient de la mise en
place d’une colonisation intérieure et asiatique par la Russie impériale
Tsariste. C’est à partir de cette période, que se structurent les grandes
constructions ethniques actuelles depuis le cœur linguistiques et religieux du
centre moscovite (groupe slave des Russes, des Polonais, des Biélorusses, des
Allemands de la Volga ; groupes letto-lituaniens, et finno- ougriens)
jusqu’au gradient périphéries- marges des degrés de l’intégration et de
l’acculturation russe ( groupes iraniens des Tadjiks et des Ossètes ;
groupes turc des Tatars, Kazakhs, Ouzbeks, Turkmènes et autres Kirghizes ;
groupes samoyède des Selkoupes et des Nenets ; groupes mongol des
Bouriates et des Kalmoukes ; groupes eskimo-aléoute. Face à cet héritage
impérial multiculturel, l’URSS va mener deux politiques fluctuantes et
contradictoires. D’un coté, elle valorise l’universalité de l’apparence à la
société soviétique sans classe, de l’autre, elle reconnait l’ethnicité de
nombreux groupes communautaires et territorialise les principaux groupes
nationaux en accordant des statuts d’autonomie politique. Cette phase des
minorités construites dans le cadre des Empires coloniaux de la Russie
impériale et aussi de l’ex-union soviétique débouche sur une stabilisation
provisoire des perceptions ethniques. Ces minorités sont à la fois autochtones,
c’est-à’dire en place depuis des générations et différenciées par leur
ethnicité et définie par la langue, la race et la religion. Cette vision des
minorités et de l’espace russe nous permet actuellement de mieux comprendre le
fonctionnement des régions autonomes russes et les futures tensions qui vont
éclabousser la Russie de Poutine. A partir de la chute du mur de Berlin en
1989, en quelques mois, 26 millions de Russes deviennent subitement des
minorités nationales dans les ex-républiques soviétiques. Se sont surtout la
montée des revendications identitaires et le regain xénophobe massif en Russie
et surtout les deux guerres en Tchétchénie qui sont les atouts les plus
visibles de cet éclatement.
CAUCASE DU NORD
A partir
de 2003, Moscou mise sur des Tchétchènes qui lui sont favorables afin de
remplacer les forces russes. Mis à part quelques intellectuels, les réactions
Occidentales sont restées embarrassées et modérées, compte tenu de l’importance
stratégique de la Russie et la priorité, après 2001, accordée par Bush à la
lutte antiterroriste. La guerre aura fait 1000 000 mort soit environ 15% de la
population Tchétchène, avec le silence assourdissant des instances
internationales, des puissances et surtout les Etats-Unis. L’opinion russe voit
dans la normalisation de la situation en Tchétchénie une victoire contre le
terrorisme, et le risque islamiste. En 2009, l’opération anti-terroriste en
Tchétchénie est déclarée terminée par Moscou ; mais plus de 30 000
militaires se trouvent encore sur le territoire. L’indépendance n’est guère
envisageable et les Tchétchènes sont réprimés et épuisés par le conflit. Pour
Poutine cela est inacceptable qui a constaté, par ailleurs, ne pas risquer
grand-chose, même en cas de génocide interne. L’Ingouchie et le Daguestan
voisins n’ont pas été entraînés dans la voie des tentatives de sécession. Ayant
mené à une purification ethnique dans la région. Pour l’UE et l’ONU,
l’indépendance Tchétchène est perçu comme un contrôle modèle, vu le risque de
l’émergence d’un Etat islamique aux portes de l’Union-Européenne. La première guerre de Tchétchénie 1994-1996, a
été une guerre d’indépendance, mais l’incapacité d’Asalan Maskhdov à gérer le
nouveau pays et la volonté russe de revanche ont entraîné la région dans une
seconde guerre 1999-2009. Pour Moscou, la défaite de la première guerre a été vécue comme une
humiliation nationale face à un peuple inférieure. Depuis 2011, la constitution Poutiniene à
rétablir la stabilité à Groznyï, s’est transformé en un ordre de cimetière dans
la poigne d’acier du criminel du siècle Ramzan Kadyrov. Dans les anciennes républiques
indépendantes depuis 1991, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, des régions
entières sont devenues mono- ethniques, entraînant un double processus de
tensions internes et externes. Dans le cadre des tensions internes, elles
mettent face à face Arméniens et Azéris dans la région du Nagorny-Karabakh,
Géorgiens et Abkhazes dans le nord-ouest de la Géorgie, Russe et Azéris au nord
de Bakou, dans la péninsule d’Apchéron en Azerbaïdjan. Pour les tensions
externes, les mouvements séparatistes s’exacerbent, car les nouvelles régions
deviennent mono-ethniques. L’Ossétie du Sud et d’Abkhazie sur les frontières
nord-ouest de la Géorgie. En 2008, le conflit entre la Géorgie et la Russie est
en partie à comprendre dans ses enjeux géopolitiques, les deux régions
demandent leur rattachement à la Russie, une douche froide pour l’UE.
LES TCHÉTCHÈNES ORIGINE ET CONFLIT
Les
tchétchènes sont un peuple musulman, non Slave, installé dans le Caucase du
Nord depuis 2000 ans. S’ils n’ont jamais construit d’entité étatique, ils ont
néanmoins bâti une société structurée. Au XVIII siècle, les Tchétchènes ont
rejeté la colonisation Russe et se sont lancés dans la résistance armée contre
les colons Slaves. La Tchétchénie a finalement été conquise en 1858 après de
durs combats. Au XX siècle, Staline brisa toute résistance en créant, en 1934,
une frontière artificielle entre les républiques autonomes socialistes
soviétiques de Tchétchénie et d’Ingouchie, en déportant en masse les Tchétchènes
dans les camps de Sibérie, en les accusant d’avoir collaboré avec les Nazis. Il
faudra attendre 1957 pour que
Khrouchtchev permette leur retour. L’éclatement en 1991 de l’URSS en 15 Etats
est vécu comme une opportunité par les Tchétchènes, étant l’unique république
autonome au sein de la Russie. Ayant soutenu Eltsine contre les putschistes
d’aout 1991, le général Doudaev en profite ensuite pour proclamer le 8 novembre
1991 l’indépendance de la Tchétchénie. Contraint de laisser faire dans un
premier temps, Eltsine réagit ensuite, par crainte d’une contagion
sécessionniste dans l’ensemble de la Russie et d’une perte d’influence dans le
Caucase, et lance en décembre 1944 la première guerre de Tchétchénie. Cette
guerre est particulièrement cruelle et sanguinaire. L’accord de paix qui met
fin au conflit en 1996 prévoit la tenue, en 2001, d’un référendum sur le statut
de la Tchétchénie, tout en donnant une autonomie de fait. Poutine présente la
seconde guerre de la Tchétchénie en septembre 1999 comme une opération
antiterroriste soutenu par les Etats-Unis. Les Occidentaux pensent qu’elle est
pour lui une occasion d’asseoir sa popularité voire son hégémonie dans
l’opinion russe, fortement hostile aux Tchétchènes, accusés d’être responsables
de la criminalité. Bien que Moscou déclare toujours une politique de
normalisation dans les instances internationales, seule la France s’oppose à
cette vision hégémonique contre une minorité trahis.
LES
NOUVEAUX RAPPORTS DE FORCES ENTRE LES ETATS-UNIS ET L’UNION- EUROPÉENNE
La Russie considère les Etats-Unis comme
la principale menace à ses ambitions sécuritaires et géopolitiques nationales
et développe une armée moderne destinée à vaincre toutes les menaces
potentielles à la patrie russe et à atteindre ses objectifs de politique
étrangère plus larges. Les objectifs du Kremlin comprennent l’établissement
d’une sphère d’influence sur les Etats de l’ex-Union soviétique, la prévention
de l’expansion de OTAN vers l’Est et l’absence de problèmes internationaux
majeurs sans la contribution de la Russie ou à ses dépens. Poutine considère
une force nucléaire stratégique puissante et viable comme le fondement de la
sécurité nationale de la Russie et considère aussi que les forces nucléaires
modernisées et non stratégiques sont essentielles pour faire face aux menaces
militaires conventionnelles. Poutine, affirme qu’une nouvelle catégorie de
véhicule de glisse hypersonique en cours de développement permettra aux
missiles stratégiques russes de pénétrer dans les systèmes de défense
antimissile. Moscou améliore ses forces navales stratégiques en construisant et
en déployant le sous-marin de missiles balistiques à propulsion nucléaire de
classe Dolgorukiy avec le missile balistique lancé sous-marin Bulawa SS-N-32.
La Russie dispose d’un stock de plus de 2 000 armes nucléaires non stratégiques.
Ceux-ci comprennent des missiles air-sol, des missiles balistiques à courte
portée, des bombes gravitaires et des charges de profondeur pour les
bombardiers à moyenne portée, les bombardiers tactiques et l’aviation
navale ; antisalissure, antisubmarines et missiles antiaériens ; et
des torpilles pour les navires de surface et les sous-marins. Elle maintient aussi une industrie chimique
commerciale robuste capable de produire des précurseurs d’agents chimiques de
guerre. Les services de renseignement russes GRU, sont de plus en plus
impliqués dans les cyberopérations à l’étranger, comme nous l’avons vu aux
Etats-Unis, afin de tenter d’influencer l’élection présidentielle Française de
2017 et les attaques contre le réseau électrique Ukrainien. Actuellement, à travers le monde et surtout au
Moyen-Orient et en Afrique, Moscou utilise une gamme complète de capacités, y
compris des médias et des sites web pro-Kremlin, des robots et des médians
sociaux, des manipulations de moteurs de recherche et aussi des journalistes
payés dans les médias étrangers.
Bien que
la Russie reste une multitude de minorités nationales, sans compter celles
issues de l’ex-URSS. Cette diversité est à l’origine de graves tensions, en
particulier dans le Caucase. L’exclusion fondée sur la ségrégation et la
répression de Poutine, qui considère qu’une minorité est une catégorie sociale
qui doit être neutralisée par la discrimination et la force. A long terme, les
minorités au sein de la Russie, trouveront le chemin de l’indépendance non pas
par les processus de paix, mais par la force des armes.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire