Contrairement
aux discours qui se sont répondus au début des années 1990, la fin de la guerre
froide n’a pas signé la fin des violences politiques dans le monde et les
dividendes escomptés de la paix. En ce début du XXI siècle, loin de disparaître, les affrontements entre armées régulières continuent d’alimenter
la chronique des violences du monde.
Des
conflits présents durant la guerre froide se sont poursuivis
(Israël-Palestine), des revendications jusque-là gelées ont refait leur
apparition (Caucase et la corne de l’Afrique), tandis que des zones de tension
ont émergé à l’occasion de contentieux régionaux ou internationaux ayant pour
mobile des territoires ou le pouvoir (Irak, Afghanistan, Côte-Ivoire, Libye, Yémen,
Mali, et actuellement l’Iran et les pétromonarchies. La violence n’a donc pas
faibli depuis 1989 mais elle a pris des formes nouvelles orchestrées par les
officines occultes américaines. Sans disparaître, les conflits internationaux,
au sens juridique de « guerre entre Etats », ont laissé la place aux
conflits internes.
IRAN-ETATS-UNIS/
LES ORIGINES
Après la
seconde guerre mondiale, l’Iran cherche la protection américaine contre les
ambitions Soviétiques. Les Etats-Unis aident le Shah d’Iran à écarter
Mossadegh, premier ministre progressiste vainqueur des élections et très
populaire. Le Shah passe une alliance stratégique avec Washington, reconnait
Israël et lui fournit du pétrole à la grande fureur des pays arabes, rompant même les relations diplomatiques avec Téhéran. Le choc pétrolier de 1973 qui
permet un fort développement économique qui s’ajoute à son poids démographique,
et la bonne relation avec Israël vont faire de l’Iran un allié incontournable
des Etats-Unis. La révolution Khomeyniste de 1979 et la prise d’otages par des
étudiants chiites des diplomates américains de novembre 1979 à janvier 1981
amènent une rupture des relations diplomatiques, le gel des avoirs Iraniens aux
Etats-Unis et l’arrêt des relations commerciales. Dans la guerre qui va opposer
l’Irak et l’Iran, les américains vont jouer sur les deux tableaux. En 1986,
éclate le scandale de l’Irangate : Les américains fournissent des armes à
l’Iran pour obtenir la libération d’otages au Liban. Après une tentative de
rapprochement sous la présidence Clinton, les relations se dégradent lorsque en
janvier 2002, Bush classe l’Iran dans les pays de « l’axe du mal »
avec l’Irak et la Corée du Nord. En 2003, la guerre d’Irak débarrasse l’Iran
d’un ennemi potentiel mais lui fait craindre une opération militaire américaine
contre lui. L’Iran est accusé de soutenir le terrorisme et de développer un
programme nucléaire dont la vocation serait avant tout militaire. Les Européens
qui ont engagé dans les années 1990 un dialogue critique avec les Iraniens
essayent d’abord de trouver une issue diplomatique à la crise nucléaire, puis
adoptent une position commune avec les Etats-Unis. La Russie et la Chine
verraient d’un mauvais œil l’Iran accéder à l’arme nucléaire, mais entament de
bonnes relations avec les Mollahs afin de briser le monopole du pouvoir dans la
région aux Etats-Unis. Mais l’Iran se sent encerclé par le dispositif militaire
américain. L’Iran, inquiet des difficultés économiques créées par son
isolement, accepte le dialogue. Un pouvoir plus modéré entame une transition en
catimini et une libéralisation progressive du régime. L’Iran se convainc que sa
sécurité sera mieux assurée ainsi que par la voix de la confrontation. Au fil
des tractations géopolitiques, le dialogue américano-iranien échoue. L’Iran se
crispe et continue d’avancer vers le nucléaire militaire. Les Occidentaux sont
confrontés au dilemme de voir l’Iran devenir une puissance nucléaire ou de se
lancer dans une guerre incertaine et risquée dans toute la région.
MOSCOU ET
LE PROGRAMME NUCLÉAIRE IRANIEN
Si le
programme nucléaire iranien est né dans les années 1950 dans le cadre d’une
coopération avec les Etats-Unis, force est de constater que, dés la décennie
1970, la Russie a ouvert des négociations avec l’Iran dans ce domaine
stratégique sensible. Cette disponibilité Soviétique allait de pair avec
l’ambition du Shah Mohammed Reza Pahlavi (1941-1979) de mettre en œuvre une
politique étrangère autonome vis-à-vis de Washington. En conséquence, on a dés
lors observé un développement significatif des échanges économiques entre
Téhéran et Moscou. La prise de conscience par les iraniens de l’intérêt, pour
l’Iran, d’avoir un programme nucléaire date depuis 1982. Mais ce n’est qu’au
début des années 1990 qu’un dialogue fut établi avec les Russes pour poursuivre
la construction de la première tranche de 1000 mégawatts ( à l’origine, le
projet avec KWU prévoyait la réalisation de deux tranches de 1200 mégawatts).
En revanche, avec les pays européens, en particulier la France et l’Allemagne,
des accords de coopération concernant le nucléaire civil ont été conclus :
ils prévoyaient la construction de la centrale de Bouchehr par Kraftwerk Union
ou « KWU », une filiale de Siemens, qui débutera en 1974, et de celle
de Darkhovine Framatome, devenue Areva Nuclear Power en 2006. Cette situation explique les projets de l’Iran
et de la Russie de construire deux nouveaux réacteurs nucléaires pour la
centrale de Bouchehr. De même les tentatives de sociétés Chinoises de prendre
pied dans un secteur hautement stratégique doivent être compromises dans ce
contexte de normalisation de la situation internationale de la république des
Mollahs. Si les compagnies chinoises ont l’avantage de pouvoir apporter des
financements pour ces projets, la technologie Russe reste, dans ce domaine,
supérieure.
LE PROJET
DE CORRIDOR NORD-SUD
Le
territoire Iranien se situe à la croisée des mondes indiens, centrasiatique,
arabe, et turc. Pour valoriser sa position de carrefour stratégique, l’Iran
participe au projet de nouvelle route de la soie, donnant accès à un marché
régional de 300 millions de personnes. Pays de transit entre l’Europe et la
Chine, l’Iran veut également devenir un acteur incontournable sur un axe
Nord-Sud. Sa volonté de développer son commerce bilatéral en roubles et en
rails en remplacement de l’euro et du dollar s’accompagne de la mise en place
de vols commerciaux entre la ville d’Astrakhan, dans le Sud de la Russie, et
son territoire. Il existe également des projets de routes marchantes, comme le
corridor international Nord-Sud et l’axe entre l’Inde et la Scandinavie passant
par l’Iran et la Russie. A travers le port de Chabahar, la république islamique
peut contribuer au développement des pays d’Asie centrale. Autrement dit,
l’accord sur le nucléaire et la levée graduelle et conditionnelle des sanctions
favoriseraient commerciaux entre l’Iran et ses voisins, dont la Russie.
S’agissant de la situation géopolitique irano-russe au Caucase du Sud,
l’Arménie profiterait de la normalisation de la situation internationale de
l’Iran. En effet, la fin des sanctions liées au programme nucléaire de l’Iran
pourrait conduire à une augmentation du PIB arméniens de 2%, l’objectif étant
de faire passer les échanges bilatéraux annuels de 300 millions à un milliard
de dollars par an. Enfin la Russie a toujours conservé une attitude ambivalente
sur le dossier Iranien. D’un coté, elle soutient les sanctions Onusiennes, de
l’autre, elle s’oppose aux mesures unilatérales américaines et Européennes. On
peut noter des perspectives nouvelles dans les coopérations stratégiques
sensibles en raison de la nécessité pour Téhéran d’accéder à des technologies
militaires ou dans le domaine du nucléaire civil que seule la Russie peut lui
offrir. De plus, un Iran normalisé est un partenaire plus fiable dans les
coopérations régionales, qu’ils s’agissent de l’ancien espace soviétique, de la
stabilisation de l’Afghanistan ou du Moyen-Orient. En revanche, le retour des entreprises
Européennes ou une hypothétique arrivée américaine qui constitue un défi pour
la Russie, mais plutôt l’inclusion de l’Iran dans une sphère d’influence
économique de la Chine englobant en même temps le Pakistan. En effet, les
entreprises Chinoises ne sont pas soumises aux limitations des sanctions
primaires américaines s’agissant du secteur du nucléaire civil et des équipements
militaires.
A travers
ses bouleversements géopolitiques et géostratégiques concernant l’Iran, la
Russie, les Etats-Unis, la Chine et même les Européens veulent imposer la
république islamique comme le « gendarme du Moyen-Orient ». La crise
que traverse le Moyen-Orient est de transition sociohistorique : l’époque
post-guerre froide, la question postottomane, l’ère post-postcolonial, l’émergence
de puissances régionales, vont aboutir à des modèles qui dépasseront le
nationalisme et l’islamisme, sachant que les Etats-Unis, la Russie, la Chine,
et la France resteront aux commandes pour sauvegarder leurs propres intérêts.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
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