mardi 26 avril 2016

LE REFORMISME MUSULMAN A L’ECHELLE DU MONDE ARABE


Le débat qui anime les intellectuels musulmans à partir du XIX siècle est international : Les musulmans d’Egypte correspondent avec les musulmans de Syrie et du Liban, avec ceux du Maghreb et ceux qui sont exilés en Europe. Les musulmans de l’Empire Ottoman, de l’Inde et de l’Empire Tsariste y participent. Des revues sont fondées, ainsi que des associations, des ouvrages paraissent et les idées réformistes de modernisation de l’Islam prennent d’autres horizons.




L’INFLUENCE DE MOHAMMED ABDOU ET RACHID RIDA
Rachid Rida 1865-1935

Il fut le principal et le plus efficace disciple de Mohammed Abdou. Il diffusa la pensée de son maître dans le cadre d’un mouvement qu’il lança et anima, « la SALAFIYA » (salef ou le retour aux sources de l’islam), dont l’ambition était de revenir à l’islam des origines dépouillé de toute innovation et déviation. Originaire de Tripoli « Liban », Rachid Rida rencontre Abdou lors d’un séjour de ce dernier à Beyrouth, entre 1885 et 1888. Après l’avoir rejoint en Egypte, en 1898, il fonda avec lui « Manar », revue à laquelle il consacrera toute sa vie. Il y publiera notamment un commentaire réformiste du Coran de Abdou accompagné d’une analyse de son cru. Ce commentaire moderne couvrira les « douze premières sourates ». Reda y infusera des interprétations moins libérales que celles de son maître et, à la fin de sa vie, se rapprochera des rigoureuses positions du Wahhabisme alors triomphant dans l’Arabie conquise par Abdel al-Aziz Ibn Saoud. Pour les   orientalistes, il apparaît comme un réformiste conservateur jusqu’à nos jours. Après les réflexions du cheikh Abdou, qui proposait une réelle reconsidération des méthodes d’approche des fondements de l’islam, il prône, en effet, dans un discours apologiques et défensif à l’égard de la religion et de la lecture musulmane (à la base de l’idéologie la plus répandue dans l’islam contemporain), une sorte de « réformisme inaccompli » mêlant l’hostilité aux confréries et aux Oulémas défenseurs de l’Acharisme figé, à la défense de l’Ijtihad « l’effort de recherche personnelle selon le Coran et la Sunna » , et à celle d’une réunion des musulmans divisés en quatre écoles de jurisprudence(1). Contrairement à El-Afghani, considéré comme chiite, Rachid Reda n’ira pas dans le sens d’une réconciliation avec le chiisme, auquel il est très hostile, et le rejette totalement. En mars 1924, à l’époque de l’effondrement du Califat, il commence à défendre avec vigueur une thèse qu’il avait présenté en 1922 dans un ouvrage intitulé «  AL-Khilafa Wa l-imama al-Ouzma, le califat et le grand imamat ». Il propose que le calife soit désigné par des représentants élus des peuples musulmans, à l’origine des quatre califes qui ont succéder le prophète, « la choura, ou consultation des croyants ». Si l’idée était le fruit des salefs, jamais les possibilités de l’appliquer ne purent être réunies et au fil des siècles c’est l’empire Britannique qui dicte la naissance des monarchies despotiques Arabes, et le projet de Reda est rentré dans les hécatombes de l’histoire. Ainsi, en un siècle, depuis Ahmed Khan qui alla le plus loin dans l’adoption des idées européennes jusqu’à Rachid Rida qui promut un réformisme que certains ont considéré comme tronqué, en passant par l’agitateur que fut Al-Afghani et l’homme de pensée et de réforme que fut Mohammed Abdou, quatre grandes figures marquent l’islam dans le cadre d’une tendance qualifiée de « réformiste ou Islah ».

MOBILISATION A TRAVERS LE MONDE MUSULMAN

A partir de 1850 à 1914, le monde musulman a connu une effervescence vertigineuse, en Syrie, le principal acteur de ce mouvement est Abd al-Rahman al-Kawakibi 1849-1903, auteur de « la mère des cités et les caractères du despotisme et les luttes contre l’asservissement ». Dans ses ouvrages, il dénonce le retard du monde musulman et le despotisme ottoman, auquel il oppose un principe électif fondé sur la pratique de la « Choura, consultation des croyants », dont on peut trouver l’évocation dans le Coran et la Sunna. En Tunisie, les animateurs de ce mouvement sont le cheikh Mahmoud Kabadou 1813-1871, qui plaide pour une modernisation de l’enseignement, puis le général Kheir al Din 1822-1890, qui fut ministre du bey de Tunis et qui créa le collège Sadiki, formateur de toutes les élites tunisiennes. Il publie un ouvrage intitulé (la plus sure direction pour connaitre l’état des nations). C’est en Tunisie que la revue «  AL-Hadira ou la capitale », parait entre 1888 et 1892.En 1912, à Calcutta commence à s’exercer l’influence du réformiste Indien Abou L-Kalam Azad 1888- 1958, partisan enflammé du panislamisme, qui défend une approche simple du Coran, c’est-à-dire la Révélation débarrassée à la fois des commentaires anciens et des gloses contemporaines prétendant mettre le texte sacré en accord avec la science. Anticolonialiste, après la création du Pakistan en 1947, dans l’Union indienne indépendante, dont il fut jusqu’à sa mort le ministre de l’Education.

LES VISIONNAIRES  DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

Juste après la première guerre mondiale, la revue de Rachid Reda est lue dans le monde arabe. Un réformiste très influent, l’émir Chakib Arslan 1871-1946, y publie une série d’articles. Il diffuse également depuis Genève une publication, « la Nation Arabe ». En Algérie, à Constantine, Ibn-Badis 1889-1940 combat pour un retour à l’islam des Salafs « les racines ». Avec sa revue «  AL-Chihab ou Le météore », puis avec l’association des Oulémas Algériens et sa publication officielle «  AL-Basayr ou les visions » à partir de 1931, Ibn- Badis,  fut le premier réformiste qui posa les fondements du Jihad au nom d’Allah contre l’occupant français. 40.000 de ses disciples prendront le maquis à la base de l’Est à la frontière Tunisienne. L’association des oulémas, à la leur tète Ibn-Badis, avant le déclenchement de la guerre en 1954, ils ont sillonné le pays afin de sensibiliser les algériens sur l’illégitimité et les dérives obscurantistes  des confréries et les tombeaux des saints, une pratique très courante orchestré par les coureaux des confréries. Les circonstances de la mort de Ibn-Badis reste obscur, les uns parlent d’un empoissonnement, d’autres retracent le complot d’assassinat de la part de la confrérie de Mostaganem, « confrérie mystique  soufie alawyite, qui associe même l’hindouisme et le bouddhisme avec l’islam » mais certains chercheurs condamnent la confrérie des Alaouites chiites qui ont commis l’irréparable vue les positions virulentes du cheikh Ibn-Badis contre toutes les tendances du chiisme. En 1954, lors de la tentative d’assassinat contre Abdenacer en Egypte, le feu président Ben-Bella fut dissoudre l’association des Oulémas en Algérie, de criante qu’ils se radicalisent comme les frères musulmans ce qui n’était pas le cas. Les frères musulmans à l’époque, ont soutenu le président égyptien pour accéder au pouvoir, peu après il les a mis en prison, le président Boumediene, s’opposa à la peine capitale infligée conte Sayed Qoutoub, mais Nasser le condamne par pondaison ( pour l’histoire, il faut rappeler que Ben-Bella et Boumediene ont interdit totalement toute forme de maraboutisme) .  En Algérie, dès les années 1970, le spectre de confrontation entre islamiste et laïcs se fait sentir au sein des universités, deux courants s’imposent, chacun défend son idéologie, les islamistes d’une part et les communistes de l’autre le «  PAGS », ses derniers ont étaient instrumentalisés par les services secrets algériens afin d’éradiquer la mouvance islamiste du pays. Depuis la décennie noire qui opposait les islamistes et les généraux, ses deux courants subsistent encore sur la scène politique algérienne. D’un côté on trouve les partis islamistes, et les partis laïcs comme le RCD, le RND, le PT et le MAK, qui s’opposent farouchement à l’arabité et l’islam en particulier. Quant au Maroc, l’influence du réformisme s’y fait sentir un peu plus trad. avec Abou Chouayb Doukkali, qui entreprend à son retour d’Orient une réforme de la grande université al-Karawiyin de Fès. Après Ben Larbi al-Alawi, le réformisme marocain trouvera l’un de ses principaux défenseurs en la personne d’Allal  al-Fasi 1907-1974, auteur de « l’autocritique en 1952 », il reste l’un des fondateurs de l’Istiklal, le parti de l’indépendance marocaine. Des tendances réformistes voient également le jour en Afrique noire. La Tijaniya, au Sénégal, en est le premier cadre. Des musulmans soucieux de lutter contre « la dérive maraboutique » fondent en 1934 une association nommé « brigade de la fraternité musulmane » afin de faire barrage à la confrérie Tijaniya (voir les autres analyses sur les confréries). Dans les années 1950, se développe, depuis le Sénégal toujours, un mouvement réformiste introduit par des Sénégalais ayant fait leurs études en Algérie. C’est ainsi que Touré institue en 1953 l’Union culturelle musulmane qui contrôlera à l’indépendance en 1958, le nouvel institut d’études islamiques du Sénégal est né. D’autres unions musulmanes verront le jour en Guinée, en Haute-Volta « actuel Burkina Faso » et en Côte-d’Ivoire. En 1957 sera créée une fédération de ces unions culturelles de L’A-OF « Afrique-Occidentale Française ». En Indonésie, les idées nouvelles font leur chemin. La population est très superficiellement musulmane et le rôle de la Nakchbandiya(1) réformiste et des tendances Wahhabites dans la conversion des populations est primordial tout au long du XIX siècle. Les modernistes sont actifs, ils fondent le courant de la Mohammediya en 1912 et un parti, «  le Sarekat Islam ou ligue islamique », qui représentera les intérêts des musulmans pendant une quinzaine d’années avant de péricliter et d’être supplantée en 1938 par le parti Islam Indonesia. Dans les régions stratégiques comme l’Inde ou l’Empire Tsariste, les mêmes dynamiques se propulsèrent. Les musulmans en Inde étant moins nombreux que les hindouistes, c’est dans une logique minoritaire que se forme à Dacca « Bengale » l’instrument de leur expression politique, la Muslim league (ligue musulmane), en 1906. Au début de 1913, cette formation est animée de Karachi, par Mohammed Ali Jinnah 1876-1948, qui sera à l’origine de la création du Pakistan en 1945. L’institution qui aura le plus d’influence demeure la Jamia Milliya Islamiya « Université de la confession Islamique », fondamentalement antibritannique, fondé en 1920 à Aligard et transportée en 1925 à Delhi. Au fil du temps, l’Empire Tsariste, qui ne tardera pas à devenir l’Empire Soviétique, voit s’élever les revendications d’Ismail Gaspirali en Crimée ; L’Asie centrale, assez récemment conquise, est le théâtre de révolte. Sous le régime soviétique, une tentative de communisme national musulman est promue, notamment par Sultan Galiev 1880- 1889, (lire également l’analyse sur le Caucase et l’islam).

UN RÉFORMISME MORT NE ET UN ISLAM CONFISQUE PAR L’OCCIDENT ET DICTE PAR LES DICTATEURS ARABES

A travers le monde musulman, les échanges, les interrogations, les initiatives se multiplient, avec des effets divers. La réalité historique contraindra cependant les uns et les autres à se focaliser sur leurs problèmes nationaux. Malgré cela, des tentatives d’actions inter- musulmans continueront tant bien que mal de voir le jour, comme le congrès panislamiques organisés entre les deux guerres mondiales (le Caire, 1926 ; la Mecque, la même année, Jérusalem, 1931 ; le Caire, 1937). Après la seconde guerre mondiale, l’Egyptien Mahmoud Chaltout 1893-1963 et l’Ayatollah Housayn Boroujerdi 1875-1962, qui amena la création de l’office de rapprochement entre les écoles musulmanes, à savoir entre sunnites et chiites, rien allant dans ce sens n’a vraiment abouti. Au-delà des publications éphémères, des œuvres militantes de circonstance ou l’islam moderne, a produit à un niveau plus théorique, des réflexions juridiques, théologiques, philosophiques et mystiques, historiques et politiques. Lorsque cette pensée prend forme, il n’existe plus dans l’islam de vraies écoles théologiques renouvelant la réflexion rationnelle sur la donnée révélé. Les grandes figures de ce nouveau mouvement se classent difficilement dans des tendances clairement définies. C’est pourquoi l’on ne peut guère parler que d’une pensée multiforme, voire éclatée, produite par de nombreux auteurs dans divers pays et diverses conditions. Au Maghreb Mohammed Aziz Lahbabi, dans son intégration sur le destin de l’homme, ce dernier choisit comme référence à la fois les sources essentielle de l’islam et les principaux courants de la philosophie occidentale contemporaine. Il fut soucieux de construire une personne musulmane, c’est-à-dire une personnalité humaine animée de valeurs sociales et morales découlant de l’esprit de l’islam. Il écrit De l’être de la personne. Essai de personnalisme réaliste en 1954, Du clos à l’ouvert en 1961 et Le Personnalisme musulman en 1964. Dans le troisième, il définit la personne musulmane comme constituée par sa capacité à dépasser les dualités corps-esprit, individu-société, grâce à la présence constante du Divin. Cette vision a était également partagée par Mohammed El-Ghazali dans le sens de la pensée islamique, Mohammed Metwali el-Charawi, et Youcef el-Karadawi, tous originaires d’Egypte. Stimulée par la question de l’homme musulman et l’histoire de l’islam face à la l’Europe, Mohammed Tazerout fera surtout œuvre d’historien. Né en Kabylie en 1898, il enseigna l’Allemand en France et fit paraitre de 1955 à 1960 son œuvre principale en cinq tomes, « Au congrès des civilisés ». Il y oppose les modes de progrès de l’Orient et de l’Occident. Selon lui, l’islam assimile et universalise les particularismes et les différences tandis que l’Occident bâtit son progrès sur un expansionnisme géographique, culturel et économique. Il encourage l’islam à continuer dans cette direction, en intégrant tous les courants qui le constituent ainsi que les valeurs qui lui sont apportées de l’extérieur. A ses yeux, il prône le progrès par l’ouverture qui est constitutif de la civilisation musulmane.

LE PARADOXE DE L’AUTORITE APRES LA FIN DU CALIFAT

Un autre pan de la pensée contemporaine dans l’islam est la réflexion juridico-politique. Interrogé par la modernité occidentale, l’islam a tenté de répondre par de nouvelles conceptions du droit et des questions politiques. Durant tout le XIX siècle, il était apparu aux consciences musulmanes que l’organisation sociale et politique de l’Europe pouvait être prise pour modèle dans le cadre de réforme internes de l’islam, en particulier au sein de l’Empire ottoman. La défaite de ce dernier, constitue un événement symbolique majeur pour l’islam lorsque sont proclamées en 1922 la suppression du sultanat par la grande assemblée turque et surtout celle de 1924 qui mit fin au califat. A la suite de cela, en Inde un mouvement d’appui au califat se constitue. Il réunit de nombreuses personnalités réformistes, dont Aboul Kalam Azad et GHANDI. Mais le califat n’en était pas moins mort et des penseurs musulmans durent réfléchir sur le pouvoir en pays d’islam. Ali Abderrezak, dont l’ouvrage paru en Égypte en 1925, intitulé « islam et sources du pouvoir », défendait l’idée que le califat était une fonction temporelle et nom religieuse et que l’islam n’est pas, comme généralement admis, une réalité religieuse et étatique, mais exclusivement une mission en dehors de tout pouvoir. De telles affirmations valurent à leur auteur, pourtant issu de la prestigieuse université d’al-Azhar, d’être condamné par ses pairs, et contraint à l’exil.  Comme c’est le cas actuellement du mufti d’el-Azhar et Ali Djoumma, qui soutiennent le président El-Sissi dans sa dictature absolue, dont 40 000 détenus (hommes, femmes, enfants, étudiant) subissent des   atrocités inhumaines dans les geôles égyptienne, sans parlé des sévices sexuels et autres. Un penseur indien éminent, Mohammed Ikbal, s’engagea dans ce débat, défendant l’idée d’un exercice collectif du califat présenté dans son ouvrage rédigé en anglais en 1932,  « The Reconstruction of the Religions Thought in Islam ». Né dans les années 1870 à « Sialkot (Pendjab), il fait ses études à Lahore, puis se rend à Cambridge et à Munich, ou il soutient une thèse sur la métaphysique en Perse. De retour en inde, il s’engage dans la lutte menée par les musulmans indiens contre les Britanniques en alliance avec les hindous. Élu président de la ligue musulmane en 1930, il en sera la conscience, tandis qu’Ali Jinnah en sera l’animateur politique. Désormais, c’est lui qui, le premier défendra l’idée «  d’un Etat indien musulman, séparé de l’Etat indien hindou ». Parallèlement à son action politique, son œuvre exprime, avec une charge affective très forte, la spiritualité de l’homme musulman contemporain. Son objectif sera de repenser l’islam à la lumière des philosophies modernes et de proposer une vision de l’homme musulman dans une société démocratique, équitable et fraternelle. Il mourra en 1938, neuf ans avant l’indépendance de l’Inde et la création du Pakistan.

LE CORAN AU CŒUR DES DÉBAT

Pour les musulmans, le Coran demeure la parole de Dieu incréée, tout ce qui y est affirmé se trouvant de ce fait incontestable. Hassan al-Banna 1906- 1949, fondateur de l’association des frères musulmans en 1920, il proclame (L’Islam est idéologie et foi, patrie et nationalité, religion et Etat, esprit et action, livre et épée.) L’homme qui devient le tronc commun de tous les mouvements islamistes égyptiens mais non violents, il a été formé dans un institut fondé en 1872 à l’initiative des mouvements réformistes modernistes d’Egypte, à l’école « maison des sciences religieuses », dans la logique d’Ibn Taymiya. C’est pourquoi, toutes les approches visant, dans un même acte de foi, à recevoir et comprendre le Coran autrement que comme la Parole incréée de Dieu véridique à prendre au pied de la lettre se heurtèrent à des immenses difficultés. La première tentative d’analyser le Coran en termes stylistiques et littéraires, selon les méthodes de l’époque, eut lieu à l’approche des années cinquante. Mohammed Ahmed Khalafallah rédigea une thèse intitulée « l’art du récit dans le Coran », dans laquelle il distingua divers genres littéraires à l’intérieure du Coran, entre autres celui de l’édification moralisatrice regroupant les récits historiques rapportés par le Livre sacré. Cette affirmation que les récits historiques du Coran pouvaient ne pas être véridiques au premier degré fut exclus et la thèse rejetée. Dans le même ordre d’idées, Fazlur Rahman, directeur de l’institut de recherche islamique de Karachi, et auteur de nombreux ouvrages. Affirma en 1966 dans son livre « Islam » (Que le Coran était entièrement la Parole de Dieu et entièrement aussi la parole de Mohammed et qu’il était relié intimement à la personnalité du prophète Mohammed, dont la relation au Coran ne peut être conçue mécaniquement), attribuant ainsi au livre révélé une origine humaine, parallèle et non contradictoire par rapport à son origine divine. Les autorités religieuses et politiques réagissent en 1968, considérant ce dernier comme associationniste et mécréant, et il sera exilé en Amérique du Nord, où il put continuer son enseignement. Enfin, Mahmoud Mohammed Taha, un autre penseur Soudanais, suivant en cela des théoriciens indiens comme Chah Wali Allah ou Ahmad Khan, proposa de privilégier «  les versets Mecquois par rapport aux versets Médinois). A partir de cette réflexion Satanique, il établit que les versets mecquois devaient être la source de l’interprétation du Coran, lequel devait donc être pris comme un livre spirituel et non pas comme une loi tel que le concevait le personnel juridico-religieux de l’islam depuis des siècles. Il s’opposa donc dans son pays à la promulgation du code pénal islamique en 1983 et fut exécuté début 1985 pour apostasie de l’islam. A côté de ses pensées existe une attitude musulmane qui, face aux désarrois coloniaux, culturels, économiques et politiques vécus par d’innombrables musulmans, renvoie ces derniers aux fondements de la religion islamique. Ancrée dans l’histoire lointaine et immédiate, cette attitude procède aussi des échecs des modèles de développement après indépendance. Les partisans de cette position s’en remettent, au plan de l’organisation sociale, à la Charia, législation islamique élaborée dans le cadre de l’histoire de l’espace musulman, dont les sources sont le Coran et la Sunna et Compilée dans le Fikh, «  la jurisprudence » des grands docteurs de la loi sunnite. Quant au politique «  a une certaine époque ? », ils veulent qu’il soit régit comme le fut l’Etat islamique idéal de Médine, par des guides éclairés, et juste, faisant appliquer les préceptes de ce qui est devenu au cours des siècles la « CHARIA » avec le consensus de la Communauté des musulmans. Telle est, esquissée à très grands traits, la position extrême que peut prendre le mouvement contemporain d’apurement de la pratique islamique.

LES LAÏCS ET LES RATIONALISTES

Au fil du temps, ont trouvent d’autres chercheurs qui défendent un islam laïc et rationnel. Ces tenants d’une pensée critique plaident pour une séparation de l’Etat et de la religion, considérant que cette dernière relève de la sphère privée. Ils s’inscrivent dans la lignée de l’Egyptien Ali Abderrezak, auteur du fameux « l’Etat et les fondements de la religion », publié en 1925 et qui lui avait valu d’être exclu de l’université d’AL-Azhar. Ils militent pour une approche fondée sur la raison et l’historiographie « une vision moutazilite ». Les plus représentatifs de ces rationalistes sont le
Franco-Algérien Mohammed Arkoun
Toute la carrière et le combat de ce penseur Franco-Algérien, né en 1928 en Kabylie, s’inscrivent dans la fonction de médiateur culturel entre les sociétés méditerranéenne. Professeur à la Sorbonne de 1961 à 1993, son enseignement consiste à relire l’histoire qui a opposé l’islam à la chrétienté depuis Byzance jusqu’à l’Europe moderne relayée par les Etats-Unis. Cette relecture,  Arkoun entend la faire à l’aide d’une nouvelle discipline, l’islamologie appliquée, laquelle part de l’autocritique radicale de la pensée islamique afin de substituer une connaissance scientifique des doctrines aux idéologies de combat. Ce travail de critique se trouve illustré dans (lectures du Coran 1984, Humanisme et islam 2006, ou l’Islam et les musulmans en France depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours 2006 publié chez Albin Michel). Cette vision de critique de l’Islam, est actuellement le fer de lance du (RCD et le MAK deux partis politiques qui revendiquent l’autonomie de la Kabylie). Arkoun, fut très sollicité par les protestants en Suisse et aux Etats-Unis notamment dans les milieux intellectuels de Genève. Après la construction de l’université  islamique de l’Emir Abdelkader à Constantine, Arkoun a voulu postuler en tant que recteur, le président Chadli Ben Djadid s’y oppose farouchement, ce qui conduira Arkoun à choisir le Maroc pour sa dernière demeure. Depuis le VII siècle, jusqu’à nos jours la question de la « Risala, mission de prophétie du messager de Dieu Mohammed » se pose dans le cadre d’un débat interreligieux et il ne manquera pas d’avoir lieu avec tous les tenants des religions de l’espace que l’islam va recouvrir, christianisme, Judaïsme, Zoroastrisme, Bouddhisme, et Hindouisme. A l’intérieure de toutes ses religions monothéistes (christianisme et Judaïsme, et philosophies comme l’Hindouisme, Bouddhisme et Zoroastrisme), ces derniers se demandent encore si le messager de Dieu Mohammed peut intercéder auprès de Dieu, dans quelles conditions et en faveur de qui ? Là également les réponses seront diverses. Cette critique sur l’islam et surtout sur l’authenticité de « Mohammed » entant que sceau des prophètes et ayant accomplit l’unicité divine à travers la dernière religion révélé aux hommes, le combat des orientalistes et les laïcs arabes, ne connait pas de limites. Le problème de l’Unité divine, lié à celui de la Transcendance, va mener à s’interroger à partir de certaines formulations du Coran qui laissent entendre que Dieu intervient à travers des attributs d’actions désignés comme Sa main, Sa face etc. Corollairement, la promesse qui est faite aux élus de pouvoir contempler Dieu au Paradis pose la même question d’une perception en termes physiques et anthropomorphiques du Divin. Il y aura donc un débat sur la manière d’interpréter les formulations Coraniques qui rendent compte de L’Agir divin dans des termes clairement anthropomorphiques. Il y aura un débat sur le fait de savoir si Dieu est une Essence absolue, radicalement transcendante, ou s’IL se donne à saisir dans des formes intelligibles aux sens et à l’intellect humain. En termes plus concrets, faut-il croire que Dieu voit, entend, et possède mains et visage ? Faut-il croire que Dieu sera visible par les yeux de la créature humaine, une fois gagné le paradis ? Dieu est-il omniprésent en tout lieu ou est-il en un lieu propre ? De quelle manière est-il présent là où il est présent ? Même la question de la parole de Dieu se pose également. De quelle nature est le verbe divin révélé, le Coran ? Participe-t-il de l’Essence de Dieu ou est-il une création de Dieu ? Toutes ses questions sont véhiculées par les orientalistes et les laïcs arabes afin de semer le doute sur le Coran et la Sunna du prophète Mohammed. Ce fut une époque, ou  ses questions étaient le mot d’ordre des moutazilites, et d’autres courants mais les savants comme Abou Hamed EL- Ghazali, Ibn-Taymiya, Ibn-el-Kajym, et autres ont finis par triomphaient et le raisonnements des moutazilites et autres ont étaient enterrer à jamais.        


A notre époque, si on veut résumer  l’islam radical, il est  difficile à saisir, les formes du radicalisme musulman pouvant être extrêmement diverses, allant de l’utilisation politique révolutionnaire du sentiment religieux, aux ingérences de l’occident dans les politiques internes des pays musulmans. Les islamistes sont demeurés réticents à réinterroger les fondements de l’islam et relativement fermés aux valeurs et aux méthodes liées à la culture occidentales, si ce n’est la technologie et les armes.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA    
  



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