EN 1900, la communauté musulmane
espérait en un « Mahdi » providentiel afin de lui montrer le chemin
de l’Islam. Entre 1900 et 1930, la petite élite Algérienne formée dans les
écoles Françaises, n’apercevait d’autre issue à ses revendications d’égalité
que la citoyenneté Française. Une autre voie lui est désormais indiquée par
« les Oulémas ».
Ces savants en sciences islamiques et
de l’Arabisme, optent pour la Nation Algérienne. Par l’enseignement, le
scoutisme et la propagande orale, ceux-ci insufflent à la jeunesse un idéal
patriotique, à la fois Arabo-Musulman et Algérien et non par les Zaouïas
confrériques de l’époque. En 1931, le cheikh Ibn-Baddis, fonde l’association des
Oulémas réformistes d’Algérie. En 1936, il écrit dans sa revue classique
Ech-Chihab {Cette nation Algérienne musulmane, ce n’est pas la France, il n’est
pas possible qu’elle soit la France, elle ne veut pas devenir la France et même
si elle le désirait, elle ne le pourrait pas. Bien au contraire, c’est une
nation totalement éloignée de la France, par sa langue, par ses mœurs, par ses
origines ethniques, par sa religion. Elle ne veut pas d’assimilation.] La même
année, apparaît sur la scène algérienne, Messali Hadj dont l’activité politique
s’était déroulée jusqu’à Paris. Le leader de l’Etoile nord-africaine, qui a vu
le jour en 1926, prononce un discours lors d’un meeting du Congrès musulman, à
Alger, pour condamner le rattachement à la France, au nom de l’idéal national.
Il subjugue la foule et, en quelques mois, il implante son organisation dans
tout le pays. A l’Etoile nord-africaine dissoute par décret en 1937, succède en
mars, « le Parti du peuple algérien ». Avec l’appui des
Oulémas, c’est ce parti qui diffusera le nationalisme à travers tout le pays,
l’histoire est en marche.
LE RÉFORMISME MUSULMAN ET SON IMPACT
SUR L’IDENTITE ALGÉRIENNE
Dès les premières décennies du XIX
siècle, une résistance déterminée à la domination coloniale fut le fait de
tendances assez radicales de l’islam, que nous retrouverons tout au long des
deux siècles de l’histoire contemporaines. Parallèlement, des musulmans tout
aussi déterminés à ne pas se laisser dominer par les puissances Européennes,
mais en même temps stimulés par le contact intellectuel, se demandèrent ce
qu’était devenu l’Islam et les transformations qu’il était appelé à connaitre.
Cette seconde tendance réunit des militants, des théoriciens, des inspirateurs,
des pédagogues. Parmi les figures majeures, dont l’influence s’étend à partir
du milieu du XIX siècle, ont trouvent (Mohammed
Abdou 1849- 1905, Rachid Rida 1865-1935, Sayid Ahmed Khan 1817-1898,
Jamel-al-Din al-Afghani 1838-1897.)
JAMAL AL DIN
AL-AFGHANI « 1838-1897 »
De son vrai nom Jamal al-Din Safdar
al-Asadabadi, était un chiite Iranien connu dans l’ensemble du monde musulman
mais relativement controversé, tant il s’ingénia à brouiller les pistes. Éveilleur et propagandiste, il voyagea sans trêve et fit connaitre ses positions en Asie, en Afrique et en Europe. Il dénonça la domination coloniale
européenne, la complicité des dirigeants féodaux du monde musulman à l’égard de
celle-ci et l’endormissement de l’islam dont il relevait le sous-développement économique et
intellectuel. Il condamna également la dépendance du religieux par rapport au
politique, imputable, selon lui, au despotisme de l’Etat ottoman. Il fut chassé
de divers pays. En 1880, après avoir été contraint de quitter l’Egypte, il
rédigea en Inde, pays où il dénonçait le colonialisme britannique, un ouvrage
intitulé en persan et connu en arabe sous le nom de « Kitab al-radd ala el
Dahriyin, en français, le livre de la réfutation des matérialistes ».
Destiné à combattre les idées d’Ahmed Khan « 1 », arrivé à Paris
en 1883, il fonda en 1884 une revue éphémère mais de grande influence intitulée
« le lien indissoluble ». En somme, AL-Afghani, y condamne le
fatalisme issu des conceptions de la prédestination prévalant dans l’Islam
populaire et prône un retour au Coran débarrassé de toutes les interprétations
médiévales, et surtout le monde confrérique. Il encourage à emprunter à
l’Occident sa rationalité, ses outils intellectuels et sa technologie. Après de
nouvelles pérégrinations en Perse, en Russie et en Europe, il s’installa à Is
tamboul ou il mourut le 9 mars 1897. AL-Afghani aura été le premier à poser les
problèmes de l’avenir des peuples musulmans à l’époque contemporaine et à se
demander comment gréer un islam moderne. Les solutions qu'i’ prônera, sont la
promotion de la raison, liberté de l’homme, réhabilitation de l’union,
éducation des masses, et d’autres visions. Les mots d’ordres qui lancera, les
moyens de diffusion de ses idées qu’il proposera « presse, associations,
conférences » seront ceux que mettra en avant le réformisme musulman
contemporain.
AHMED KHAN : 1817- 1898
A la même époque en Inde, un autre
réformateur accomplit une œuvre, afin de rejeter les idées d’Al-Afghani, avec
la complicité des services Britanniques « l’éveil des
musulmans » et de modernisation des pratiques islamiques. Contre qui
AL-Afghani écrivait « la réfutation des matérialistes », il prôna l’approche
rationnelle et critique du Coran, qui selon lui devait être interprété dans un
sens symbolique, lorsqu’il se trouvait en contradiction avec les raisonnements
scientifiques. Il s’ingénia à réconcilier Islam, Hindouisme et Christianisme, rejetant l’idée
classique dans l’Islam de falsification des écritures chrétiennes. Il soutint aussi que toutes les religions
Abrahamiques n’étaient qu’une seule et même religion et s’inscrivit en faux
contre la théorie de l’abrogation par l’islam des religions qui l’avaient
précédé. L’homme, ne défendait pas uniquement la conception des moutazilites,
mais aussi-il partage la vision des (Raouafdhs Chiites, les Dahirrites, les Kharidjites, et les Coraniques, qui rejettent totalement la Sunna du prophète). Cette entreprise prendra le nom de réformisme,
mais basé essentiellement sur les influences du mutazilisme et de la
philosophie, rejetant les interprétations authentiques des selfs, et de la
Sunna. Les orientalistes, dans leurs critiques contre le Coran et la Sunna
s’appuient sur les réflexions d’Ahmed –Khan, qui a entreprit une réconciliation
des musulmans avec les puissances coloniale. Il voyagea au Royaume-Unis en 1869
et 1870 et, après son retour, il réussit grâce aux aides Britanniques à ouvrir
un collège à Aligarh prés de Delhi en 1878, puis une grande université en 1922.
Par son enseignement et le mouvement Aligarh né dans l’orbite du collège, une
image obscurantiste et ténébreuse de l’islam fondé sur le mutazilisme,
l’acharisme, et un mélange de chiisme et christianisme. Certes, ce réformiste a
eu une grande influence parmi les musulmans de l’Inde, mais sa vision a était
rejeter plus tard par tous les réformateurs musulmans (lire également :
Géopolitiques de la mondialisation religieuse : Chapitre le monde
confrérique en Islam, Mohamed Mirza)
MOHAMMED ABDOU : 1849-1905
Lorsqu’il rencontre Jamel-al Din
al-Afghani, Mohammed Abdou fut marqué à vie. Celui-ci accompagna Al-Afghani à
Paris en 1882 et il fonda avec lui « le lien indissoluble ». La même
année, à l’évènement du nouveau Khédive d’Egypte, il put entreprendre la
rénovation de l’enseignement religieux. En 1899, il fut nommé à la plus haute
fonction religieuse d’Egypte, celle de Grand Mufti. Ses consultations ou Fatwa
émanèrent d’une interprétation ouverte et libérale de la législation Coranique.
Abdou, avait des positions doctrinales claires, considérer comme le dernier
théologien de l’Islam, il a élaboré ce que l’on a appelé « la théologie du
réformisme », présentée dans son ouvrage (Traité de l’unité de Dieu). Dans
ce livre, les sources de la foi musulmane sont pour lui le Coran et la Sunna
authentique ; il considérait que la plupart des traditions attribuées au
Prophète étaient apocryphes, créées de bonne ou de mauvaise foi pour étayer tel
ou tel point de vue. En conséquence, pour aborder le Coran et la Sunna, seul
compte l’effort de recherche « Ijtihad », l’imitation traditionnelle « Taklid »,
et le consensus de la communauté « Ijma » n’étant pas acceptables
selon lui. Sur les questions des théologies classiques de l’Islam, il adopte
des positions pas toujours conformes à l’acharisme dominant dans le sunnisme.
Il affirme l’existence de la liberté de l’homme, l’existence d’un bien et d’un
mal objectifs en dehors de la loi religieuse, se rapprochant ainsi des thèses
moutazilites et surtout, il entreprend le premier d’aborder les grands courants
de la pensée musulmane en les resituant dans le contexte politico-social dans
lequel ils sont apparus. Il déclara en Français, dans un numéro du journal de
mars 1900 que :
(En cas de conflit entre la raison et
la tradition, c’est à la raison qu’appartient le droit de décider.)
C’est aussi dans la traduction française
de la Risalat al-Tawhid qu’il revient à la notion moutazilite du « Coran
créé ». ( Nous croyons que l’imam Ibn-Hanbal était d’un esprit trop
distingué pour croire que le Coran est incréé, tout en lisant chaque nuit avec
sa bouche et en le reconstituant ainsi par sa voix.) Abdou, admet que le non-musulman
de bonne foi et accomplissant de bonnes actions sera sauvé, et il s’oppose au
culte des confréries et des saints dont il nie les miracles. Abdou adopte toute
une série de points qui intéressent l’Islam de longue date, ainsi, il ouvre les
grandes visions des positions les plus progressistes et les plus audacieuses,
jusqu’à son commentaire du Coran, paru dans la revue Manar « le
phare ».
(Première partie) A SUIVRE
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
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