mardi 12 avril 2016

GEOPOLITIQUE/ L’ARABIE SAOUDITE RENFORECE DE NOUVEAU SES INTERETS GRACE AUX SOUTIENT DES PUISSANCES : DU YEMEN A DJIBOUTI


Le président Français, s’est rendu en Arabie saoudite dans le but de conquérir de nouveaux marchés, mais aussi de rééquilibrer une relation bilatérale délaissée par son prédécesseur, Sarkozy, proche du Qatar. Paris comprenait ainsi l’influence des autorités de Riyad sur la question nucléaire Iranienne, critiques à l’égard des ingérences islamiques au Liban et en Syrie, ennemis déclarées de Bachar al- Assad.




Gardiens des lieux saints de l’Islam, fier d’un modèle monarchique face à des républiques Arabes instables, géant pétrolier, le royaume se repositionne comme un Etat fort dans les périodes post- révolutions. Refusant de siéger à l’ONU, la monarchie avait exprimé son malaise face à la politique des Américains, pourtant un allié indéfectible depuis 1945, sur la question Syrienne. Après avoir accueilli le dictateur Tunisien en 2011, Riyad a envoyé des militaires à Bahreïn, elle a même obligé ALI Abdallah Salah, à renoncer au pouvoir, réaffirmant ainsi son leadership dans la péninsule Arabique. Le royaume a même proposé à la Jordanie et au Maroc d’intégrer le CCG. Au Caire, elle soutient Al-Sissi sur le plan militaire et financier, d’où le président Égyptien vient de céder deux îles au royaume, ce qui a provoqué un mécontentement populaire par les Égyptiens.
LE ROI SALMAN ET POUTINE : LA FIN DU DÉBUT

Dans ce grand jeu géopolitique et géostratégique, la Russie et l’Arabie Saoudite ont tenté d’améliorer leurs relations à plusieurs reprises, mais ces efforts ont rencontrés un succès limité. Le royaume reproche à la Russie de ne pas se rallier aux efforts de l’OPEP pour jouer sur les prix du brut ; et lors des conflits en Tchétchénie (1994 à 2009), le Kremlin accuse les Saoudiens de soutenir les combattants du Caucase. Riyad a déjà tenté de manipuler l’intérêt de la Russie à son propre avantage géopolitique. Ont entamant des négociations afin d’acheter jusqu’à 4 milliards de dollars d’armes russes, sous réserve que la Russie interrompe ses livraisons à l’Iran. Lors d’une visite confidentielle à Moscou, le chef des renseignements saoudien a repris la discussion d’un accord potentiel pour acquérir des armes russes pour une valeur de 15 milliards de dollars. La condition était que Moscou retire son soutien à Bachar et cesse de bloquer les résolutions de l’ONU contre la Syrie. L’intervention militaire de la Russie en Syrie, affirme que les bombardements visent EI, la réalité montre que d’autres groupes rebelles, considérés comme des menaces directes par Damas, sont également pris pour cibles. Cette intervention militaire Russe soulève de nombreuses questions. Moscou, l’Iran, avec les occidentaux à la suite de l’accord sur le nucléaire en 2015, les deux pays sont unis dans leur soutien au régime de Damas. L’action de la Russie contre des mouvements armés en Syrie soutenus par Riyad va indéniablement renforcer Bachar et l’EI, qui apparaîtrons comme les seules possibilités viables de pouvoir en Syrie. Si cette stratégie se confirme, les pays occidentaux préféreront voir Bachar rester au pouvoir si la seule alternative est Daech. Dans une autre vision, si les Etats-Unis et l’occident en général ne réagissent pas afin de contrer l’intervention de Moscou en Syrie, l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies du CCG seront paralysés face aux représailles Russes et de l’Iran.     

DJIBOUTI : UN NOUVEAU PASSAGE POUR RIYAD


Le détroit de Bab-el-Mandeb est le quatrième passage maritime le plus important au niveau mondial en termes d’approvisionnement énergétique. L’objectif de cet enjeu, est d’analyser les risques de perturbation du trafic naval dans le détroit de Bab-el-Mandeb suite à la crise politique et militaire que traverse actuellement le Yémen. La situation sécuritaire au Yémen est extrêmement confuse depuis de nombreux mois, en raison notamment de l’insurrection des Houthis - mouvement composé principalement de musulmans chiites du Nord du Yémen - qui, selon les autorités de Riyad, seraient soutenus par l'Iran. Le 22 mars 2015, ces miliciens chiites ont occupé une majeure partie de la ville de Ta’izz située dans le sud-ouest du pays, à quelques kilomètres du détroit de Bab-el-Mandeb, prenant ensuite le contrôle du port de Mocha.
Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition d’États sunnites, a lancé une intervention militaire contre les Houthis, ce qui représente une escalade importante du conflit en cours et des tensions régionales entre l’Arabie saoudite et l’Iran. L’annonce de cette intervention a provoqué des réactions préoccupées sur les marchés financiers - avec notamment une progression de plus de 4,5% des prix du pétrole sur les marchés futurs le même jour.
Le détroit de Bab-el-Mandeb, qui sépare le Yémen de Djibouti, est un point névralgique du commerce maritime entre le golfe d’Aden et la mer Rouge. À son point le plus étroit, il mesure seulement dix-huit milles, limitant la circulation des navires à deux canaux de deux milles de large chacun, un dans chaque direction. Le détroit est surtout important pour le commerce d’hydrocarbures : selon les données de l’Energy Information Administration américaine, en 2013, ce détroit a vu passer chaque jour 3,8 millions de barils de pétrole brut et raffiné, dont 2,1 millions de barils en provenance du golfe Arabo-Persique et à destination du Canal de Suez, du pipeline Sumed (Suez-Méditerranée) puis de l’Europe et de l’Amérique du Nord, et le reste vers les marchés asiatiques. Il est ainsi stratégique pour les pays importateurs, exportateurs et riverains que ce passage maritime reste libre d’accès.
Notons cependant que - même en cas de blocage du détroit - l’approvisionnement énergétique n’en serait pas moins interrompu car au moins deux routes alternatives existent. La première, le pipeline East-West en Arabie saoudite, permettrait d’acheminer 2,5 millions de barils par jour du golfe Arabo-Persique à la mer Rouge. La deuxième route est celle du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, qui permettrait d’acheminer les hydrocarbures vers l’Europe et l’Amérique du Nord avec un rallongement du temps de transport. Ce passage maritime a déjà était sujet à de nombreux incidents dans le passé. En octobre 2000, le destroyer américain U.S.S. Cole a été victime d’un attentat revendiqué par Al-Qaïda dans le port d’Aden. Deux ans plus tard, le pétrolier français Limburg a été à son tour touché dans la région par un bateau piégé d’Al-Qaïda. La corne de l’Afrique connait également depuis plusieurs années une flambée des actes de piraterie maritime, en partie due à la faiblesse de l’autorité étatique en Somalie. On estime que le risque d’un blocage prolongé et complet du détroit demeure toutefois faible. Premièrement, les Houthis n’ont aujourd’hui pas fait mention de leur volonté de bloquer ce passage et ne semblent pas avoir les moyens matériels (avions, navires…) pour le faire. Deuxièmement, et parallèlement aux raids aériens menés par la coalition arabe, il semblerait que l’Arabie saoudite et l’Egypte aient envoyé plusieurs frégates dans le détroit de Bab-el-Mandeb pour d’ores et déjà le sécuriser. Enfin, un tel blocage semble impensable compte tenu que le golfe d’Aden, le détroit et la mer Rouge sont en permanence sous la surveillance d’entités internationales telles que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les États-Unis. Ces derniers, tout comme la France, possèdent une base militaire à Djibouti leur permettant d’une part, de lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden et d’autre part, d’intervenir rapidement en cas de perturbation du détroit. Les forces françaises, installées depuis 1977 dans le pays, sont le plus gros contingent déployé par Paris sur le continent africain. Outre sa mission de stabilisation de la corne de l’Afrique, la France peut, grâce à sa composante marine (deux chalands) et aérienne (sept Mirage 2000, un C160 et deux hélicoptères Puma), exercer un contrôle sur le détroit de Bab-el-Mandeb et porter secours en mer comme ce fut le cas lors de l’attentat contre le USS Cole. Le risque de perturbations ponctuelles dans le détroit de Bab-el-Mandeb semble cependant plus élevé.  dans le cadre d’attaques de pétroliers saoudiens par des miliciens Houthis équipés de petits bateaux rapides chargés d'explosifs. Une situation de ce type pourrait entraîner une réduction du trafic naval dans la région ainsi qu’une hausse des primes d’assurance.  Suite à l’attentat mené contre le Limburg en octobre 2002, les primes d’assurance pour les pétroliers avaient triplé. Le pays potentiellement le plus affecté par une situation d’instabilité autour de Bab-el-Mandeb semble être l’Egypte - dont les finances publiques dépendent fortement des revenus liés au Canal de Suez et au pipeline  (Suez-Méditerranée) - ce qui semble justifier son rôle actif dans l’intervention militaire au Yémen. Riyad a des raisons de penser autrement dans un contexte où les sanctions occidentales contre Moscou ainsi que la baisse des revenus pétroliers auront des conséquences terribles pour l’économie Russe. Dans cette perspective, les relations Irono-occidentales pourrait signifier un éloignement de Téhéran de la Russie. Ainsi, la Russie aurait besoin de fonds en provenance d’Arabie Saoudite et du reste des pays du conseil de coopération du Golfe CCG (Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar). Lors de sa visite dans la capitale Russe, le ministre des affaires étrangères saoudien, précise à son homologue Russe que Riyad rejette totalement tout accord prévoyant le maintien de Bachar. La logique du Kremlin est différente, et rien ne pourra éloigner la Russie ni de l’Iran, ni de la Syrie. L’Iran est devenu le cauchemar des Etats sunnites du Golfe, ses derniers ont besoin d’un fournisseur d’armes fiable. Depuis que les américains ont suspendus des aides avec l’Egypte (1), les pétromonarchies ont commencé à regarder vers la Russie.


Si Moscou parvient à mieux gérer la situation avec les monarchies et l’Iran, elle peut aussi agir en tant que médiateur dans la résolution des conflits au Moyen-Orient. Contrairement à la diplomatie américaine, la Russie serait l’un des principaux pouvoirs extra régionaux à bénéficier de la sortie de la république islamique de son isolement. Paradoxalement, de nombreux point de la diplomatie étrangère américaine sont désapprouvés par Riyad et Moscou. Les deux pays n’apprécient guère le soutien des américains à Israël sur la question Palestinienne, et les efforts de la promotion de la démocratie sur l’ensemble des autres pays. A cet égard les deux pays ont critiqué le soutien des Etats-Unis à l’élection du président Morsi, et le gel de l’aide militaire au régime d’El- Sissi. De ce point de vue, Washington avait pleinement raison d’agir ainsi.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA    





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