Le président Français,
s’est rendu en Arabie saoudite dans le but de conquérir de nouveaux marchés,
mais aussi de rééquilibrer une relation bilatérale délaissée par son
prédécesseur, Sarkozy, proche du Qatar. Paris comprenait ainsi l’influence des
autorités de Riyad sur la question nucléaire Iranienne, critiques à l’égard des
ingérences islamiques au Liban et en Syrie, ennemis déclarées de Bachar al-
Assad.
Gardiens des lieux saints de l’Islam,
fier d’un modèle monarchique face à des républiques Arabes instables, géant
pétrolier, le royaume se repositionne comme un Etat fort dans les périodes
post- révolutions. Refusant de siéger à l’ONU, la monarchie avait exprimé son
malaise face à la politique des Américains, pourtant un allié indéfectible
depuis 1945, sur la question Syrienne. Après avoir accueilli le dictateur
Tunisien en 2011, Riyad a envoyé des militaires à Bahreïn, elle a même obligé
ALI Abdallah Salah, à renoncer au pouvoir, réaffirmant ainsi son leadership
dans la péninsule Arabique. Le royaume a même proposé à la Jordanie et au Maroc
d’intégrer le CCG. Au Caire, elle soutient Al-Sissi sur le plan militaire et
financier, d’où le président Égyptien vient de céder deux îles au royaume, ce qui a provoqué un mécontentement populaire par les Égyptiens.
LE ROI SALMAN ET POUTINE : LA
FIN DU DÉBUT
Dans ce grand jeu géopolitique et
géostratégique, la Russie et l’Arabie Saoudite ont tenté d’améliorer leurs
relations à plusieurs reprises, mais ces efforts ont rencontrés un succès
limité. Le royaume reproche à la Russie de ne pas se rallier aux efforts de
l’OPEP pour jouer sur les prix du brut ; et lors des conflits en
Tchétchénie (1994 à 2009), le Kremlin accuse les Saoudiens de soutenir les
combattants du Caucase. Riyad a déjà tenté de manipuler l’intérêt de la Russie
à son propre avantage géopolitique. Ont entamant des négociations afin
d’acheter jusqu’à 4 milliards de dollars d’armes russes, sous réserve que la
Russie interrompe ses livraisons à l’Iran. Lors d’une visite confidentielle à
Moscou, le chef des renseignements saoudien a repris la discussion d’un accord
potentiel pour acquérir des armes russes pour une valeur de 15 milliards de
dollars. La condition était que Moscou retire son soutien à Bachar et cesse de
bloquer les résolutions de l’ONU contre la Syrie. L’intervention militaire de
la Russie en Syrie, affirme que les bombardements visent EI, la réalité montre
que d’autres groupes rebelles, considérés comme des menaces directes par Damas,
sont également pris pour cibles. Cette intervention militaire Russe soulève de
nombreuses questions. Moscou, l’Iran, avec les occidentaux à la suite de
l’accord sur le nucléaire en 2015, les deux pays sont unis dans leur soutien au
régime de Damas. L’action de la Russie contre des mouvements armés en Syrie
soutenus par Riyad va indéniablement renforcer Bachar et l’EI, qui apparaîtrons comme les seules possibilités viables de pouvoir en Syrie. Si cette stratégie
se confirme, les pays occidentaux préféreront voir Bachar rester au pouvoir si
la seule alternative est Daech. Dans une autre vision, si les Etats-Unis et
l’occident en général ne réagissent pas afin de contrer l’intervention de
Moscou en Syrie, l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies du CCG seront
paralysés face aux représailles Russes et de l’Iran.
DJIBOUTI : UN NOUVEAU PASSAGE
POUR RIYAD
Le détroit de Bab-el-Mandeb est le
quatrième passage maritime le plus important au niveau mondial en termes d’approvisionnement
énergétique. L’objectif de cet enjeu, est d’analyser les risques de
perturbation du trafic naval dans le détroit de Bab-el-Mandeb suite à la crise
politique et militaire que traverse actuellement le Yémen. La situation
sécuritaire au Yémen est extrêmement confuse depuis de nombreux mois, en raison
notamment de l’insurrection des Houthis - mouvement composé principalement de
musulmans chiites du Nord du Yémen - qui, selon les autorités de Riyad, seraient
soutenus par l'Iran. Le 22 mars 2015, ces miliciens chiites ont occupé une
majeure partie de la ville de Ta’izz située dans le sud-ouest du pays, à
quelques kilomètres du détroit de Bab-el-Mandeb, prenant ensuite le contrôle du
port de Mocha.
Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite, à
la tête d’une coalition d’États sunnites, a lancé une intervention militaire
contre les Houthis, ce qui représente une escalade importante du conflit en
cours et des tensions régionales entre l’Arabie saoudite et l’Iran. L’annonce
de cette intervention a provoqué des réactions préoccupées sur les marchés
financiers - avec notamment une progression de plus de 4,5% des prix du pétrole
sur les marchés futurs le même jour.
Le détroit de Bab-el-Mandeb, qui
sépare le Yémen de Djibouti, est un point névralgique du commerce maritime
entre le golfe d’Aden et la mer Rouge. À son point le plus étroit, il mesure
seulement dix-huit milles, limitant la circulation des navires à deux canaux de
deux milles de large chacun, un dans chaque direction. Le détroit est surtout
important pour le commerce d’hydrocarbures : selon les données de l’Energy
Information Administration américaine, en 2013, ce détroit a vu passer chaque
jour 3,8 millions de barils de pétrole brut et raffiné, dont 2,1 millions de
barils en provenance du golfe Arabo-Persique et à destination du Canal de Suez,
du pipeline Sumed (Suez-Méditerranée) puis de l’Europe et de l’Amérique du
Nord, et le reste vers les marchés asiatiques. Il est ainsi stratégique pour
les pays importateurs, exportateurs et riverains que ce passage maritime reste
libre d’accès.
Notons cependant que - même en cas de
blocage du détroit - l’approvisionnement énergétique n’en serait pas moins
interrompu car au moins deux routes alternatives existent. La première, le
pipeline East-West en Arabie saoudite, permettrait d’acheminer 2,5 millions de
barils par jour du golfe Arabo-Persique à la mer Rouge. La deuxième route est
celle du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, qui permettrait d’acheminer
les hydrocarbures vers l’Europe et l’Amérique du Nord avec un rallongement du
temps de transport. Ce passage maritime a déjà était sujet à de nombreux
incidents dans le passé. En octobre 2000, le destroyer américain U.S.S. Cole a
été victime d’un attentat revendiqué par Al-Qaïda dans le port d’Aden. Deux ans
plus tard, le pétrolier français Limburg a été à son tour touché dans la région
par un bateau piégé d’Al-Qaïda. La corne de l’Afrique connait également depuis
plusieurs années une flambée des actes de piraterie maritime, en partie due à
la faiblesse de l’autorité étatique en Somalie. On estime que le risque d’un
blocage prolongé et complet du détroit demeure toutefois faible. Premièrement,
les Houthis n’ont aujourd’hui pas fait mention de leur volonté de bloquer ce
passage et ne semblent pas avoir les moyens matériels (avions, navires…) pour
le faire. Deuxièmement, et parallèlement aux raids aériens menés par la
coalition arabe, il semblerait que l’Arabie saoudite et l’Egypte aient envoyé plusieurs
frégates dans le détroit de Bab-el-Mandeb pour d’ores et déjà le sécuriser. Enfin,
un tel blocage semble impensable compte tenu que le golfe d’Aden, le détroit et
la mer Rouge sont en permanence sous la surveillance d’entités internationales
telles que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les
États-Unis. Ces derniers, tout comme la France, possèdent une base militaire à
Djibouti leur permettant d’une part, de lutter contre la piraterie dans le
golfe d’Aden et d’autre part, d’intervenir rapidement en cas de perturbation du
détroit. Les forces françaises, installées depuis 1977 dans le pays, sont le
plus gros contingent déployé par Paris sur le continent africain. Outre sa
mission de stabilisation de la corne de l’Afrique, la France peut, grâce à sa
composante marine (deux chalands) et aérienne (sept Mirage 2000, un C160 et
deux hélicoptères Puma), exercer un contrôle sur le détroit de Bab-el-Mandeb et
porter secours en mer comme ce fut le cas lors de l’attentat contre le USS Cole.
Le risque de perturbations ponctuelles dans le détroit de Bab-el-Mandeb semble
cependant plus élevé. dans le cadre
d’attaques de pétroliers saoudiens par des miliciens Houthis équipés de petits
bateaux rapides chargés d'explosifs. Une situation de ce type pourrait
entraîner une réduction du trafic naval dans la région ainsi qu’une hausse des
primes d’assurance. Suite à l’attentat
mené contre le Limburg en octobre 2002, les primes d’assurance pour les
pétroliers avaient triplé. Le pays potentiellement le plus affecté par une
situation d’instabilité autour de Bab-el-Mandeb semble être l’Egypte - dont les
finances publiques dépendent fortement des revenus liés au Canal de Suez et au
pipeline (Suez-Méditerranée) - ce qui
semble justifier son rôle actif dans l’intervention militaire au Yémen. Riyad a
des raisons de penser autrement dans un contexte où les sanctions occidentales
contre Moscou ainsi que la baisse des revenus pétroliers auront des
conséquences terribles pour l’économie Russe. Dans cette perspective, les
relations Irono-occidentales pourrait signifier un éloignement de Téhéran de la
Russie. Ainsi, la Russie aurait besoin de fonds en provenance d’Arabie Saoudite
et du reste des pays du conseil de coopération du Golfe CCG (Bahreïn, Emirats
arabes unis, Koweït, Oman, Qatar). Lors de sa visite dans la capitale Russe, le
ministre des affaires étrangères saoudien, précise à son homologue Russe que
Riyad rejette totalement tout accord prévoyant le maintien de Bachar. La
logique du Kremlin est différente, et rien ne pourra éloigner la Russie ni de l’Iran,
ni de la Syrie. L’Iran est devenu le cauchemar des Etats sunnites du Golfe, ses
derniers ont besoin d’un fournisseur d’armes fiable. Depuis que les américains
ont suspendus des aides avec l’Egypte (1), les pétromonarchies ont commencé à
regarder vers la Russie.
Si Moscou parvient à mieux gérer la
situation avec les monarchies et l’Iran, elle peut aussi agir en tant que
médiateur dans la résolution des conflits au Moyen-Orient. Contrairement à la
diplomatie américaine, la Russie serait l’un des principaux pouvoirs extra régionaux à bénéficier de la sortie de la république islamique de son isolement.
Paradoxalement, de nombreux point de la diplomatie étrangère américaine sont désapprouvés
par Riyad et Moscou. Les deux pays n’apprécient guère le soutien des américains
à Israël sur la question Palestinienne, et les efforts de la promotion de la démocratie
sur l’ensemble des autres pays. A cet égard les deux pays ont critiqué le
soutien des Etats-Unis à l’élection du président Morsi, et le gel de l’aide
militaire au régime d’El- Sissi. De ce point de vue, Washington avait
pleinement raison d’agir ainsi.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
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