jeudi 18 mai 2023

GÉOPOLITIQUE DE L'EAU ET DE L'ALIMENTATION EN 2050

Indispensable à la vie humaine, l'eau pourrait venir à manquer à 4 milliards de personnes en 2030. Les conséquences humaines seront innombrables dans certaines régions de la planète. Le manque d'eau induira un exode accru des populations, et fera naitre une instabilité sociale et une insécurité chronique, car l'eau, c'est la vie qui permet en outre la salubrité des villes. La naissance de conflits transfrontaliers n'est également pas à exclure. 

L'eau s'impose ainsi comme un sujet de sécurité collective au niveau international, qui induira des prises de position grandissantes du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que des instances régionales de dialogue stratégique, comme l'Organisation de coopération de Shanghai. Les conséquences économiques seront également aiguës. En raison des bouleversements climatiques et de mauvais choix politique, et au-delà des impacts sur le monde agricole, des villes hautement technologiques, véritables hubs mondiaux, vont devoir aussi s'adapter au manque d'eau. La région de Bangalore en Inde, l'État de Monterrey au Mexique, ou encore l'Arizona et la Californie aux États-Unis. L'absence de ressources en eau va ainsi provoquer de plus en plus de conflits d'usage et des arbitrages politiques catastrophiques : abandon de certaines cultures, délocalisation industrielles, blocage de projets d'investissement par manque d'eau souterraine et de surface. 

10 MILLIARDS D'HUMAINS EN 2050

Qu'est-ce qui peut être fait d'ici à 2050 pour permettre à 10 milliards d'êtres humains d'avoir un accès suffisant à l'eau potable ? Les spécialistes de la question restent perplexes aux défis qui nous guettent dans un futur proche. Néanmoins, ils se projettent d'assurer une maintenance préventive et corrective des installations hydriques. Ceci nécessite des budgets d'exploitation conséquents, de la formation et de l'attractivité pour les métiers de l'eau. À l'heure où la NASA a pour objectif d'envoyer des astronautes sur Mars d'ici à la fin des années 2030, il faudrait déjà penser à former plus d'électro-mécaniciens, de même qu'à effectuer les réparations nécessaires des réseaux d'adduction et de distribution qui souffrent de niveaux de fuites trop importantes ! Ensuite, il faut accélérer la mutation technologique du secteur de l'eau vers plus de digitalisation à travers capteurs et senseurs qui permettent en temps réel de mieux connaitre le fonctionnement du patrimoine visible et enterré. Par ailleurs, les spécialistes avancent la thèse des vertus du progrès technique afin d'étancher la soif des hommes et répondre à leurs besoins domestiques, alimentaires, ou encore énergétiques : dessalement, réutilisation des eaux usées, aménagement hydrique, irrigation intelligente, et recherche artificielle des nappes. En Occident, le savoir-faire des techniciens et des ingénieurs doit permettre non seulement de bien gérer les réseaux existants, mais aussi de concevoir des infrastructures plus économes en eau : data-canters, extraction minière, procédés industriels pour la pétrochimie, l'industrie agro-alimentaire, qui sont parmi les plus gros consommateurs en eau. Dans ce registre, il faut surtout que l'empreinte en eau de la transition énergétique soit la moins élevée possible, car pour produire les matières premières nécessaires à nos éoliennes ou encore à nos voitures électriques, la consommation d'eau et la pollution des nappes et des fleuves sont encore anormalement élevées. Évidement, les principales zones à risque où le manque d'eau pourrait être source de conflit dans les années à venir, une diagonale de la soif part du nord du Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Libye, englobant au sud les pays du G5 Sahel, puis traverse le Proche et le Moyen-Orient, dont la Perse, avant d'arriver dans la péninsule indienne, et de terminer sa course dans la partie septentrionale de Chine. C'est dans cet ensemble géographique que se déroulent déjà des conflits transfrontaliers liés à l'eau, qui vont encore s'accentuer : partage des eaux du Nil, tensions sur les fleuves d'Asie centrale, confrontations Inde-Chine sur l'utilisation des eaux prenant leur source au Tibet. Ailleurs, aux États-Unis, au Mexique, ou encore en Europe du Sud et de l'Est, des nouvelles tensions apparaissent en raison de la faiblesse du débit des fleuves et de l'appauvrissement des nappes, ce qui induira des tensions politiques locales, ainsi que des conflits d'usage de l'eau, qu'elle soit à vocation domestique ou destinée aux secteurs de l'agriculture et de l'énergie. 

ALIMENTATION A L'HORIZON 2050

La planète dispose de suffisamment de ressources naturelles pour le faire et de nombreux leviers peuvent être actionnés pour y parvenir. Il nous faudra accélérer le changement des pratiques pour protéger la biodiversité, les sols et l'eau. Surtout, il est capital de penser la transition agricole dans les pays du Sud, en Afrique par exemple, où la croissance démographique est la plus importante. C'est au sein de ce continent qu'il faudra accroître durablement la productivité de l'agriculture. Transition énergétique enfin, car l'agriculture a besoin d'énergie et peut aussi en produire pour la société. Il est urgent de voire dans le même temps la transition agricole et énergétique pour la souveraineté alimentaire. Cela passe par des politiques sociales, économiques et commerciales pour lutter contre les inégalités ; un retour de l'État et de la régulation en somme. Depuis déjà des décennies, les systèmes alimentaires ont connu de profonds bouleversements : crise d'approvisionnement avec la rupture des chaines logistiques ou la hausse des prix du fret international et crise énergétique liée à la hausse des cours du gaz naturel, qui a entrainé le prix du pétrole dans son sillage. L'inflation de l'énergie s'est ensuite propagée aux engrais utilisés en agriculture, détenue essentiellement par les multinationales américaines. Le cours des engrais a entrainé celui des matières premières agricoles, dans un contexte de forte et brusque reprise de la demande internationale, notamment en Chine. En 2021-2022, nous étions dans une situation de hausse des prix généralisée à l'échelle mondiale, qui soulève pour les plus précaires de vrais défis pour accéder à l'alimentation. Ces facteurs conjoncturels se cumulent aussi avec des éléments structurels, comme la faiblesse des politiques sociales, essentielles afin d'éliminer la faim, les violences et les conflits. À l'horizon 2050, l'agriculture sera la première victime des changements climatiques. Sécheresse, hausse des précipitations, accidents météo violents vont réduire les rendements dans la plupart des endroits de la planète. Notre capacité à nous adapter et à atténuer notre empreinte influencera directement la qualité et la quantité de nourriture produite. Si la hausse des températures se produit sans relâche, les effets physiques du changement climatique devraient s'intensifier, avec des conséquences catastrophiques dans la seconde moitié du siècle. Aucun pays, aucune région ne sera à l'abri des effets physiques du changement climatique et de la dégradation de l'environnement, mais l'impact sera variable, certaines régions bénéficieront même d'avantage marginaux tels que des saisons de croissance et des périodes de végétation plus longues. De façon générale, les pays en développement seront les plus touchés, car ils n'ont pas la capacité de s'adapter au changement climatique et sont en moyenne plus exposés à ses effets. À l'extérieur de l'Arctique, le réchauffement le plus rapide devrait se produire dans le centre et l'est de l'Amérique du Nord, en Europe centrale, dans les régions méditerranéenne (Europe du Sud, l'Afrique du Nord et le Proche-Orient, l'Asie occidentale et centrale, et l'Afrique australe). Les tropiques, en particulier, devraient connaitre des vagues de chaleur extrême généralisées. Le réchauffement des températures est susceptible de créer des conditions atmosphériques propices à des catastrophes naturelles plus intenses et, dans certains cas, plus fréquentes, notamment des tempêtes, des ouragans, des inondations côtières, des ondes de tempêtes et des sécheresses. Les conditions météorologiques traditionnelles sont également en train de changer, par exemple, les zones sèches devraient devenir plus sèches, les zones humides deviendront plus humides et les précipitations seront moins fréquentes, mais plus intenses dans certaines régions. La mauvaise gestion de l'eau au sein des États et entre eux restera le principal facteur de stress hydrique au cours des prochaines décennies. Alors que les précipitations diminuent ou deviennent plus irrégulières, la croissance démographique, le développement économique et la persistance de pratique agricoles et d'irrigation inefficaces vont accroitre la demande. 

Dans de nombreux bassins fluviaux, les pays situés en amont construisent des barrages et modifient les sources d'eau sans consulter ou presque leurs voisins en aval. C'est le cas du barrage de la Renaissance en Éthiopie, source de tensions et conflits. Actuellement, les difficultés économiques ont accentué les divisions sociétales et rendu plus difficile l'obtention d'un compromis politique sur les priorités locales ; les frustrations et les manifestations publiques se sont multipliées et les sociétés polarisées, façonnées par les réseaux sociaux, ont conduit à davantage d'impasses politiques et à de fortes fluctuations décisionnelles. Comment nous en sommes arrivés là ?

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA





 

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