mardi 11 octobre 2022

 GEOSTRATEGIE/ L’EUROPE DU SUD-EST : LA NOUVELLE POUDRIÈRE DE LA RUSSIE

Compte tenu des solides liens économiques, militaires et culturels de la Russie avec les Balkans, le conflit fait craindre que Moscou ne tente de déstabiliser davantage cette zone. Ces dernières années, la Russie a renforcer ses liens militaires avec la Serbie, lui vendant des armes, des avions et des systèmes de défense aérienne. Cela a ouvert la voie à une forte influence russe en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro, où des segments importants du régime sont résolument pro-russes. Depuis le début du conflit Ukrainien, des rassemblements pro-russes, mettant en vedette des groupes d’extrême droite ayant des liens directs avec la Russie.



Divorcés du contexte historique, ces groupes voient la Russie comme réclament des terres qui lui appartiennent de droit, tout comme ils aimeraient voie le Kosovo retourné sous l’autorité de la Serbie. Poutine lui-même a souvent invoqué l’exemple du Kosovo afin de justifier l’annexion de la Crimée par la Russie et ses incursions à Donetsk et Louhansk. Il est indéniable que l’invasion de l’Ukraine a accentué les clivages entre les voix pro-occidentales et pro-russes dans les Balkans. L’Albanie, la Croatie, le Monténégro et la Macédoine du Nord, membres de l’OTAN, se sont rapidement rangés derrière les sanctions de l’UE, tout comme le Kosovo, candidat à l’OTAN. Tout en soutenant les résolutions de l’ONU condamnant les actions de la Russie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, devenant ainsi les deux seuls pays à ne pas figurer sur la liste des États hostiles à la Russie. En Bosnie-Herzégovine, les craintes que la guerre en Ukraine puisse engendrer de l’instabilité dans les Balkans sont particulièrement vives. L’incapacité à parvenir à une position uniforme et à condamner l’agression de la Russie tient à l’intransigeance de Dodik, qui est le seul dirigeant de la Bosnie-Herzégovine à défendre une position pro-russe. Immédiatement après l’invasion de l’Ukraine, l’ambassadeur de Russie en Bosnie-Herzégovine a joué l’agent provocateur en avertissant que tout rapprochement entre la B-H et l’OTAN se heurterait à une réponse russe. Au Kosovo, où le sentiment public est frottement pro-occidental et anti-russe, la crise en Ukraine a également accru les inquiétude quant à la sécurité du pays. Les chefs de gouvernements ont été vocaux dans leurs appels à accélérer l’adhésion à l’OTAN et à l’établissement d’une base permanente de l’OTAN. Comme d’autres pays européens, le Kosovo s’est engagé à porter les dépenses de défense au niveau de référence de l’OTAN de 2 % de son PIB à la lumière du conflit actuel. Bien que le Monténégro n’ait pas tardé à se joindre aux sanctions contre la Russie, il n’a pas encore mis en œuvre la plupart d’entre elles en raison de luttes intestines. Le gouvernement pro-serbe du pays, qui s’est effondré à la suite d’un vote de censure, a été amèrement divisé au sujet de ces sanctions. Ces divisions sont révélatrices du degré de dépendance économique du pays envers Moscou : la Russie est le plus grand investisseur direct étranger au Monténégro, investissant massivement dans son marché immobilier et dans des secteurs comme la métallurgie. Le regard occidentale s’est concentrée sur la Serbie, où la guerre en Ukraine présente un défi de taille. Alors que la population serbe se souvient bien des difficultés d’être du mauvais coté des sanctions occidentales. Mème si la Serbie a voté pour condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie devant l’Assemblée générale des N-U, elle a refusé de s’aligner sur les sanctions de l’UE contre la Russie. Pour Poutine, la sécession du Kosovo de la Serbie n’est pas le reflet de la volonté du peuple kosovar, mais plutôt un effort cynique de l’OTAN afin de détruire son allié serbe. De plus, Poutine cite le prétendu mépris de l’Occident pour le droit, international sur la question du Kosovo pour détourner l’attention des activités de la Russie dans l’ex-Union soviétique. Un incident récent illustre bien la capacité de Moscou d’accroître l’instabilité régionale. Les Serbes du Kosovo ont bloqué des routes clés dans le Nord du Kosovo pour protester contre la tentative de Pristina de les forcer à remplacer leurs plaques d’immatriculation serbes par l’équivalent kosovar. Ses manifestations se sont terminées par une confrontation et des échanges de coups de feu avec la police kosovare. En soutenant à la fois le règne de Dodik en B-H et les Serbes du Kosovo, la Russie a illustrer avec succès sa capacité à exploiter les divisions sectaires pour geler voire intensifier les conflits dans les Balkans. Alors que le Kremlin cherche des moyens de s’en perdre à l’Occident, l’ingérence dans les Balkans continuera d’être un moyen à faible risque et à haut rendement qui s’offre à la Russie pour menacer la sécurité européenne. Les régimes pro-russes en B-H et en Serbie continueront de faire avancer les intérêts régionaux russes en échange d’un soutien diplomatique. Les risques sécessionnistes latents dans les Balkans sont quelques peu tombés dans l’oubli, alors que l’attention médiatique des derniers mois était dirigée sur la guerre en Ukraine. Enfin, en peut confirmer qu’après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, pour montrer son opposition aux avancées de l’OTAN à ses frontières, les Balkans pourraient facilement devenir le prochain lieu d’affrontement qui aiderait Moscou dans son objectif de soumettre à de rudes épreuves l’ordre européen et la stabilité sécuritaire que l’OTAN affirme apporter.

LA CHINE DANS LES BALKANS


Depuis déjà plus d’une décennie, la Chine est apparue au yeux des élites politiques et économiques locales comme un partenaire neutre qui pourrait à la fois servir de moyens de pression indirect sur l’UE et jouer un rôle de contrepoids à l’influence russe au sein de la région. En effet, au début la Chine ne s’immisçait pas ouvertement dans le jeu complexe des relations des pays d’ECO ( les pays d’Europe centrale et orientale) avec Moscou et Bruxelles, mais offrait plutôt une alternative aux collaboration proposées par l’UE et la Russie, en servant également de contrepoids opportun lorsque Bruxelles ou Moscou étaient jugés trop importuns ou pressants. Toutefois, avec la montée des tensions commerciales entre la Chine et l’Occident, la situation a pris une autre tournure. En effet, les dirigeants occidentaux se montrent de plus en plus critiques envers la Chine sur les questions des droits de l’homme, des transferts technologiques et de la transparence des subventions publics, en particulier dans le domaine des télécommunications et de la logistique. Ce changement d’attitude et de ton a été assez radical. L’UE a qualifié la Chine de rival symétrique et s’est engagée à mettre un terme à l’ouverture asymétrique de son marché aux entreprises chinoises poursuivant un agenda techno-nationaliste. Pékin commence alors à utiliser de manière plus ouverte ses liens économiques avec les pays d’ECO afin d’influencer certaines décisions de l’UE affectant les intérêts chinois. En 2021, sur demande de la Chine, la Hongrie a bloqué le communiqué de l’UE critiquant la gestion chinoise de la situation à Hong Kong. En retour, Pékin a bondonné sa politique très prudente envers les pays d’ECO en multipliant les attaques diplomatiques et les sanctions contre différents acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels, politiques ou académiques. Le refus de la Chine de condamner ouvertement les actions de la Russie en Ukraine a aussi suscité de très fortes réactions au sein des pays d’ECO en incitant leurs gouvernements à prendre une position plus ferme vis-à-vis de la présence chinoise dans la région est-européenne et à s’interroger sur le coût politique et stratégique des relations privilégiées avec la Chine.


La Chine a commencé à intensifier ses relations politiques et ses échanges économiques avec les pays d’Europe centrale et orientale ( ECO), en leur proposant un nouveau format de coopération dit « 16+1» censé illustré la stratégie chinoise du multilatéralisme bilatéral ». En 2019, la Grèce s’est également jointe à cette plateforme qui est ainsi devenue 17+1. Les pays balkaniques, se sont montrés très enthousiastes de cette initiative, du moins initialement. A Bruxelles, le rapprochement de la Chine avec les pays d’ECO a suscité de très vives craintes notamment de la part d’Emmanuel Macron. La France et certains pays européens, s’inquiètent de la mise en place du mécanisme de 17+1 en le voyant comme un outil d’influence chinoise au sein de l’UE que Pékin n’hésiterait pas à mobiliser pour diviser l’Europe tout en affirmant son poids économique dans la région.

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA




























1 commentaire:

  1. Pour les factions nationalistes de la région qui considèrent la Russie de Poutine comme un protecteur du peuple orthodoxe, l'invasion par la Russie d'un autre pays orthodoxe comme l'Ukraine n'est pas une contradiction.

    RépondreSupprimer