GÉOPOLITIQUE DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE
De 1925 à 1975, il y eut de nouveau un doublement de la population pour atteindre 4 milliards d’habitants, puis 6 milliards à la fin du XX siècle, 7 milliards en 2012 et enfin 7,8 milliards en 2020. Le pic de 10 milliards devrait être atteint entre 2050 et 2100. En 1971, l’Américain Paul Ehrlich publie The Population Bomb, qui prédit de nouveau une catastrophe démographique. Les prévisions sont apocalyptiques : 7 milliards d’hommes en 2000, 20 en 2050 et 55 en 2100. De telles prévisions sont erronées car elles sont basées sur une prolongation automatique des courbes existantes sans tenir compte de la transition démographique. Aujourd’hui, l’augmentation de la population se fait principalement dans le tiers-monde. En 2000, la Banque mondiale prévoyait une hausse à 8,7 milliards d’habitants en 2030. Mais sur 2,8 milliards d’êtres humains supplémentaires, 2 milliards devraient naître dans des pays où le revenu ne dépasse pas 2 dollars par habitant et par jour. Il est évident qu’il sera difficile de leur donner de la nourriture, de l’eau, sans parler de l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Le monde serait donc très difficile à maîtriser et les révoltes des peuples seront omniprésentes du quotidien de l’humanité. C’est l’Asie qui, pour le moment, connaît la courbe démographique ascendante la plus importante, avec les deux géants chinois et indien. La Chine devrait connaître un pic démographique en 2032 avec 1, 46 milliard d’habitants, et l’Inde est passée de 360 à 680 millions d’habitants entre 1950 à 1980. Elle est actuellement à 1,3 milliard, et devrait dépasser la Chine dés 2030 et compter 1,65 milliard d’habitants en 2050. L’Afrique est passée de 220 millions à 720 de 1950 à 1995. La prolongation des courbes actuelles pourrait l’amener à plus de 2,5 milliards d’ici 2050. L’un des premiers défis demeure lié à la crainte qu’il ne soit pas possible de satisfaire les besoins d’une population en augmentation. Il ne s’agit pas simplement de savoir s’il y aura de quoi nourrir la population mondiale mais, de savoir également si les modes actuels de consommation peuvent perdurer avec une augmentation de la population. L’agriculture représente aujourd’hui 70% des prélèvements d’eau dans le monde contre 20% pour l’industrie et 10% pour l’alimentation en eau potable. Il y a autant d’eau douce sur terre qu’il y a deux mille ans. Mais les humains sont trente fois plus nombreux. Si actuellement des famines subsistent, ce ne sont pas des famines naturelles, mais provoquées par des conflits ou par la prise en otage des populations civiles par les régimes ou des factions en lutte. S’il y a un problème de ressources, c’est plus par une utilisation plus rationnelle de celles-ci que par le contrôle du niveau démographique qu’on le résoudra. En tant que telle, la croissance démographique prévue et prévisible n’est pas une menace pour l’équilibre de la planète. On estime que l’agriculture pourrait nourrir sans difficultés jusqu’à 12 milliards d’individus. Le problème réside donc dans l’accès et le partage des ressources disponibles. Dés 1919, la faim dans le monde a augmenté pour la cinquième année consécutive pour atteindre 687 millions de personnes, effaçant ainsi les progrès du début de la décennie 2010. L’ONU prévoit une augmentation de ce chiffre à 840 millions d’ici 2030. Le second défi est celui des inégalités économiques. Les populations des pays développés stagne alors que la population du tiers-monde pauvre augmente. Le contrôle de la démographie est primordial au développement économique d’un État. C’est l’axiome selon lequel ( ceux qui naissent dans un pays pauvre où la population croit rapidement, mourront dans un pays pauvre .) Pour que le revenu réel par habitant augmente, il faut absolument que le taux de croissance de l’économie soit supérieur au taux de croissance de la population. Les inégalités économiques sont non seulement croissante, mais, de plus, tout à fait connues d’un bout à l’autre de la planète. Selon la projection des statistiques, la population des États-Unis sera en 2050 inférieure à celle du Nigeria, celle de l’Irak égale à celle du Japon, et celle de l’Éthiopie le double de celle de la France. Les pays riches seront devenus des pays moyens en termes démographiques. Le Canada, membre du club des pays les plus industrialisés, aura une population comparable à celle du Népal ou de Madagascar. Le problème des migrations entre un Sud pauvre et surpeuplé et un Nord riche et de moins en moins peuplé se posera encore plus qu’aujourd’hui. Les migrations économiques l’emporteront sur les migrations politiques. Si elles devaient être massives, elles pourraient poser des dilemmes d’acceptation sociaux. La faim, les guerres et le terrorisme ont jeté des millions de personnes sur les routes. Depuis 2014, les chiffres sont de plus en plus dramatiques : en 2019, au moins 3370 migrants sont décédés. Ils sont plus de 38 000 entre 2015 et 2020. Face à cet afflux, certains pays européens notamment issus des Balkans décident d’ériger des murs à leurs frontières. Les migrants représentent actuellement 3,5 % de la population, tout en provoquant des réactions politiques, notamment de rejet, bien plus coercitive, comme si le phénomène de globalisation, suscitant un vent contraire, l’ouverture apparemment plus grande des frontières provoquant le besoin de les fermer. Selon les statistiques, les migrants sont en 2019 au nombres de 273,6 millions. Ils étaient 138 millions en 2000. Le nombre des réfugiés du fait des conflits et des situations de certains régimes dictatoriaux est de 27 millions et le nombre de personne déplacées en interne du fait des conflits est de 46 millions dans 61 pays. La globalisation permet une meilleure connaissance de ce qui se passe ailleurs, d’où la volonté plus forte de quitter son pays, si on a le sentiment de n’y avoir des motivations politiques, économiques. En Europe, il y a eu un pic migratoire en 2015 du fait de la guerre civile en Syrie, du chaos Libyen, du caractère totalitaire du régime érythréen, de l’effondrement du Soudan, mais aussi à la suite des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Ainsi, 1,4 million de demandeurs d’asile ont été comptabilisés en 2015 au sein de l’UE, 1,3 million en 2016, 700 000 en 2017, 608 000 en 2018 et en 2019. La crise sociale et économique qui frappe le Venezuela, le Mexique, la Colombie, le Guatemala, le Pérou, le Brésil, l’Ouganda, le Soudan du Sud, le Pakistan, la Birmanie, l’Éthiopie, l’Égypte, le Nigeria, le Niger, le Mali, la Tunisie, et le Maroc ont augmentés l’un des défis mondiaux majeurs. Les flux migratoires sont désormais majoritairement Sud-Nord et Sud-Sud. La faim, la guerre et le terrorisme viennent endossés les nouvelles crises économiques de l’UE. Les populations des pays développés stagne alors que la population des pays en développement augmente. Le problème n’est ainsi pas le même que l’on vienne d’Afrique de l’Ouest, où la démographie avance plus rapidement que l’économie, ou de certains pays d’Europe, ou la baisse de la natalité et le vieillissement de la population inquiètent.
LA GUERRE ALIMENTAIRE EST DECLAREE
A cet égard, le degré d’inclusion du continent africain dans la mondialisation, ainsi que les modalités d’échanges avec les économies avancées revêtent un caractère systématique au regard des déséquilibres démographiques entre Europe et l’Afrique. La détresse économique ne se traduit pas nécessairement par une explosion immédiate de la violence, mais elle laisse des traces indélébiles dans la mémoire des peuples qui en souffrent. A long terme, l’indifférence vis-à-vis des souffrances du continent africain peut avoir un effet dévastateur sur l’avenir de la paix dans le monde.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
LA GUERRE ALIMENTAIRE EST DECLAREE
En 2016, on comptait déjà 815 millions de personnes sous-alimentées, principalement localisées en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. La perspective de devoir nourrir 10 milliards de personnes à l’horizon 2050 oblige à reconsidérer de nombreux paramètres de la production agricoles mondiale. 1% des terres émergées sont aujourd’hui cultivées, chiffre qui devrait être multiplié par deux en 2050 si la production reste inchangée. L’intensification de la production entraîne un appauvrissement des sols et une réduction de la biodiversité, extrêmement préoccupants dans certains régions. La sécurité alimentaire recouvre des enjeux géopolitiques. Elle conditionne le niveau de vie des populations, le développement des sociétés à travers l’équilibre entre ruraux et urbains, et la stabilité des territoires. Elles révèle de fortes logiques de souveraineté nationale dans un marché globalisé, mais aussi la puissance de groupe agroalimentaire privés. Au cours des deux dernières décennies, de vastes étendues de terres arables ont changé de propriétaires, modifiant en profondeur les équilibres territoriaux de pays déjà fragilisés. La terre devient une marchandise comme les autres : on assiste à des accaparements fonciers à grand échelle réalisés par des États, des multinationales de la vente des pesticides les plus toxiques et les plus controversés au monde comme ( Agro science, Corteva, BASF, Bayer, Monsanto, FMC, Syngenta, Driscolls) ou des investisseurs financiers comme le richissime Bill Gates. Le philanthrope de l’apocalypse, lutte contre la famine et le paludisme notamment en Afrique. Supporter zélé des organismes génétiquement modifiés ( OGM), il vient de verser 15 millions de dollars afin de modifier les gènes du manioc en Cotes d’Ivoire. Avec pour objectif d’inventer un manioc ayant subi une mutagenèse ( un bidouillage génétique apparenté aux OGM.) Lequel arrangerait bien les grandes multinationales occidentales déjà citées, qui, travaillent là-dessus, et dont Gates et l’actionnaire. La fondation Gates finance en toute opacité – la création d’un moustique génétiquement modifié destiné à éradiquer le paludisme. Sauf qu’une étude menée au Brésil démontre que ce bricolage génétique contribue à renforcer l’insecte tueur. Là encore, les populations africaines jouent, malgré elles, les cobayes du milliardaire technophile. En ce sens, certains analystes condamnent Bill Gates de complotisme contre les Africains tout en le condamnant d’infecter les terres arables afin d’anéantir la population. Au cours des dernières années, de nombreuses opérations ont été conduites par les États-Unis, le Royaume-Unis, les Pays-Bas, le Brésil, la Chine, la Malaisie, Singapour, les Émirats et les Saoudiens. Directement par le biais d’entreprise ou de fonds, ces pays ont acheté de la terre principalement au Congo-Brazzaville, en République du Congo, au Soudan du Sud, au Mozambique, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays fragiles, mais aussi en Indonésie, au Brésil, en Ukraine, en Russie, et en Argentine, pays disposant de capacités d’exportation. Consommés par 3 milliards d’individus, le blé est abondant pour les uns , très rare pour les autres. Son commerce traduit des rapports de puissance et une forte concentration. Dix pays assurent à eux seuls 85% des exportations mondiale de blé : l’Allemagne, l’Argentine, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France, l’Inde, le Kazakhstan, la Russie, et l’Ukraine. Des régions comme l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient dépendent du marché mondial pour leurs approvisionnements. Les dix principaux importateurs de blé sont : le Brésil, l’Algérie, la Chine, le Corée du Sud l’Égypte, l’Indonésie, l’Iran, le Japon, le Mexique, et le Nigeria. De grandes sociétés multinationales de négoce dominent le commerce des grains. Environ trois quarts du commerce du blé seraient contrôlés par quatre groupes rassemblés sous l’acronyme ABCD ( Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill et Louis-Dreyfus ) qui voient désormais apparaître des concurrents dans les pays émergents, à l’image du groupe indo-singapourien Olam. Le prix des denrées alimentaires est en partie corrélé à celui de l’énergie en raison de la mécanisation des coûts de transport et de l’emploi d’engrais chimiques. En 2008, la crise alimentaire a coïncidé avec le pic du prix du pétrole. Le coût de l’énergie étant appelé à augmenter sous l’effet combiné de la raréfaction des énergies fossiles et des investissements nécessaires à la transition énergétiques, on peut en déduire que le coût de l’alimentation, en raison également de la diversification des coûts et besoins mondiaux, devrait suivre. Une autre composante doit être prise en compte, celle de la numérisation. L’agriculture est en voie de numérisation rapide : le traitement de données pour optimiser les rendements devrait accentuer le fossé entre les pays disposant d’une ingénierie et ceux ne possédant que de terres et de bras. Néanmoins, force est de constater qu’aucun État au monde ne dispose aujourd’hui sur son territoire des quantités de produits agricoles, de métaux rares, de ressources énergétiques lui permettant de couvrir l’intégralité de ses besoins. Ce qui signifie qu’à moins de choix radicaux, aucun pays ne peut se soustraire à une mondialisation déjà bien compartimentée. La question de la mondialisation, vient s’ajouter au chaos de la sécurité alimentaire. Elle se traduit par une accentuation vertigineuse des inégalités entre les pays et au sein des pays. 1% des plus riches de la planète possèdent 43% de la richesse mondiale, alors que les 50% les plus pauvres n’en détiennent que 1%. Cette injustice globale s’observe en Afrique et en Asie du Sud où les individus vivent avec moins de 1, 80 dollar par jour. Ces inégalités à la fois globales et nationales sont souvent sources d’instabilité sociale et politique d’autant qu’elles risquent de se traduire par une intensification des flux migratoires dans les années a venir.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
Si l'UE n'améliore pas son efficacité aux yeux des citoyens européens, l'accélération de la mondialisation risque de rimer avec sa provincialisation progressive, voire sa désunion progressive. L'UE repose sur une superposition d'espace ( zone euro, espace Schengen…) qui apparaissent, à l'échelle mondiale, comme des zones de prospérité déphasées par rapport aux logiques de puissance actuellement à l'œuvre. Or, l'UE demeure un prototype politique fragile, fondé sur des abandons de souveraineté, un principe d'intégration régionale. L'enjeu pour elle est de parvenir à peser sur la mondialisation, à retrouver une vitalité économique pour demeurer compétitive et à acquérir une crédibilité géopolitique pour se défendre.
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