mercredi 30 septembre 2020

 GÉOPOLITIQUE/ ARMÉNIEAZERBAÏDJAN/TURQUIE : UN  CONFLIT ORCHESTRÉ  PAR PROCURATION 

L’Azerbaïdjan lance une offensive militaire pour reconquérir un territoire qu’il revendique comme sien, prenant le risque de sanctions éventuelles pour avoir repris les armes et sans être certain d’obtenir la victoire.  L’Arménie accepte le retour du Haut-Karabakh sous souveraineté Azérie ; scénario hautement improbable, sauf transformation générale des relations entre Turquie, Russie, Etats-Unis, Caucase du Nord, Caucase du Sud

 


Bien que majoritairement peuplé d’Arméniens, le Haut-Karabakh a été rattaché à l’Azerbaïdjan musulman en 1921 par Staline qui voulait envoyer un signal à la Turquie, proche des Azéris. En 1923, le territoire fut érigé en région autonome. Avant même la dissolution de l’Union-Soviétique en 1991, des manifestations avaient eu lieu à Erevan pour demander le rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie. En juillet 1988, les députés arméniens du Haut-Karabakh proclament leur volonté d’être rattachés à l’Arménie. Après les indépendances de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie en 1991, le Haut-Karabakh revendique une nouvelle fois son indépendance. L’Azerbaïdjan déclenche alors des opérations militaires contre le territoire sécessionniste en 1992 et met en place un blocus. Des massacres sont commis, tant du coté Azéri qu’Arménien. Les forces armées Arméniennes prennent le contrôle de la région en 1994. Depuis 1992, des négociations sur le règlement du conflit se poursuivent sans succès dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), coprésidée par la Russie, les Etats-Unis et la France. L’Azerbaïdjan veut rétablir son intégrité territoriale ; l’Arménie met en avant le principe de l’autodétermination. Une fois de plus, ces principes, tous deux légitimes, sont inconciliables. Les organisations internationales défendent le principe de l’intégrité territoriale, mais ne parviennent pas à imposer une solution définitive. Le projet d’oléoduc BTC- Bakou-Tbilissi-Ceyhan, permettrait au pétrole Azéri d’être acheminé directement en Méditerranée en contournant la Russie. Mais le projet, auquel Moscou s’oppose fortement, ne se concrétise jamais.

TURQUIE/ ARMÉNIE: GUERRE LOCALE OU ENJEU GLOBAL 

 

En 1914, le peuple arménien était dispersé entre trois empires : la Perse, l’Empire Ottoman et la Russie. Certains étaient intégrés dans l’armée Ottomane, d’autres dans l’armée Russe avec pour objectif de libérer l’Arménie Turque. Ils créent un Etat à Van. Pour mettre fin à ce scissionnisme, l’armée Turque est chargée, en 1915, de déporter massivement les Arméniens, accusés d’intelligence avec l’ennemi, vers le désert Syrien. Au cours de cette déportation massive, des centaines de milliers d’Arméniens meurent, 300 000 selon la Turquie, 1500 000  selon les Arméniens.  C’est considéré, en général en Occident, mais nié par la Turquie, comme le premier génocide du XX siècle. Les Arméniens chrétiens forment l’une des quinze Républiques de l’Union-Soviétique, lors de la création de cette dernière. La Turquie est admise dans l’OTAN en 1952, et occupe dés lors au cours de la Guerre froide une place stratégique dans la défense Occidentale contre l’URSS. L’Arménie devient un Etat indépendant à l’éclatement de l’URSS en 1991. La Turquie fermera sa frontière avec l’Arménie en 1993 afin de soutenir l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh. Ce conflit se superpose aux différends historiques entre Turcs et Arméniens. Le génocide est reconnu par le Parlement Français, par le Canada, par le Parlement Européen et quelques autres pays Occidentaux. La question de la reconnaissance du génocide est un point important dans le processus de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le 6 septembre 2008, les présidents Turc et Arménien se rencontrent à Erevan à l’occasion d’un match de foot dans le cadre des qualifications pour le mondial 2010. C’est une visite de deux Etats qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques. La Turquie a jusqu’ici refusé de reconnaître le génocide Arménien, quand bien même le régime actuel peut ne pas être considéré comme l’héritier de l’empire Ottoman. Mais la question Arménienne qui a été longtemps taboue en Turquie ne l’est plus tout à fait. De nombreux intellectuels Turcs ont ouvert le débat sur le génocide Arménien et la Turquie a proposé la constitution à ce sujet d’une commission internationale d’historiens. Le rapprochement Turco-arménien se poursuit en coulisse, encouragé par les Etats-Unis, et un débat national s’ouvre en Turquie sur la question du génocide de 1915. Loin d’affaiblir la Turquie, cela facilite les tractations diplomatique avec l’Union-Européenne.

HEGEMONISATION  OU GUERRE PAR PROCURATION

Aux yeux des Arméniens, cette répression féroce, puis l’extermination furent presque une surprise. Minorité chrétienne officiellement sous la protection du Sultan, ils virent la révolution de 1908 comme un espoir de changement.  Car déjà, entre 1894 et 1896, le régime avait ordonné des massacres à Constantinople et en Anatolie. Toutefois, la Turquie s’interdit de reconnaître et de condamner le génocide. Ce serait, en quelque sorte, avouer que la Turquie moderne est née sur un crime. Si le génocide Arménien a mis  du temps à être reconnu, de plus en plus de pays le font. Le premier fut l’Uruguay, dés 1965, tandis que la France fit de même en 2001. En 2015, outre l’intervention du papa François, on notera que le Parlement de Syrie a reconnu le génocide Arménien, mesure volontiers destinée à déranger la Turquie, opposée au régime criminel de Bachar al-Assad. En somme, les massacres de masse existent encore. Il suffit de regarder la Syrie, l’Irak, le Yémen, la Tchétchénie, la Libye, le Nigéria, sans oublier les exactions de l’EI et les conséquences à long terme au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et de l’Est et de l’Ouest.

Cent ans après le génocide Arménien, au autre, ici ou ailleurs, est possible. Le dialogue et le travail de mémoire commune sont dés lors plus que jamais nécessaires, ceci reste valable pour la France et l’Algérie, la Tchétchénie et la Russie, les Etats-Unis et le Japon ou encore le Viêtnam, et autres. Admettre que la construction historique de la Turquie depuis 1923 est un mensonge, ceci ouvre la voie aux lobbyistes et des Etats qui ne fonctionnent qu’avec le paradigme des guerres par procuration.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA


Repères historiques

Le Califat qui est le symbole de la réunion et de l’union de toute la communauté, c’est le symbole de la force des musulmans.  En 1925, le Califat est déclaré aboli par Mustafa Kamel  connu sous le nom d’Atatürk, c’est-à-dire le père des Turcs, qui est un Juif d’origine et qui s’est déguisé en musulman converti. L’Oumma se trouve alors dans une situation illégale, car le Califat est une obligation, et la réunion des musulmans, l’union autour de ce Calife est une obligation.  Ayant aboli le Sultanat et l’Empire Ottoman, il fut l’initiateur du Traité de Lausanne de 1923 qui garantissait l’intégrité de la Turquie en incluant l’Anatolie et la Thrace Orientale. Atatürk a décidé de faire sortir son pays des vieilles ornières Ottomanes sous l’impulsion de la France et le Royaume-Unis pour se tourner vers l’Occident. De ses réformes politiques, on peut noter : l’abolition de la polygamie, la séparation de l’Islam et de l’Etat en 1928, le droit de vote accordé aux femmes dés 1934, l’instauration de l’alphabet à la place de l’arabe, l’interdiction du hidjab, les appelles aux prières dans les mosquées, la traduction du Coran et la fin du Sultan et du Calife. Père de la Turquie moderne, dont la judéité reste une légitimité historique, il demeure le personnage le plus honni en Islam.

 

 

 

 

 

1 commentaire:

  1. Pour les analystes , je reviendrait sur cette analyse lors des évolutions du conflit. Mohammed chérif Bouhouya/ Fondateur directeur général. Très cordialement

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