mercredi 15 avril 2020

GÉOPOLITIQUE ALIMENTAIRE/ COMMENT NOURRIR LE MONDE FACE AUX ENJEUX ALIMENTAIRES ET CLIMATIQUES


L’humanité dépassera dix milliards d’être-humains en 2050, dont 2,5 milliards en Afrique.  A cette croissance démographique s’ajoute le changement climatique et une population de plus en plus urbaine. L’agriculture est redevenue un enjeu géostratégique et géoéconomique de premier plan. La perspective de nourrir 10 milliards d’habitants en 2050 est porteuse à la fois de conflits commerciaux et de convoitises pour la maîtrise des terres cultivables. Les défis de l’agriculture constituent désormais l’un des vecteurs de la puissance d’une nation.

Le défi alimentaire à l'horizon 2050



Trois dimensions fondamentales sont à l’origine de la réhabilitation de l’agriculture et de ses productions. D’abord les épisodes successifs de flambée des prix, ensuite les émeutes de la faim qui se sont déroulées en Afrique, et enfin, le basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers les économies émergentes, qui a bouleversé la hiérarchie des nations productrices, exportatrices et importatrices de produits agricoles et alimentaires. Resituées dans la problématique désormais bien connue de « comment nourrir le monde en 2050 ? », les ressources agricoles, y compris le foncier, sont désormais perçues comme stratégique, mais dans le même temps fort convoitées. Dans le processus actuel de mondialisation des économies, les matières premières agricoles apparaissent porteuses de rivalités commerciales, d’enjeux et de conquêtes de marchés ainsi que des outils de production. Elles forment l’une des illustrations concrètes de la guerre économiques qui se déroule dans la mondialisation depuis les années 1990.  L’état présent des relations économiques internationales se caractérise de surcroît par une série de carences dans la gouvernance de la mondialisation, en particulier sur le plan commercial, entravant la formation d’une régulation mondiale de la question agricole. La vision d’un commerce mondial annonciateur d’une production de richesses plus efficiente, d’une élévation des niveaux de vie et de paix entre les Nations, s’est heurtée à la dure réalité des rapports de force. L’économie internationale est devenue un espace de rivalités commerciales avec  des degrés de conflictualité criantes. Le message selon lequel un accord multilatéral favoriserait la paix entre les nations, la croissance et l’emploi, devient de moins en moins audible. L’exemple des matières premières agricoles en constitue l’une des dimensions les plus saillantes. Ce qui distingue aujourd’hui le capitalisme mondial n’a trait au fait que la montée en puissance de pays émergent s’est accompagnée de pulsions rivales. Non seulement pour capter des parts de marché, mais aussi pour contrôler l’accès aux matières premières et sécuriser ainsi l’approvisionnement en produits agricoles et alimentaires. En se sens, deux vagues de conflits commerciaux se sont succédées en un demi-siècle.

LE GÉANT CHINOIS FACE A LA 

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

En Chine, une Journée de la Terre sur fond de pollution massive

La Chine représente 22% de la population mondiale et ne détient qu’à peine 9% des terres cultivables, et souvent exposée à des contraintes hydriques fortes.  Le déficit commercial agroalimentaire de la Chine s’est considérablement alourdit depuis le début des années deux mille, atteignant en 2019 prés de 300 millions de dollars. En se sens, trois options s’offrent à la Chine. Le soja, la viande bovine, les produits laitiers, le maiis, constituent les produits les plus convoités. Trois options s’offrent à la Chine. La première est d’importer massivement les produits qu’elle ne peut produire, elle absorbe désormais prés de 64%  des flux commerciaux soja et achète depuis quatre ans toujours de maiis et viande bovine. Outre que cette demande d’importations pèse sur la formation des prix sur les marchés des matières premières agricoles, avec le risque d’évincer les autres importateurs qui, comme l’Egypte pour le soja, ne disposent pas de ressources financières, il s’agit pour Pékin de sécuriser ses approvisionnements en signant des contrats avec les principaux pays producteurs. La sécurisation de tels approvisionnements par la voie commerciale se traduit par des accords, des partenaires avec notamment des producteurs Brésiliens ou Argentins. La seconde option consiste à investir dans le foncier agricole dans les pays étrangers.  La Chine est en effet le quatrième investisseur mondial dans les terres agricoles, derrière la Malaisie, les Etats-Unis et le Royaume-Unis, mais devant l’Arabie Saoudite et Singapour. Toutefois, le processus d’accaparement des terres engagé par la Chine n’est pas toujours destiné à des produits alimentaires. Il peut correspondre à des ambitions certes agricoles, mais davantage tournées vers des productions dont elle tire des énergies de substitution. Cette politique d’investissement dans le foncier agricole peut se heurter à des limites fixées par les pays d’accueil. L’accaparement  des terres, soit par la location sur longue période (baux emphytéotiques), soit par l’achat direct d’hectares de terres cultivables, a récemment fait réagir certains gouvernements, afin de préserver l’outil de production agricole et, in fine, la souveraineté alimentaire locale. En clair, la Chine soutient les dictateurs en place par la corruption et incitent ses derniers à l’expropriation forcée, souvent par des crimes, des emprisonnements ou des disparitions physiques des propriétaires.  C’est pourquoi Pékin investit de plus en plus dans les entreprises agroalimentaires, et en particulier dans le lait en achetant les usines de produits laitiers en Nouvelle-Zélande ou en France. La troisième options pourrait consister à redéployer la politique agricole chinoise, afin de repositionner les productions locales sur un objectif d’auto-approvisionnement. Outre les moyens financiers qu’un tel objectif requiert, il est clair qu’il se heurte aux profondes divisions internes à l’appareil du Parti, partageant ainsi les tenants d’une poursuite de l’industrialisation et de l’ouverture commerciale, à ceux qui entendent ralentir la progression de la dépendance alimentaire, ne serait-ce que pour contenir les risques de conflits avec les paysans.  

GEOECONOMIE DES ECHANGES DANS LA MONDIALISATION

Rationalité économique et mondialisation – Académie des Sciences ...
Au regard des besoins alimentaires mondiaux, qui devraient selon la plupart des projections augmenter à l’horizon 2050, le degré de conflictualité s’est élevé entre les zones de production et d’exportation depuis les années deux mille. Les rivalités commerciales entre les Etats-Unis et l’Union européenne sur la question agricole n’ont en effet pas cessé avec les accords de Marrakech. Elles se sont amplifiées avec l’arrivée sur les marchés de nouveaux concurrents, à commencer par le Brésil. Les investissements réalisés, les stratégies déployées par le Brésil: politique de recherche, de financement de l’agriculture, taux de change du réal-et par les firmes désormais de taille internationale (viande bovine et de volaille, jus de fruits, soja, maïs, sucre…) depuis plus de quinze années, ont propulsé le Brésil au troisième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles, derrière les Etats-Unis et l’Union-européenne, et également devant la France depuis 2012. Une sorte de basculement du centre de gravité de l’économie internationale agricole s’est ainsi opérée en faveur du Brésil, lequel ne dissimule plus ses ambitions de nourrir le monde. De plus, les firmes  multinationales brésiliennes, celles produisant de la viande bovine et porcine, à l’instar de JBS, se sont implantées dans plusieurs régions du monde afin de se situer au plus prés de la demande et pour absorber certains de leurs concurrents. L’Inde forme un second pays se positionnant comme un grand acteur sur l’échiquier agricole mondial. Elle détient de puissants avantages comparatifs dans le domaine céréalier, et également dans la viande bovine ( viande de buffle) secteur dans lequel elle est devenue le premier exportateur mondial, supplantant au passage le Brésil, et déclassant l’Argentine, l’Australie, les Etats-Unis et l’Union européenne.  La recomposition du jeu d’acteurs sur l’échiquier alimentaire mondial a entraîné deux types de conséquences. Le premier est que les puissances émergentes productrices et exportatrices de biens agricoles contestent désormais la suprématie américaine et européenne sur les marchés. Le second est qu’elles sont en mesure de bloquer durablement les négociations multilatérales à l’OMC, le cycle de Doha enclenché en 2011 n’ayant pas abouti au moindre accord. Ces deux aspects illustrent clairement que l’agriculture et l’alimentation sont devenue des vecteurs de la puissance économique d’une nation. Ils redonnent  également une légitimité à la vision des fondements de la puissance d’un Etat. S’est pourquoi des économies comme le Brésil ou l’Inde, bousculent la hiérarchie des nations.

L’AFRIQUE ENTRE DEUX DÉFIS : UNE AGRICULTURE 

DELAISSEE ET LE TERREAU DE L’INSECURITE

Sécurité alimentaire : le défi majeur d'aujourd'hui et de demain ...

Depuis prés de vingt-cinq ans, le nombre d’Africains, qui souffrent de la faim a fortement augmenté. Dans ce continent immense, plusieurs défis guettent les populations,   par la sécurité alimentaire, la pauvreté, l’emploi, la corruption, la dictature et l’ingérence des puissances. La pauvreté est un facteur majeur d’insécurité alimentaire. Or, en Afrique, la grande majorité des personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté, sont des ruraux qui tirent la plus grande partie de leurs revenus de l’agriculture. Ce sont les premières victimes de la famine. L’Afrique subsaharienne est la région ou la productivité du travail agricole, mesurée par la production de calories alimentaires végétales par actif agricole, est le plus faible au monde. Vingt-trois inférieure, en moyenne, à celle de l’Europe. Autre point crucial, la disponibilité de terre par actif agricole, pourrait encore diminuer dans les prochaines décennies. La demande alimentaire devrait exploser ; au doublement prévu de la population s’ajoutent la hausse des revenus et l’urbanisation, qui favorisent la consommation de produits plus élaborée, en premier lieu les produites animaux. L e secteur privé a un rôle crucial à jouer. Il est le moteur de l’innovation dans la production agricole, de la semence à la récolte, et dans la réduction des pertes au sein des filières (Algérie et le Maroc). Mais le marché ne peut s’épanouir que dans une société pacifiée, avec un cadre réglementaire et institutionnel stable et une bonne gouvernance des Etats. En ce qui concerne l’agriculture et la sécurité alimentaire, un renforcement des politiques publiques s’impose dans différents domaines. D’abord, l’intensification durable de la production agricole, afin d’améliorer la productivité tout en adoptant au changement climatique en jouent sur différents leviers : recherche, appui-conseil aux agriculteurs, gestion des risques climatiques, extension de l’irrigation, soutien à des dispositifs d’assurances climatique favorisant l’octroi de crédits et surtout la stabilisation des prix. Ensuite, la facilitation du commerce interrégional, pour connecter rapidement zones déficitaires et zones excédentaires. Enfin, la sécurisation des droits fonciers des petits agriculteurs face aux appétits de l’agrobusiness domestique et étranger, même si se pose la question de l’évolution des droits fonciers coutumiers pour répondre aux besoins d’investissements des exploitations agricoles.  Il faut également compléter ces orientations par des politiques de développement rural, promouvant la création d’emploi décents tout au long des filières agroalimentaires. Investir dans les compagnes, la tache reste difficile. Non seulement parce qu’il requiert des moyens financiers accrus, mais aussi parce que, pour des raisons qui lui sont propres, faiblisse des Etats, pressions démographiques ou qui tiennent au contexte international de libération des échanges, a savoir accords de partenariat économique avec l’Europe, donc, il n’est pas aisé pour l’Afrique de suivre les voies empruntées par les pays développés afin de réduire les inégalités de revenus agricoles et non agricoles.  Le continent Africain devra trouver sa propre voie, sans oublier, comme le montre l’expérience réussie de certains pays d’Asie, que jouer la carte de l’agriculture et des filières agroalimentaires est la clé d’une croissance plus forte et plus inclusive.

Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en ...
Par-delà la production d’aliments en quantité suffisante, la nécessité de fournir une alimentation d’une qualité nutritionnelle adéquate s’impose. Or en dépit de certains progrès, d’une insécurité alimentaire massive qui se traduit par des problèmes multiples et dévastateurs pour le développement et la santé publique, sous alimentation, malnutrition notamment maternelle et infantile, carence en vitamines et minéraux etc.. De surcroît, la situation alimentaire mondiale est aussi le fait de changements rapides des régimes alimentaires, notamment dans les milieux urbains des pays défavorisés. Ces changement modifient la demande alimentaire et font peser de nouvelles contraintes sur les ressources de la planète. On estime qu’environ 900 millions de personnes sont sous-alimentées, dont 600 millions en Asie.  

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA








2 commentaires:

  1. La démonstration livrée par Lénine en 1916, dans son ouvrage "impérialisme, stade suprême du capitalisme". Dans cet ouvrage, il indiquait que le déploiement de l'économie mondiale portait en lui des rivalités en quantités de plus en plus limitées. On comprend mieux dés lors les raisons pour lesquelles la souveraineté alimentaire a fait depuis quelques années son grand retour et l'idée projetée par Lénine, semble ne plus pouvoir résister à l'état réel de la mondialisation.

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  2. La question qui m'a été posé sur la pandémie et le risque d'une famine mondiale? Je pense sincèrement que plus de 100 pays seront touchés par la famine qui décimera au moins plus de 300 millions de personnes dont 100 millions d'enfants. Je pense également, qu'ont va allez vers des crises sanitaires, financières, des soulèvements et même des conflits concernant les pays les plus vulnérables ( Afrique, l'Asie, et le moyen-Orient.) Allons-nous vers un nouvel ordre mondial dirigé par le BRICS et le déclin des Etats-Unis et l'éclatement de l'Union Européenne? A mon avis, ont se dirige directement vers nouveau monde sombre et impitoyable.

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