L’humanité
dépassera dix milliards d’être-humains en 2050, dont 2,5 milliards en
Afrique. A cette croissance
démographique s’ajoute le changement climatique et une population de plus en
plus urbaine. L’agriculture est redevenue un enjeu géostratégique et géoéconomique de premier
plan. La perspective de nourrir 10 milliards d’habitants en 2050 est porteuse à
la fois de conflits commerciaux et de convoitises pour la maîtrise des terres
cultivables. Les défis de l’agriculture constituent désormais l’un des vecteurs
de la puissance d’une nation.
Trois
dimensions fondamentales sont à l’origine de la réhabilitation de l’agriculture
et de ses productions. D’abord les épisodes successifs de flambée des prix,
ensuite les émeutes de la faim qui se sont déroulées en Afrique, et enfin, le
basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers les économies
émergentes, qui a bouleversé la hiérarchie des nations productrices,
exportatrices et importatrices de produits agricoles et alimentaires. Resituées
dans la problématique désormais bien connue de « comment nourrir le monde
en 2050 ? », les ressources agricoles, y compris le foncier, sont
désormais perçues comme stratégique, mais dans le même temps fort convoitées.
Dans le processus actuel de mondialisation des économies, les matières
premières agricoles apparaissent porteuses de rivalités commerciales, d’enjeux
et de conquêtes de marchés ainsi que des outils de production. Elles forment
l’une des illustrations concrètes de la guerre économiques qui se déroule dans
la mondialisation depuis les années 1990.
L’état présent des relations économiques internationales se caractérise
de surcroît par une série de carences dans la gouvernance de la mondialisation,
en particulier sur le plan commercial, entravant la formation d’une régulation
mondiale de la question agricole. La vision d’un commerce mondial annonciateur
d’une production de richesses plus efficiente, d’une élévation des niveaux de
vie et de paix entre les Nations, s’est heurtée à la dure réalité des rapports
de force. L’économie internationale est devenue un espace de rivalités
commerciales avec des degrés de
conflictualité criantes. Le message selon lequel un accord multilatéral
favoriserait la paix entre les nations, la croissance et l’emploi, devient de
moins en moins audible. L’exemple des matières premières agricoles en constitue
l’une des dimensions les plus saillantes. Ce qui distingue aujourd’hui le
capitalisme mondial n’a trait au fait que la montée en puissance de pays
émergent s’est accompagnée de pulsions rivales. Non seulement pour capter des
parts de marché, mais aussi pour contrôler l’accès aux matières premières et
sécuriser ainsi l’approvisionnement en produits agricoles et alimentaires. En
se sens, deux vagues de conflits commerciaux se sont succédées en un demi-siècle.
LE GÉANT CHINOIS FACE A LA
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
La Chine
représente 22% de la population mondiale et ne détient qu’à peine 9% des terres
cultivables, et souvent exposée à des contraintes hydriques fortes. Le déficit commercial agroalimentaire de la
Chine s’est considérablement alourdit depuis le début des années deux mille,
atteignant en 2019 prés de 300 millions de dollars. En se sens, trois options s’offrent
à la Chine. Le soja, la viande bovine, les produits laitiers, le maiis,
constituent les produits les plus convoités. Trois options s’offrent à la
Chine. La première est d’importer massivement les produits qu’elle ne peut
produire, elle absorbe désormais prés de 64%
des flux commerciaux soja et achète depuis quatre ans toujours de maiis
et viande bovine. Outre que cette demande d’importations pèse sur la formation
des prix sur les marchés des matières premières agricoles, avec le risque d’évincer
les autres importateurs qui, comme l’Egypte pour le soja, ne disposent pas de
ressources financières, il s’agit pour Pékin de sécuriser ses
approvisionnements en signant des contrats avec les principaux pays
producteurs. La sécurisation de tels approvisionnements par la voie commerciale
se traduit par des accords, des partenaires avec notamment des producteurs
Brésiliens ou Argentins. La seconde option consiste à investir dans le foncier
agricole dans les pays étrangers. La
Chine est en effet le quatrième investisseur mondial dans les terres agricoles,
derrière la Malaisie, les Etats-Unis et le Royaume-Unis, mais devant l’Arabie
Saoudite et Singapour. Toutefois, le processus d’accaparement des terres engagé
par la Chine n’est pas toujours destiné à des produits alimentaires. Il peut
correspondre à des ambitions certes agricoles, mais davantage tournées vers des
productions dont elle tire des énergies de substitution. Cette politique d’investissement
dans le foncier agricole peut se heurter à des limites fixées par les pays d’accueil.
L’accaparement des terres, soit par la
location sur longue période (baux emphytéotiques), soit par l’achat direct d’hectares
de terres cultivables, a récemment fait réagir certains gouvernements, afin de préserver
l’outil de production agricole et, in fine, la souveraineté alimentaire locale.
En clair, la Chine soutient les dictateurs en place par la corruption et
incitent ses derniers à l’expropriation forcée, souvent par des crimes, des
emprisonnements ou des disparitions physiques des propriétaires. C’est pourquoi Pékin investit de plus en plus
dans les entreprises agroalimentaires, et en particulier dans le lait en achetant
les usines de produits laitiers en Nouvelle-Zélande ou en France. La troisième
options pourrait consister à redéployer la politique agricole chinoise, afin de
repositionner les productions locales sur un objectif d’auto-approvisionnement.
Outre les moyens financiers qu’un tel objectif requiert, il est clair qu’il se
heurte aux profondes divisions internes à l’appareil du Parti, partageant ainsi
les tenants d’une poursuite de l’industrialisation et de l’ouverture
commerciale, à ceux qui entendent ralentir la progression de la dépendance
alimentaire, ne serait-ce que pour contenir les risques de conflits avec les paysans.
GEOECONOMIE
DES ECHANGES DANS LA MONDIALISATION
Au regard
des besoins alimentaires mondiaux, qui devraient selon la plupart des
projections augmenter à l’horizon 2050, le degré de conflictualité s’est élevé
entre les zones de production et d’exportation depuis les années deux mille.
Les rivalités commerciales entre les Etats-Unis et l’Union européenne sur la
question agricole n’ont en effet pas cessé avec les accords de Marrakech. Elles
se sont amplifiées avec l’arrivée sur les marchés de nouveaux concurrents, à
commencer par le Brésil. Les investissements réalisés, les stratégies déployées
par le Brésil: politique de recherche, de financement de l’agriculture, taux de
change du réal-et par les firmes désormais de taille internationale (viande bovine
et de volaille, jus de fruits, soja, maïs, sucre…) depuis plus de quinze
années, ont propulsé le Brésil au troisième rang des exportateurs mondiaux de
produits agricoles, derrière les Etats-Unis et l’Union-européenne, et également
devant la France depuis 2012. Une sorte de basculement du centre de gravité de
l’économie internationale agricole s’est ainsi opérée en faveur du Brésil,
lequel ne dissimule plus ses ambitions de nourrir le monde. De plus, les
firmes multinationales brésiliennes,
celles produisant de la viande bovine et porcine, à l’instar de JBS, se sont
implantées dans plusieurs régions du monde afin de se situer au plus prés de la
demande et pour absorber certains de leurs concurrents. L’Inde forme un second
pays se positionnant comme un grand acteur sur l’échiquier agricole mondial.
Elle détient de puissants avantages comparatifs dans le domaine céréalier, et
également dans la viande bovine ( viande de buffle) secteur dans lequel elle
est devenue le premier exportateur mondial, supplantant au passage le Brésil,
et déclassant l’Argentine, l’Australie, les Etats-Unis et l’Union
européenne. La recomposition du jeu
d’acteurs sur l’échiquier alimentaire mondial a entraîné deux types de
conséquences. Le premier est que les puissances émergentes productrices et
exportatrices de biens agricoles contestent désormais la suprématie américaine
et européenne sur les marchés. Le second est qu’elles sont en mesure de bloquer
durablement les négociations multilatérales à l’OMC, le cycle de Doha enclenché
en 2011 n’ayant pas abouti au moindre accord. Ces deux aspects illustrent
clairement que l’agriculture et l’alimentation sont devenue des vecteurs de la
puissance économique d’une nation. Ils redonnent également une légitimité à la vision des
fondements de la puissance d’un Etat. S’est pourquoi des économies comme le
Brésil ou l’Inde, bousculent la hiérarchie des nations.
L’AFRIQUE
ENTRE DEUX DÉFIS : UNE AGRICULTURE
DELAISSEE ET LE TERREAU DE L’INSECURITE
Depuis
prés de vingt-cinq ans, le nombre d’Africains, qui souffrent de la faim a
fortement augmenté. Dans ce continent immense, plusieurs défis guettent les
populations, par la sécurité alimentaire, la pauvreté, l’emploi, la corruption, la
dictature et l’ingérence des puissances. La pauvreté est un facteur majeur d’insécurité
alimentaire. Or, en Afrique, la grande majorité des personnes qui vivent dans l’extrême
pauvreté, sont des ruraux qui tirent la plus grande partie de leurs revenus de
l’agriculture. Ce sont les premières victimes de la famine. L’Afrique subsaharienne
est la région ou la productivité du travail agricole, mesurée par la production
de calories alimentaires végétales par actif agricole, est le plus faible au
monde. Vingt-trois inférieure, en moyenne, à celle de l’Europe. Autre point crucial,
la disponibilité de terre par actif agricole, pourrait encore diminuer dans les
prochaines décennies. La demande alimentaire devrait exploser ; au
doublement prévu de la population s’ajoutent la hausse des revenus et l’urbanisation,
qui favorisent la consommation de produits plus élaborée, en premier lieu les
produites animaux. L e secteur privé a un rôle crucial à jouer. Il est le
moteur de l’innovation dans la production agricole, de la semence à la récolte,
et dans la réduction des pertes au sein des filières (Algérie et le Maroc). Mais
le marché ne peut s’épanouir que dans une société pacifiée, avec un cadre
réglementaire et institutionnel stable et une bonne gouvernance des Etats. En
ce qui concerne l’agriculture et la sécurité alimentaire, un renforcement des
politiques publiques s’impose dans différents domaines. D’abord, l’intensification
durable de la production agricole, afin d’améliorer la productivité tout en
adoptant au changement climatique en jouent sur différents leviers :
recherche, appui-conseil aux agriculteurs, gestion des risques climatiques,
extension de l’irrigation, soutien à des dispositifs d’assurances climatique
favorisant l’octroi de crédits et surtout la stabilisation des prix. Ensuite,
la facilitation du commerce interrégional, pour connecter rapidement zones
déficitaires et zones excédentaires. Enfin, la sécurisation des droits fonciers
des petits agriculteurs face aux appétits de l’agrobusiness domestique et
étranger, même si se pose la question de l’évolution des droits fonciers coutumiers
pour répondre aux besoins d’investissements des exploitations agricoles. Il faut également compléter ces orientations
par des politiques de développement rural, promouvant la création d’emploi
décents tout au long des filières agroalimentaires. Investir dans les compagnes,
la tache reste difficile. Non seulement parce qu’il requiert des moyens
financiers accrus, mais aussi parce que, pour des raisons qui lui sont propres,
faiblisse des Etats, pressions démographiques ou qui tiennent au contexte
international de libération des échanges, a savoir accords de partenariat
économique avec l’Europe, donc, il n’est pas aisé pour l’Afrique de suivre les
voies empruntées par les pays développés afin de réduire les inégalités de
revenus agricoles et non agricoles. Le continent
Africain devra trouver sa propre voie, sans oublier, comme le montre l’expérience
réussie de certains pays d’Asie, que jouer la carte de l’agriculture et des filières
agroalimentaires est la clé d’une croissance plus forte et plus inclusive.
Par-delà
la production d’aliments en quantité suffisante, la nécessité de fournir une
alimentation d’une qualité nutritionnelle adéquate s’impose. Or en dépit de
certains progrès, d’une insécurité alimentaire massive qui se traduit par des problèmes
multiples et dévastateurs pour le développement et la santé publique, sous
alimentation, malnutrition notamment maternelle et infantile, carence en
vitamines et minéraux etc.. De surcroît, la situation alimentaire mondiale est
aussi le fait de changements rapides des régimes alimentaires, notamment dans
les milieux urbains des pays défavorisés. Ces changement modifient la demande
alimentaire et font peser de nouvelles contraintes sur les ressources de la planète.
On estime qu’environ 900 millions de personnes sont sous-alimentées, dont 600 millions
en Asie.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
La démonstration livrée par Lénine en 1916, dans son ouvrage "impérialisme, stade suprême du capitalisme". Dans cet ouvrage, il indiquait que le déploiement de l'économie mondiale portait en lui des rivalités en quantités de plus en plus limitées. On comprend mieux dés lors les raisons pour lesquelles la souveraineté alimentaire a fait depuis quelques années son grand retour et l'idée projetée par Lénine, semble ne plus pouvoir résister à l'état réel de la mondialisation.
RépondreSupprimerLa question qui m'a été posé sur la pandémie et le risque d'une famine mondiale? Je pense sincèrement que plus de 100 pays seront touchés par la famine qui décimera au moins plus de 300 millions de personnes dont 100 millions d'enfants. Je pense également, qu'ont va allez vers des crises sanitaires, financières, des soulèvements et même des conflits concernant les pays les plus vulnérables ( Afrique, l'Asie, et le moyen-Orient.) Allons-nous vers un nouvel ordre mondial dirigé par le BRICS et le déclin des Etats-Unis et l'éclatement de l'Union Européenne? A mon avis, ont se dirige directement vers nouveau monde sombre et impitoyable.
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