dimanche 12 mars 2023

 GÉOPOLITIQUE / LA GESTATION DE L’ÉVOLUTION DES RELATIONS INTERNATIONALES

Nous sommes dans un monde à la fois unipolaire, de part la puissance américaine dans certain nombre de domaines; bipolaire comme l’illustre la compétition Chine/ USA; mais qui est aussi multipolaire, même apolaire. Néanmoins, on peut se demander aujourd’hui s’il existe des pôles structurants comme dans le passé.


La question de la multipolarité s’est posée au lendemain de la guerre froide, dés 1990. Certains pensaient que nous allions entrer dans un monde multipolaire, mais on se rend compte que le monde est plutôt unipolaire. Mais la situation change dans l’année 2008, nous passons d’un président George. W.Bush unilatéraliste, qui voyait le monde de façon unipolaire, à un Barack Obama multilatéraliste. Puis arrive un Donald Trump unilatéraliste dans un monde qui le considère comme multipolaire. Fondamentalement, ce qui semble constituer la principale nouveauté, c’est le brouillage de la diplomatie lié au dynamisme diplomatique des puissances moyennes. C’est notamment le cas dans le Moyen-Orient dit post-américain, avec l’influence de la Turquie, de l’Iran, d’Israél, des Émiratis, du Qatar ou des Saoudiens, qui se projette du surcroît en Asie, en Afrique, et en Europe. C’est aussi le mème scénario dans l’indopacifique, avec les multiples partenariats créés par l’Inde, l’Australie, le Japon, la Corée du Sud ou l’Indonésie. On assiste aussi à un concept nouveau prisé par le Kazakhstan appelé la diplomatie multivectorielle. Dépêchée notamment par l’Inde et la Turquie, elle consiste à renforcer les liens en fonction des intérêts; même dans des relations cruciales comme celles de la première avec la Chine ou de la seconde avec la Russie. Les États africains jouent sur cette gamme diversifiée de partenaires. Cela ne signifie pas pour autant la fin des alliances, mais les pays occidentaux sont désormais contraints de se montrer plus agiles dans leurs relations avec certains pays partenaires ( une diplomatie sournoise.) Par-ailleurs, la Chine et les États-Unis sont d’ores et déjà pris dans l’engrenage d’un affrontement de guerres économique, commerciale et technologique et peut être un affrontement armé. Cette théorie est le fruit de plusieurs idées anciennes. La plus répondue est celle de la transition hégémonique, selon laquelle les États-Unis seraient en déclin face à l’arrivée d’un nouveau compétiteur. De surcroît, depuis le début des années 1990, on a comparé la Chine à l’Allemagne de 1914, qui bouleverse les équilibres de forces. Côté chinois, Pékin explique que la transition hégémonique entre les Britanniques et les Américains s’est déroulée sans guerre entre les deux puissances. La Chine pourrait suivre le même chemin et devenir la nouvelle puissance prééminente, comme on l’a entendu durant le mandat de Trump. Ainsi, Pékin s’est imposé comme défenseur du libre-échange, des organisations internationales, et de la souveraineté en faisant référence à la fois à la Charte des N-U et aux principes de Bandung. Elle prétend être moins intrusive que les Américains, mais le rêve chinois est bien communiste, et suscite bien des réticences car elle peut plonger l’humanité dans la servitude et l’esclavagisme. La Chine mise en premier lieu sur la transition hégémonique pacifique. Elle pratique une stratégie de faits accomplis, comme en mer de Chine du Sud ou dans l’Himalaya. L’autre hypothèse qui semble se dessiner est celle d’un monde coupé en deux, comme à l’époque de la guerre froide, avec une dimension de compétition économique et une bataille de normes pour affirmer son influence, et des frictions multiples. Désormais, l’Asie est fondamentale du fait de la part qu’elle représente dans la croissance économique mondiale et elle a bien illustré la dépendance de l’Occident à l’égard de l’Asie. Actuellement, il semble que tout le monde fasse un pivot vers l’Asie, comme les Américains l’ont annoncé pour eux-mêmes au début des années 2012. Les stratégies pur l’Indopacifique se multiplient, comme celle du Canada, et de nombreux pays courtisent l’association des nations de l’Asie du Sud-Est ( ASEAN). L’Inde et le Vietnam se positionnent pour recevoir des investissements quittant la Chine. Avant même 2023, la Russie se tourne également vers l’Asie pour des raisons économiques et stratégiques. Enfin, la visite du (président rouge)  en Arabie saoudite marque cet attrait grandissant des monarchies du Golfe vers l’Asie. Par ailleurs, s’il venait à se produire un conflit en Asie, ( comme celui de Taïwan), cela aurait des conséquences sur l’ensemble de la planète. Sachant, que le poids économique et la puissance chinoise sur la scène internationale lui confère un rôle incontournable. Concernant les Européens, même si l’on ne va pas vers l’Asie, l’Asie vient à nous. 

LES CONFLITS ET L’AVENIR DES RELATIONS INTERNATIONALES



A cela s’ajoute les conséquences de la guerre en Ukraine et les conséquences sur l’avenir des relations internationales. Cette guerre reste concomitante d’un durcissement des relations avec la Chine. Dès lors, la question est d’interpréter les dernières décennies. Les Russes et les Chinois depuis les années 1990, sont toujours aux manettes et dans une continuité croissante. Même s’il existe un contre-discours expliquant que c’est la faute des Américains, pour les auteurs de ce contre-discours, ce serait donc les Américains qui profite le plus de ce conflit russo-ukrainien. Pour les Européens, c’est enfin le réveil tant attendu face à la réalité de la menace sino-russe. Le narratif sur les valeurs de l’Occident est unifacteur et le contexte actuel « la guerre de la Russie contre l’Occident» permet de les renforcer. Ainsi, en montrant sa détermination à l’égard de la Russie, l’Occident montre aussi son acharnement à l’égard de la Chine, en particulier autour de la question taïwanaise, mais il demeure en déclin au profit de l’Asie.

FAUT-IL DISSOUDRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ?



Alors que l’ONU a pour mission d’œuvrer au maintien de la paix et de la sécurité internationales et à la protection des droits humains, il semble que l’agence onusienne ne soit plus en mesure d’assumer son rôle avec un Conseil de sécurité bloqué par le droit de veto des membres permanents. A mon avis, une réforme de l’ONU et de son Conseil de sécurité est indispensable. Depuis déjà 1970, les contestations concernant le ( club des grandes puissances ) de l’ONU, notamment les Occidentaux et Israël qui sont mis en accusation dans le système onusien, ce qui, dès cette date, suscite les critiques des Américains. Durant les années 1990-2000, les espoirs reviennent quant à l’utilité des Nations-Unies. Il n’y a jamais eu aussi peu de vetos au Conseil de sécurité que durant cette période. France, États-Unis, Royaume-Uni reprennent la main, condamnent, sanctionnent, organisent des interventions et les couvrent juridiquement. Le tournant a lieu en 2021 avec le conflit en Libye, dont le déroulement a offusqué Moscou et Pékin. Nous avons constaté par la suite, avec la guerre en Syrie, que le système était profondément bloqué. La réalité observée sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU dont on parle est un club cadenassé. Donc il est impossible de faire entrer de nouveaux pays sans créer des rivalités avec leurs rivaux régionaux. Autre probabilité, il existe une solution qui consiste à limiter le droit de veto, soit via la proposition franco-mexicaine d’une responsabilité de ne pas exercer ce droit en cas d’atrocité de masse; soit en excluant la Russie, ce qui parait impossible. Certains cercles peu influent proposent que l’ONU fasse davantage de place aux pays du Sud. Ce qui est légal, mais promu parfois comme une alternative miracle, avec un tiers-mondisme totalement exclu, qui court de crise en crise. C’est le contraire des années 1990, durant lesquelles nous avions, grâce à la gouvernance globale et à ce qu’elle véhiculait, innovation, souplesses, partenariats publics-privés, multilatéralisme inclusif, l’impression que nous pouvions faire face à la plus part des obstacles. Même si le multilatéralisme a grand jour gérer des enjeux de tailles et pour faciliter la coopération, jamais nous n’avons imaginé que tous les enjeux modernes seraient étroitement liés entre eux. Il n’est pas possible de s’occuper de la question environnementale sans se préoccuper des questions énergétiques, économiques, sociales ou sécuritaires. Notre nouveau monde dépend de standards, règles et normes négociés dans des enceintes qui nous sont inconnues. Toutes les politiques publiques internes sont liées à l’international. Nous nous positonnons différement, dans nos préferences, sur les axes liberté et sécurité ainsi que la competition, qui tracent des futurs bien différents. A cela s’ajoute le paradoxe, dans les démocraties, de l’instantanéité du jugement par rapport à un idéal démocratique illusoire, et un discours permanent de l’urgence. Ce n’est pas uniquement l’effet d’un pouvoir qui a peu de prises et se relégitime par l’urgence; il y a aussi une demande permanente de solutions à des autorités qui, en plus suscitent la méfiance et la cruauté. Peut être nous assistons à la fin de la suprématie occidentale, nous pouvons aussi souhaiter que les Etats-Unis ne soient plus la puissance dominante qu’ils étaient. Nous pourrons également voire une désoccidentalisation du monde, car l’Occident a été impérialiste et colonialiste par le passé. Mais le futur lointain sans l’occident et la prééminence de la chine nous plongera dans un monde infernal. Et pour tenir mieux compte des réalités existentialistes, les futurs orientations imposent de ne voir que des victimes et non des acteurs stratégiques.


Pour notre belle Europe, la question est de savoir, jusqu’où ce conflit en Ukraine va aller. La cohésion du camp occidental va-t-elle perdurer ? A-t-on les moyens de ne plus être vulnérables à l’égard de la Chine, et sans dépendre excessivement des Américains ? sommes-nous pas en train de trop nous focaliser sur la Russie alors même que la plupart des enjeux cruciaux se situent dans l’Indopacifique ? L’Occident est-il en train de s’écarter dans un monde qui ne voudrait pas s’aligner sur lui ?Les Européens ont tendance à penser que cette guerre était une erreur, car la Chine en a profité pour s’affirmer dans sa région, puis dans le monde?

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire