mardi 6 juin 2023

 GÉOPOLITIQUE /L’OPEP FACE AUX DÉFIS STRATÉGIQUES DE DEMAIN


Révélée au monde par le choc de 1973 durant la guerre du Kippour, l’organisation aura fait figure d’épouvantail pour les uns, de redresseur de torts pour les autres. Ne méritant ni cet excès d’honneur ni cette indignité, l’OPEP, dont le pouvoir reste aux mains des Saoudiens, figure parmi les mécanismes essentiels de la régulation de l’économie mondiale.



L’Organisation des pays exportateurs de pétrole OPEP fut créée en 1960 par l’Arabie-Saoudite, le Venezuela, l’Irak, l’Iran et le Koweït que rejoindront ensuite le Qatar, l’Indonésie, la Libye, les Émirats, l’Algérie et le Nigéria ainsi que l’Équateur ente 1973 et 1992 et le Gabon entre 1975 et 1994. L’OPEP était née en pleine période de décolonisation de la volonté d’une poignée de petites nations exportatrices de pétrole qui tentaient de réagir contre la mainmise des sept grandes compagnies pétrolières sur le marché du pétrole. Dans les années 70, l’OPEP a connu deux crises successives avec l’embargo de 1973 et la révolution iranienne cinq ans plus tard. Le début des années 1980 est marqué par la flambée des prix du pétrole avant la chute de 1986. Après une série de hauts et de bas, une nouvelle secousse a lieu en 1998, à la suite de la crise économique en Asie du Sud-Est. Depuis, à la fin des années 90, les membres de l’OPEP et d’autres pays producteurs comme le Mexique, la Norvège et la Russie sont parvenus à rétablir la situation en réduisant la production mondiale, entraînant une hausse inespérée du prix du baril de pétrole. La résolution de cette crise s’est accomplie grâce à une cohésion inhabituelle au sein de l’OPEP et à un respect des quotas, même si celui-ci est dû en partie à l’incapacité des pays d’augmenter ou de maintenir leur production. Cette renaissance marque le retour d’une OPEP unie, sûre d’elle-même et influente, qui représente prés de 40% de la production mondiale, et possède les trois quarts des réserves globales de pétrole brut. Ce renouveau s’exprime dans un contexte de transformation de l’industrie pétrolière avec les fusions géantes, l’avancée des technologies et une plus grande prise de conscience des problèmes liés à l’environnement. À la suite de la crise de 1998-1999, l’OPEP a adopté un principe général de stabilisation des prix du pétrole reposant sur la réduction et l’augmentation automatiques de la production dès que les prix vont au-deçà d’une fourchette préétablie. Néanmoins, les crises externes et les dissensions internes peuvent toujours intervenir de manière inattendue pour déstabiliser l’organisation. Ainsi, cet acteur particulier de l’échiquier géostratégique a-t-il toujours un potentiel perturbateur élevé. Le maintien des multiples équilibres internes de l’OPEP est déterminé par une multitude de facteurs ayant trait aussi bien aux intérêts nationaux des pays membres qu’à la politique intérieure de chaque pays et à leurs besoins économiques particuliers. Les rivalités au sein du groupe, notamment entre ses membres les plus influents comme l’Arabie-Saoudite et le Venezuela sont toujours un facteur d’instabilité. La capacité qu’a l’OPEP d’influer sur les cours du marché représente son fonds de commerce. Mais n’oublions pas que cette capacité reste malgré tout limitée, ne serait-ce que par sa connaissance toute relative de l’état de l’offre et la demande.

LA MALÉDICTION DE LA MANNE PÉTROLIÈRE

Le Venezuela, l’Iran, les pétromonarchies et certains pays producteurs de pétrole se sont endormis sur leurs puits de pétrole tout en négligeant l’enjeu agricole. En Afrique, le cas de RDC, le plus vaste pays d’Afrique noire, peuplé de plus de 100 millions d’habitants, est encore plus caricatural. Ce pays regorge littéralement de ressources naturelles : pétrole, cuivre, cobalt, diamants. Et pourtant, le revenu annuel par habitant est égale à 470 dollars, un des plus faibles de la planète. Les tyrans de la RDC sont beaucoup plus préoccupés par mater les différents mouvements de rébellion qui agitent le pays que par le développement de l’économie et de l’agriculture. En revanche, au sein des pays exportateurs du pétrole, on meurt bel et bien de faim tous les jours. Le programme alimentaire mondial et les ONG ne peuvent être partout, et démultiplier leurs camps et chaînes logistiques. Si demain, des événements climatiques exceptionnels provoquaient un effondrement de la production de blé ou de riz, des centaines de millions d’habitants de la planète se trouveraient brutalement frappés par la famine, rejoignant le quasi-milliard d’affamés actuel. Et si une autre pandémie s’attaquait aux cultures vivrières, ne serait-ce qu’à une des deux principales, le drame de la faim dans le monde atteindrait un niveau inégalé. Les 8 milliards d’habitants de la planète marchent en réalité sur une corde raide. La faim pourrait bien être le déclencheur des révolutions et des conflits dévastatrices au sein des pays exportateurs de pétrole. Sachant que le génocide de 1944 au Rwanda et au Burundi s’explique en partie par la lutte pour les terres. Les plateaux fertiles sont largement peuplés depuis des siècles et gérés selon un système semi-féodal, repris par le colonisateur, où domine la minorité tutsie. L’interaction des luttes politiques et géopolitiques, des oppositions ethniques, de la démographie et de la recherche des bonnes terres aboutit ainsi au désastre. Ces contrastes d’appropriation de l’espace terrestre expliquent encore d’innombrables clivages au Proche-Orient, en Asie et en Afrique. Jadis la terre était tout. Que vaut-elle aujourd’hui? Fondement de la richesse, le capital foncier a si longtemps régné que l’on a fini par confondre l’amour du bas de laine et celui de la mère patrie. Elle accédait au rang de symbole, de valeur suprême pour laquelle on donnait son sang. Cette logique a quitté les pays hautement développés. Elle perdure dans la plus vaste partie du monde, la plus peuplée. En somme, partout où la pression démographique sur la terre crée un phénomène de pénurie, relative ou absolue, objective ou subjective. L’usage de la violence armée constitue une pratique courante de maintien brutal de l’ordre.

L’EAU/ LE DÉFI DE L’AVENIR



Les défis actuels du monde sont liés à la question de l’eau et non au pétrole. Un quart de la population mondiale n’a toujours pas accès à une qualité d’eau satisfaisante. Aussi, plusieurs millions de personnes meurent-elles chaque année d’infections causées par de l’eau contaminée. Au plan géopolitique, l’eau représente logiquement une source de conflit entre les États, voire même au sein des États. Dans ce second cas de figure, elle peut provoquer des remous politiques lors de manques d’approvisionnement ou lorsque, soudainement, les coûts augmentent. Mais c’est principalement entre les États que surgissent les conflits liées au partage et à l’usage de l’eau (l'Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, Israël etc..). Dans le monde, il existe plus de 200 bassins fluviaux internationaux, soit un nombre d’États indépendants. La multiplication des frontières qu’a entraînée l’explosion du nombre d’États dans les cinquante dernières années contribue aux tensions, au même titre que l’évolution de la consommation et des usages de l’eau. La question de la gestion du partage et de l’usage des eaux internationales est donc primordiale aujourd’hui et le restera dans l’avenir. Si, à l’origine, le droit international était principalement concerné par les problèmes de navigation, un effort grandissant est désormais accompli dans le domaine de la gestion des eaux, par exemple pour les droits de pèche ou pour l’exploitation hydrique. Bien qu’insuffisants pour réguler l’ensemble des problèmes, prés de 300 traités sont actuellement en vigueur dans ce domaine. Le droit international n’empêche pas l’eau d’être une source de conflit. En tant que telle, l’eau provoque d’abord des tensions, qui peuvent devenir extrêmes, lorsque deux États ou plus se disputent le partage et l’usage de celui-ci. Ces tensions sont d’autant plus élevées que les ressources sont limitées et que les pays en sont dépendants. C’est pourquoi l’eau représente un outil stratégique entre pays en amont et pays en aval. Elle devient ainsi un élément clé qui définit en partie la nature des rapports de forces entre les États concernés. Dans le contexte stratégique actuel, où l’on s’éloigne du modèle traditionnel des guerres classiques, et où la dimension économique des politiques des États et la diplomatie occupent une place grandissante, l’eau peut apparaître comme un outil stratégique capital. En tant que moyen de la politique, elle peut servir les modes de pression classiques que sont le chantage et la coercition.

LA SÉCURITÉ HUMAINE EN BAISSE

Les impacts physiques d’un monde plus chaud, combinés à la dégradation de l’environnement, sont susceptibles d’entraîner une série de problèmes de sécurité humaine, principalement, mais pas exclusivement, dans les pays en développement à court terme. La modification du régime des précipitations, la hausse des températures, l’augmentation des phénomènes métrologiques extrêmes et l’intrusion d’eau salée dans les sols et les systèmes hydrauliques risquent d’aggraver l’insécurité alimentaire et hydrique dans certains pays au cours des deux prochaines décennies. Les régions encore tributaires de l’agriculture pluviale seront vulnérables:  l’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Nord, l’Amérique centrale,  certaines zones de l’Argentine et du Brésil, certaines parties de la région andine, l’Asie du Sud et l’Australie. En revanche certaines régions situées à des altitudes plus élevées, comme le Canada, l’Europe du Nord et la Russie, pourraient bénéficier du réchauffement climatique grâce à l’allongement des saisons de croissance. La variabilité de tous les organismes vivants, connus sous le nom de biodiversité, diminue plus rapidement qu’a n’importe quel moment de l’histoire de l’humanité, ce qui met en péril la sécurité alimentaire, sanitaire et compromet la résilience mondiale. Le réchauffement des températures est susceptible d’entraîner l’extinction de plantes et d’animaux qui ne peuvent ni survivre dans leurs habitats traditionnels ni se déplacer rapidement vers de nouveaux lieux. Ces phénomènes favoriseront la propagation d’espèces envahissantes qui étouffent les organismes indigènes.
Dans les décennies à venir, l’eau sera placée au-dessus des matières premières stratégiques à Wall Street. Appât du gain et assurance des besoins vitaux, la guerre de l’eau a déjà commencé en Australie. L’île-continent a été le premier à avoir mis en place un marché de l’eau dés 1994, qui draine aujourd’hui plus de 2 milliards de dollars australiens par an; escorter par les États-Unis et le Royaume-Unis.
L’eau sera bientôt affichée à la bourse mondiale comme sûreté stratégiques, dans un monde où l’autarcie économique a cessé d’avoir un sens, et le partage des ressources en eaux constitue un élément majeur de conflit et de perturbation.



Toute la question est de savoir si le pétrole est le seul ou le meilleur moyen de prévenir à se placer en position favorable. Tout ordre établi est perçu comme injuste par les États qui, plus à raison qu’a tort, estiment être spoliés de leurs ressources. De fait ils deviennent des perturbateurs obligés d’une situation instable parce que perçue comme inéquitable.

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA











































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