GÉOPOLITIQUE/ CHINE- IRAN, ISRAEL ET LA CORÉE DU NORD: LES LIAISONS DANGEREUSES
Après la dénonciation par Donald Trump en 2018 de l’accord nucléaire de Vienne, les sanction américaines à l’encontre de l’Iran, ont plongé le pays dans une situation économique périlleuse « chute de 9,5%du PIB en 2019 »et l’ont incité à se retrouver dans le giron de la Chine. Cette relation s’est traduite par la signature, en 2021, d’un accord commercial de 400 milliards de dollars pour une période de 25 ans « accord stratégique surnommé ( Lion-Dragon deal ). Ce rapprochement, s’est aussi matérialisée dans le domaine militaire avec des ventes d’armes déjà réalisées ou en voie de l’être ainsi que les manœuvres navales communes aux cotés de la Russie. Néanmoins, la longévité entre les deux régimes semble précieuse, ce qui provoque la frousse aux monarchies du Golfe, les États-Unis et Israël.Sur le fond, les deux pays ne relève pas de la sphère occidentale et ils restent méfiants à l’égard de l’ordre international dominé par les Occidentaux partageant donc la volonté de la multipolarité tant sur le plan politique bilatéral que multilatéral. Toutefois, l’approche pragmatique mise en œuvre par Pékin outrepasse la tension sunnite-chiite, se rapprochant à la fois de l’Arabie-Saoudite et de l’Iran, les grands rivaux de la région. Sur l’épineux dossier du nucléaire, la Chine soutient les propositions du Conseil de sécurité de l’ONU et appelle les principaux acteurs à rallier les accords de Vienne « Joint Comprehensive Plan of Action, JCPOA ». Sur le plan militaire, la Chine assure un soutien discret en Syrie, en lien étroit avec Moscou et l’Iran, malgré les avertissements répétitive de Washington. Au Moyen-Orient, la présence militaire chinoise est amenée à croître du fait du renforcement de sa présence et ses projets liés aux nouvelles routes de la soie. Les risques récurrents de voir le détroit d’Ormuz victime d’un blocus en cas de crise majeure entre l’Iran et les capitales occidentales demeurent, pour Pékin les principaux points de cristallisations des tensions régionales. Ainsi, la Chine importe la moitié de son pétrole du Moyen-Orient afin de subvenir à ses besoins énergétiques tout en cherchant à diversifier autant que possible ses fournisseurs dans la région. Paradoxalement, la Chine veille scrupuleusement à ne s’aliéner aucun acteur au sein de la région. Ainsi, en Turquie comme à l’Iran, est-on très attentif aux propositions chinoises de voir s’ouvrir un jour un corridor terrestres de connectivité mondiale, « le CCWAEC » ( China-Central West Asia Economic Corridor ) passant par l’Asie centrale, l’Iran et la Turquie. En outre, les tensions entre les américains et l’Iran, s’inscrit dans une alliance de revers contre les États-Unis ; Téhéran est primordial pour la Chine afin d’augmenter son influence dans la zone mais également pour se positionner comme médiateur entre l’Iran et les américains à l’ONU tout en soulignant ainsi le rôle de déstabilisateur des États-Unis au Moyen-Orient. Dans cette architecture géopolitique complexe, l’Inde rentre en jeu avec le développement du port de « Chabahar » et les interconnections qu’elle offre, dans l’arrière-pays, à New Delhi à destination de l’Afghanistan, vers l’Asie centrale, constituant en cela un exemple probant. Gelé à ce jour en raison des sanctions américaines, le port de Chabahar offrirait une alternative au port de « Gwadar » aménagé par la Chine à moins de 200 kilomètres de la frontière iranienne sur le littoral du Balouchistan pakistanais. L’Inde semble pour le moment exclue du fameux jeu centrasiatique, avec le triomphe des Talibans, qui est également celle de ses rivaux stratégiques, à savoir le Pakistan et la Chine. Le mépris du nouveau régime des Talibans à l’encontre de l’Iran incite la réaction de Téhéran à la prudence que celles alléguées par l’Inde, les deux pays iranien et indien n’en partagent pas une approche sur les risques d’instabilité que font peser les talibans pour toute la région. Le Golfe Persique est devenue une porte d’entrée dans la région pour les intérêts iraniens sur lesquels la Chine pourrait s’appuyer en sanctuarisant ses propres acquis. Pour le régime des mollahs, la cybercrature chinoise et le déploiement de Huawei répond à un impératif de contrôle trouvant sa légitimité pour ce régime autoritaire à briser toute velléité de contestation. Toutefois, d’aucuns peuvent voir dans se rapprochement sino-iranien une réaction aux accords d’Abraham ; traités de paix respectivement signés entre Israël et les Émiratis d’une part et entre Bahreïn et Israël de l’autre et ce, sous l’égide des américains. La Chine et l’Iran partagent le même sentiment de crainte quand à leur grande vulnérabilité à l’égard des États-Unis. En effet la puissance militaire américaine contrôle les routes maritimes du pétrole, que ce soit par les détroits de « Bab-El-Mandeb, au sud de la mer rouge, d’Ormuz, dans le golfe Persique, ou de Malacca, dans le Sud-Est asiatique, ou dans la mer Caspienne. En d’autres termes, le monde musulman le plus central, celui qui relie l’Extrême-Orient à l’Extrême-Occident, reste sous l’emprise des États-Unis. En outre, la création d’un corridor stratégique sino-pakistanais, lors de la visite de Xi Jinping à Islamabad, avec une enveloppe de coopération économique de plus de 40 milliards de dollars, a suscité bien des réactions à Washington, y compris celles liées au risque du nucléaire. Et au fil du temps, ces inquiétudes se sont accrues dés lors où l’Iran a intégré l’Organisation de Coopération de Shanghai ( OCS) en septembre 2021, au même titre que le Pakistan. Le Guide suprême des Mollahs et les conservateurs ont toujours prôné le renforcement des liens politiques économiques et militaires avec les Asiatiques, en particulier la Chine, la Russie et l’Inde face aux sanctions américaines. Désormais, se rapprochement Iran-Chine doit aussi intensifier les relations entre l’Iran et la Russie notamment dans le domaine militaire. Lors de sa visite au Tadjikistan, pays persanophone de l’Asie centrale, le président iranien rappelait que son pays était le chaînon manquant qui relie l’Eurasie du Sud à l’Eurasie du Nord. Avec l’intégration de l’Iran à l’OCS et l’accès de la Chine vers le golfe Persique, elle continue d’aménager des corridors d’accès aux énergies. Du port de Gwadar au Pakistan à la sécurisation du corridor sino-birman donnant accès aux golfes d’Oman et du Bengale, la Chine anticipe le blocus afin d’imposer aux États-Unis le détroit de Malacca. Un positionnement renforcé au détroit d’Ormuz et sur le littoral iranien participe également de cette stratégie globale. Concernant, le rôle de l’Iran au Caucase, Pékin anticipe déjà sa vision à long terme dans le jeu régional. Pour ses alliances de revers ou ses tactiques de contournement, le Caucase reste le révélateur des tensions qui opposent les puissances au sein de cette région de transit, laquelle demeure la priorité de la Russie mais aussi une zone tampon entre les États limitrophes actuels comme l’Iran et la Turquie qui revendiquent chacun le contrôle, mais aussi une influence notable. Le Caucase est le plus raccourci entre l’Asie et l’Europe, il est aussi au centre des rivalités que l’UE s’en est vue évincée par la Russie et la Chine, espérant la construction du gazoduc ( Nabucco ). Par les efforts conjugués de la Russie et ceux de la Chine qui veulent intégrer à terme la Turquie, après l’Iran, pour ses projets eurasiens, l’Azerbaïdjan et l’ensemble du Caucase pourraient être à terme happés dans le giron chinois, cependant, afin d’éviter cette hégémonie chinoise, un rapprochement entre l’Iran et les américains transformeraient complètement la scène moyen-orientale et pourraient indisposer Pékin, qui profite de la rivalité entre Washington et Téhéran. Enfin, que ce soit l’Asie du Sud, ou l’Asie centrale et dans son prolongement les Proches et Moyen-Orient, ces trois aires géographiques correspondent dans la logique assignée depuis ( Bandung 1955 ) à une volonté pour la Chine de s’affirmer comme porte-parole des pays du Sud. Autant son partenariat avec l’Union-Européenne reste stratégique pour son propre développement, autant l’ensemble de ces États ont désormais décryptés que leur avenir se jouait davantage avec la Chine qu’avec l’Occident. Cette réalité, observable depuis plus d’une décennie, devrait se renforcer dans l’avenir. Pour Pékin, la Turquie ou l’Iran sont en cela que des pions sur un échiquier géopolitique régional.
CORÉE DU NORD- IRAN- ISRAEL
Forgée par la lutte commune contre l’impérialisme et appelant à développer encore davantage la coopération bilatérale, les deux pays restent inscrits sur l’axe du mal menaçant la paix mondiale par les américains. Bien que l’Iran ait établit des relations diplomatiques avec la Corée du Nord dés 1973, la révolution iranienne puis le guerre Iran Irak ont entraîné une expansion de la coopération bilatérale. Une coopération dans le secteur balistique se met en place, Pyongyang fournissant à Téhéran des missiles courte-portée rebaptisées Shahab-1 et tirés massivement sur les villes irakiennes en 1988, principalement Bagdad. En 1993, le développement à courte portée Shahab-2 puis des missiles à portée moyenne Shahab-3 se fait en partenariat avec la Corée du Nord. Les deux pays participent aussi à la construction du centre d’essai balistique iranien de Shahroud, et la Corée fournit des tracteurs-érecteurs-lanceurs « TEL» puis des moteurs de missile Nodong. Au total, l’Iran aurait reçu la moitié des exportations de missiles balistiques nord-coréens, principalement entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Plus récemment, un rapport du panel des experts de l’ONU indique que Pyongyang et l’Iran auraient repris leur coopération balistique en matière de missiles à longue portée, notamment concernant des moteurs pour un lanceur spatial d’une poussée de 80 tonnes. La Corée du Nord aurait apporté un soutien et une assistance technique au Centre de recherche Shahib Haj Ali Movahed du SHIG, et exporté des composants critiques en 2020. L’affirmation en 2016 dans un rapport du Congrès américain que la capacité balistique de l’Iran a dépassé celle de la Corée, limitant de fait l’intérêt d’une coopération pour l’Iran, semble avec le recul bien inexacte. La crainte d’une coopération dans le domaine nucléaire entre les deux pays est une autre source d’inquiétude. Cette dernière repose sur le précédent de la coopération dans le domaine balistique, et sur l’aide apportée par la Corée à la Syrie pour la construction d’un réacteur nucléaire, détruit par des frappes israélienne en 2007. Les américains estimait que la Corée du Nord et l’Iran pourraient coopérer pour développer une arme nucléaire. Néanmoins, ces informations demeurent spéculatives et non confirmées par des sources officielles. Après la libération du pétrolier en 2021, la perspective d’un accord à Vienne au début de l’année 2022 a relancé les discussions bilatérales. Ainsi, en février 2022, une délégation iranienne composée de responsables de la banque centrale, du ministère du pétrole et de la National Iranian Oil Company s’est rendue à Séoul pour des discussions de travail sur la reprise des importations de pétrole brut iranien et le déblocage des fonds iraniens détenus. Rappelons qu’en 2016, la présidente sud-coréenne s’était rendue à Téhéran pour la signature d’une soixantaine d’accords pour une valeur de prés de 40 milliards de dollars, dont 10 milliards portant sur la construction, par un consortium sud-coréen, d’infrastructures dans la ville portuaire de Jask, dans le détroit d’Oman. Ces projets seraient relancés en cas d’accord international sur le nucléaire iranien, et certaines industries sud-coréennes en profiteraient largement, dont les chantiers navals qui ambitionnent de renouveler la flotte de pétrole et de méthaniers iraniens. En janvier 2022, la Corée du Sud annonçait l’utilisation de 18 millions de dollars de fonds iraniens gelés par des banques coréennes afin de régler les impayés de l’Iran aux budgets de l’ONU. Grace à cette décision, Téhéran a pu récupérer son droit de vote au sein de l’Organisation internationale. Une situation similaire s’était produite en 2021 et Séoul avait là aussi débloqué les fonds nécessaires. Par ailleurs, en matières des renseignements réciproques, un nouvel accord avec l’Iran, remplaçant le « JCPOA», est parfois présenté comme pouvant relancer les négociations nucléaires avec la Corée du Nord. Cet argument apparaît comme bien faible. La Corée du Nord est une puissance nucléaire depuis plus de quinze ans, et ne donne aucun signe d’un retour en arrière, bien au contraire. Non seulement le régime indique explicitement qu’il diversifie son arsenal nucléaire, en développant des armes tactiques, mais les promesses d’un développement économiques nord-coréen en cas de dénucléarisation apparaissent comme fantaisistes. La Corée du Nord ne dispose pas du potentiel économique de l’Iran et les investisseurs internationaux, même avant l’adoption de sanctions, n’ont jamais investi massivement dans le pays. Enfin l’hypothèse de frappes balistiques conventionnelles coercitives par la Corée du Nord a gagné en crédibilité depuis la frappe iranienne contre la base américaine d'al-Assad en Irak en 2020, et met en évidence l’utilité des systèmes de frappe de précision pour une puissance militaire mineure confrontée à une puissance majeure.
MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA
Travaillées par la tentation impériale, redécouvrant une histoire souvent commune et prestigieuse, ces puissances renouent avec un passé et des traditions largement réinventés. Elles adhérent à des mythologies politiques, à des valeurs illibérales et des narratifs sur les droits de l’homme qui rejettent en bloc les legs des Lumières à partir duquel se sont construites les démocraties européennes et américaines. Plus fondamentalement, c’est le système des relations internationales hérité de 1945 qui est remis en cause. Le duopole formé par les pouvoirs sino-russes, et dont l’attraction reste forte pour une majorité de dictatures, met systématiquement au défi l’Occident, ses alliés, et rebat les cartes des principaux enjeux sécuritaires dans le monde. Ainsi, l’année 2020 aura scellé la rupture entre la Chine les États-Unis. C’est un cycle de 40 ans qui se ferme, modifiant la logique même de la mondialisation et le nouvel ordre mondial. Il augure désormais le commencement d’une paix froide aux allures apocalyptiques.
Pour l'instant, le principal atout du président Raïsi consiste à pouvoir compter sur le soutien du Guide suprême et de la faction la plus conservatrice des Gardiens de la révolution. Sur le plan politique, le pouvoir iranien cherche à neutraliser les opposants intérieures tout en gérant les dossiers les plus cruciaux à savoir, l'inflations, le logements, la pauvreté, la répression, la torture, les assassinats ciblés et le grand refus de la majorité du peuple iranien contre le "chiisme". Et en réformant a minima pour acheter la paix sociale et éviter l'implosion de la société. Le décès du Guide suprême, s'il survenait pendant cette mandature, pourrait entrainer de nouveaux équilibres favorables aux ultra-nationalistes et le fin de la secte chiite. Pour le clergé, l'enjeu consiste à s'accrocher au pouvoir et à verrouiller le processus de désignation du prochain Guide suprême pour s'assurer que celui-ci abritera le jeu institutionnel en sa faveur.
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