GÉOPOLITIQUE/ L’INTENSIFICATION DE LA COMPÉTITION INTERNATIONALE EN AFRIQUE
Le premier sommet France-Afrique e eu lieu en 1973 et le premier sommet Japon-Afrique en 1993, et recensement « le sommet-Japon-Afrique» a permis au continent de bénéficier de plusieurs milliards pour le développement. Mais ce genre de grands-messes s’est multiplié depuis 2000, année qui marqua le début des sommets Chine-Afrique et Europe-Afrique. Ont suivi d’autres pays qui ont aussi tenu à investir le continent africain : la Corée du Sud en 2006, l’Inde en 2008, la Turquie la même année, les USA en 2014, l’Indonésie en 2018, et la Russie en 2019.Ces événements ont connu quelques ratés, l’annulation du sommet Israël-Afrique prévu en 2017, précédé du slogan « Israël revient en Afrique et l’Afrique revient en Israël » chapeauté par la présence ponctuelle des États-Unis dans cette diplomatie des sommets. Toutefois, Joe Biden entend relancer cette initiative tout en organisant un autre sommet « Israël-Afrique» avant la fin de son mandat. Ces sommets sont l’occasion pour la puissance invitante de démontrer sa générosité en annonçant des milliards d’aides pour l’Afrique : lors du forum pour la coopération sino-africaine en 2018, le président chinois avait promis 60 milliards de dollars sous des formes diverses lignes de crédit, fonds de développement, investissement et autres. Si la multiplication de ces sommets bilatéraux témoigne d’un intérêt grandissant pour le continent africain, elle témoigne aussi du maintien de l’Afrique dans une positions d’infériorité. En effet, le fait qu’un pays invite tout un continent indique clairement l’asymétrie de leurs relations. La ruée vers les marchés africains perçus pendant un certain temps comme la nouvelle frontière du capitalisme. L e continent africain, qui représentait 10% du commerce extérieur français, ne représente plus que 5,3% aujourd’hui. Si les entreprises françaises ont su rompre avec le capitalisme rentier néocolonial et se redéployer hors de la zone franc à la fin du XX siècle, leurs positions ont été malmenées par la concurrence internationale. La France a perdu le statut de premier fournisseur mondial du continent en «2007» au profit de la Chine, dont les exportations à destination de l’Afrique attigent 150 milliards en 2021 contre 30 milliards pour les exportations françaises. Les parts du marché françaises à l’exportation vers l’Afrique ont été divisées par deux, passant de 11% en 2001 à 5,5% en 2017, et la France est désormais talonnée par les États-Unis, l’Allemagne et l’Afrique du Sud. Par ailleurs, le commerce franco-africain reste concentré en majeur partie sur le Maghreb et quelques pays d’Afrique subsaharienne ( Nigeria, Afrique du Sud, Angola, Cote d’Ivoire, Sénégal ,Niger, Tchad, Cameroun, Bénin, Gabon, Mauritanie, Algérie, Maroc et la Tunisie. L’Afrique du Sud est ainsi le premier partenaire économique de la France en Afrique subsaharienne avec un volume d’échanges de 2,7 milliards d’euros et presque 410 entreprises implantées dont toutes les compagnies du CAC 40. Le recul commercial français s’observe dans de nombreux secteurs phares. Dans l’automobile, la concurrence de la Chine et l’Inde a occasionné le recul de la France du troisième en 2001 au septième rang en 2017 avec une part de marché de 5% contre 15% en 2001. Dans le domaine pharmaceutique, les parts de marché françaises à l’exportation ont été quasiment divisées par deux sur la même période passant de 33% à 19%, au profit de l’Inde dont le poids est passé de 5% à 18%, une croissance tirée par le secteur des médicaments génériques à bas coût. Pour le transport aérien, le groupe Air France-KLM, qui dessert 48 destinations africaines, est concurrencé par Turkish Airlines qui en dessert 51 destinations et fait partie de Star Alliance aux cotés de Ethiopian Airlines. L’amenuisement général des parts de marché de la France ne correspond pas tant à un recul de la valeur de ces exportations qu’a un déclassement de son importance commerciale auprès des économies africaines, relatif à la progression de nouveaux acteurs, européens et asiatiques. Face au safari économique de la Chine, les grands groupes français ont mené une stratégie d’alliance ponctuelles qui reste à évaluer ( partenariat entre Bolloré, CMA CGM et China Harbour Engineering Company pour le port de Kribi au Cameroun; partenariat entre TotalEnergies et China National Offshore Oil Corporation pour le pétrole en Afrique. Après avoir été une des premières sources d’investissements directs étrangers «IDE» pour le continent, elle figure actuellement en quatrième position derrière la Chine, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Si les stocks d’IDE français ont été multipliés par 6 milliards d’euros en 2000 à 65 milliards d’euros en 2021, l’Afrique absorbe uniquement 4% des IDE français contre 5% pour l’Amérique Latine. La France n’est plus qu’un préteur résiduel, la Chine détenant environ 30% de la dette publique africaine. Ce chiffre officiel étant considéré comme sous-estimé, les chinois disposent d’un levier d’influence considérable sur plusieurs pays africains surendettés comme l’Angola, Djibouti, le Congo, la Zambie, le Cameroun, le Nigeria, le Niger le Burkina Faso, l’Angola, la Cote d’Ivoire, le Sénégal et le Bénin.
CONCURRENCE MILITAIRE ET ENJEUX GEOSTRATEGIQUES
CONCURRENCE MILITAIRE ET ENJEUX GEOSTRATEGIQUES
La présence militaire traditionnelle des anciennes puissances coloniales « France et Grande-Bretagne » a été complétée et concurrencée par de nouveaux venus comme Les États-Unis, le Japon, la Chine, l’Italie, la Turquie et la Russie. Après la décolonisation, la France a signé des accords de coopération militaire et de défense avec une quinzaine d’États africains, ce qui lui valait le titre de gendarme de l’Afrique. Liée actuellement par 26 engagements dans le domaine de la défense, d’autres partenaires de sécurité se sont multipliés avec d’autres acteurs qui jouent un rôle grandissant et moins polémique que celui de la France. Les États-Unis se sont implantés militairement à Djibouti, au Maroc, en Tunisie, en Égypte, au Kenya et investissent massivement dans la formation des armées africaines. Depuis 2005, l’exercice militaire (Flintlock) est devenu le rendez-vous annuel entre l’armée américaine et ses partenaires africains afin d’améliorer leur interopérabilité. L’Italie, le Japon et la Chine ont aussi pris pied à Djibouti tandis qu’en 2017, la Turquie s’est installé en Somalie avec une base militaire très importante. La Russie mène une véritable offensive pour reprendre pied militairement sur le continent et en particulier dans l’ancien pré carré Français. Depuis le premier conflit ukrainien, elle a signé une vingtaine d’accords de coopération militaire avec l’Algérie, le Mali, le Mozambique, la République centrafricaine, le Cameroun, le Soudan et autres pays du continent. Elle fournit 50% du marché africain des armements et elle cherche un pays hôte afin d’implanter une base militaire au Mali. Avec la compagnie du groupe Wagner, le Kremlin a pénétré dans l’ancien pré-carré Français, le Centrafrique et le Mali et a contesté la domination militaire de Paris sur son terrain d’expertise africain. D’ailleurs, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Algérie le 25 août 2022, le discours phare du président français a été axé sur le rôle de l’Algérie notamment au Mali. Certes la France n’est pas simplement déclassée en Afrique, et en premier lieu au Mali, mais elle reste dans la région ( Niger, Nigeria, Tchad, Mauritanie, Cameroun, Bénin, etc.) Le Kremlin est devenu le nouveau protecteur des régimes malien et centrafricain et libyen et souhaite continuer sur sa lancée en profitant du vide sécuritaire que créerait le repli de l’armée française au Sahel. L’armée américaine est discrètement engagée en Somalie, au Niger et autres pays tout en appuyant en renseignement l’armée française a travers ses bases de renseignement basés en Tunisie, au Maroc et autres pays. La Chine et la Turquie sont aussi indirectement impliquées dans la guerre civile éthiopienne comme fournisseurs de drones. Non seulement l’armée française n’est plus seule en Afrique, mais sa présence est de plus en plus contestée. Au delà de la problématique militaire, force et de reconnaître que cette concurrence n’épargne pas la culture et les médias, qui sont des éléments de soft power. Il y a désormais 62 instituts Confucius en Afrique, la Fondation turque éducative Maarif est active dans 26 pays africains et les médias chinois, turcs, américains et russes investissent le marché africain de l’information. La France, et l’UE sont des théâtres d’affrontements d’influences extérieurs. On sait que les États-Unis, la Chine, la Russie, le Golfe, Israël et bien d’autres y sont actifs. Concernant L’Afrique, elle reste soumise non seulement sur un registre d’influence stratégique, mais aussi dans le domaine de la compétition économique. Ainsi va le jeu international contemporain. Chacun défend ses intérêts en tentant d’agir sur les pays africains par la manipulation, le scandale et la trahison. Le paysage politique africain est propice à ces stratégies d’influence étrangères. Entre influence, ingérence et lobbying, tôt au tard, le continent africain doit choisir son camp. A mon avis, il a déjà basculer dans le giron du BRICS. Face aux enjeux géopolitiques, géoéconomiques, et géostratégiques, deux facteurs explicatifs semblent pertinents pour tenter de comprendre les différentes polarisations et fragmentations qui ont conduit à la perte d’attractivité et de l’influence de l’offre française en Afrique. Le premier facteurs est certainement lié à la sociologie historique du politique qui permet d’expliquer comment la politique étrangère de la France en Afrique n’a pas su, voulu ou intégrée la maîtrise de l’historicité des sociétés africaines, du moins depuis les processus de formation des États jusqu’à leur insertion dans le système international. Le deuxième facteur, qui s’inscrit incontestablement dans la continuité du premier, peut être éminemment stratégique. La créativité Française en matière de politique étrangère ne s’est pas montrée à la hauteur des grands enjeux stratégiques et des transformations géopolitiques et géoéconomiques qui s’opèrent sur le continent. Cette précaution ou prescription d’ordre stratégique semble avoir fait défaut à la France dans ses relations avec le continent africain.
La nouvelle stratégie qui vise à intégrer la diplomatie commerciale dans la doctrine étrangère de la France, en faisant jouer un rôle plus offensif aux acteurs privés, semble être pertinente. Mais son efficacité sur le long terme dépendra, d’une part des performances macroéconomiques de la France à l’échelle nationale et internationale, et, d’autre part, de la compétitivité et de l’adaptation de l’offre française en Afrique. Sachant qu’avec la nouvelle politique économique extérieure de la France en direction de l’Afrique, plus aucun secteur n’échappe à l’ambition française de rattrapage économique et militaire sur le continent, mais a quel prix?
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
La Russie cherche aussi à cultiver en France cette dimension plus morale de son idéologie conservatrice. C'est une manière de prolonger ce que le pouvoir qualifié de monde russe, une représentation civilisationnelle transnationale et néoimpériale de la Russie et de son influence popularisée par le Kremlin à la fin des années 2000. L'intégration d'une cathédrale orthodoxe en France, incarne aussi l'influence des autorités politiques et religieuses de la Russie. Un élément très important de l'influence de la facette de la diplomatie culturelle Russe. La France, en tant qu'ancienne puissance coloniale encore bien présente sur le continent africain, constitue une cible de choix pour les acteurs d'influence russe, et fait l'objet de campagne de dénigrement et d'opérations, orchestrées par des acteurs liés au groupe Wagner.
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