vendredi 16 octobre 2020

 GÉOPOLITIQUE/   ENJEUX DU  PARADIGME POUTINISTE EN ASIE ET LES AMBITIONS DE PÉKIN 

Érigé en priorité nationale de la Russie pour le XXI siècle par le dictateur Vladimir Poutine, le développement de l’Extreme-Orient et de la Sibérie orientale Russes profite des relation tendues avec l’Occident  sur le fond de conflit Ukrainien. Dans un contexte de crise économique Moscou veut diversifier ses débouchés commerciaux en renforçant ses liens politiques et stratégiques avec l’Asie orientale. La Chine en premier lieu.



Frontalière et pourtant éloignée de l’Asie de l’Est, la Russie se réoriente vers ses voisins orientaux dans un contexte de défiance vis-à vis de l’Occident. Pétrole, infrastructures de transport, location de terres agricoles et partenariats dans des organisations internationales matérialisent des relations de plus en plus étroites et un rejet commun d’une ingérence occidentale dans leur pré carré revendiqué respectif. En dépit de relations troubles, les deux pays sont engagés depuis 1996 dans un rapprochement, d’abord matérialisé par le Groupe de Shanghai dans lequel ils étaient associés au Tadjikistan, au Kirghiztan et au Kazakhstan, puis avec l’Organisation de coopération de Shanghai qui lui succède lorsque l’Ouzbékistan les rejoint. Depuis la chute de l’URSS, Pékin et Moscou se partagent des intérêts communs, notamment géopolitiques et géostratégiques, tous deux étant membres du conseil de sécurité des nations unies mais pas de l’OTAN. Soumise aux sanctions occidentales, conjuguées à la baise du prix du pétrole, contribuant à fragiliser une économie dont 40% du PIB, 60% des recettes budgétaires et 89% des exportations sont issus de la vente d’hydrocarbures. Moscou, dont les ambitions occidentales pour ses débouchés d’hydrocarbures ont été mises à mal par l’éssor du gaz de schiste aux Etats-Unis, fermant un marché américain qu’elle jugeait promoteur, et par la crise Ukrainienne, faisant chercher à certains pas d’Europe de l’Est d’autres fournisseurs de gaz, a trouvé en Asie de nouveaux clients de long terme. Elle se tourne donc vers la chine grande importateur d’hydrocarbures et soucieuse de diversifier ses sources d’approvisionnement. Depuis déjà quelques années,  les deux présidents ont signé un accord prévoyant la livraison de 40 milliards de mètres cubes de gaz russe par an à la chine à compter de 2018 compléter par le lancement de la construction du gazoduc appelé ( Force de Sibérie). En somme, la Russie est devenue le premier fournisseur de pétrole de la chine avec 4 millions de tonnes, devant l’Arabie Saoudite. En dehors des hydrocarbures, Poutine, qui cherche à développer une Sibérie sous- peuplée et sous exploitée, se tourne vers le voisin chinois en manque de sols arables. La chine a ainsi loué, en 2015, 160 000 hectares de terres à la Russie dans la région de Transbaikalie pour une durée de 40 années. Ce bail n’est que la partie visible d’un mouvement de fond qui voit des milliers de travailleurs chinois traverser, parfois dans l’illégalité, une frontière autrefois dépeuplées du Sud de la Sibérie orientale. Autant de signes qui font craindre aux russes locaux une tentative chinoise de reprendre la main sur une région qu’elle considère historiquement sous son influence. Un sentiment renforcé par un facteur démographique fragile puisqu’avec environ 7 millions de russes, le district fédéral extrême-oriental fait face à prés de 76 millions de chinois des provinces frontalières du Heilongjiang. Pour Poutine, l’objectif est de devenir un partenaire de premier ordre, en misant sur 200 millions de dollars d’échanges d’ici à 2030 contre 76 milliards en 2016. Les orientations russe vers l’Asie orientale ne se limite pas à la chine. Le Kremlin entend également ménager son voisin Nord-Coréen avec qui il partage une étroite ligne frontalière et dont elle a éffacé 90% de la dette contractée par la Corée du Nord. Poutine, s’accorde avec le dirigeant coréen pour envoyer à la frontière les migrants clandestins et, le rouble est officiellement utilisé dans les échanges entre les deux pas.


Alors que Pékin a témoigné d’une certaine prise de distance vis-à vis de la Corée du Nord, la Russie semble en passe de redevenir le premier soutien du dernier régime stalinien de la planète. Avec le déclin progressive des Etats-Unis sur le plan économique, les deux puissances  hégémoniques partagent déjà un rejet de ce qu’ils considèrent comme une ingérence américaine dans leur chasse gardée. Les troubles en mer de chine méridionale pourraient pousser Pékin à favoriser ce tropisme asiatique de la Russie dans un avenir proche.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA

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