En 2012, le
constructeur automobile Renault signait un protocole d’accord avec le
gouvernement algérien pour l’implantation d’un site de production dans la
wilaya d’Oran. Cette étape annonçait le
lancement d’une politique volontariste visant à relancer un secteur perçu comme
stratégique. Cette prise de position s’inscrivait dans la lignée des
gouvernements précédents, lesquels se sont efforcés de réorienter l’économie
national depuis la fin des années 1980.
Entre 2012
et 2016, le nombre de véhicule individuels neufs importés chaque année en
Algérie est passé de 606 000 à 99 374 à la faveur d’une réduction
drastique des licences accordées aux concessionnaires locaux. En 2017, le gouvernement algérien a fixé le
quota d’importation entre 40 000 et 50 000, et aucune licence n’a
été donné pour 2018. Entre le premier semestre 2016 et le premier semestre
2017, la valeur totale des voitures a chuté de 72%. Une telle réduction de l’offre
ne va pas sans générer des stratégies d’ajustement du coté des demandeurs. Le
choix de maintenir le marché automobile algérien sous tension s’explique par
une volonté politique, obéissant aux ordres de la présidence, les autorités s’efforcent
de mettre en œuvre un ambitieux projet de développement économique fondé sur la
réindustrialisation du pays. Les contraintes infligées à l’import vont de pair
avec une série de mesures incitant les constructeurs étrangers à implanter
leurs usines en Algérie. Cet effort répond à des impératifs bien connus tels
que la réduction des déficits et du chômage (12% en 2017, selon le FMI.) Dans
la même foulée, l’Algérie a du mal à s’insérer dans un système de concurrence mondialisée, marqué par la dépendance au capital transnational. Ainsi, les débats publics et
les tensions apparus au cours de la dernière décennie, témoignent de la
difficulté à trouver un équilibre entre enjeux politiques et intérêts
économique, sans oublier le poids d’une oligarchie mafieuse qui gangrène le
pays.
INTÉRÊTS PRIVES ET CAPITALISME DE CONNIVENCE
Les
constructeurs automobiles ayant implanté leurs usines en Algérie ont ainsi
bénéficié d’exonérations diverses et d’un tarif douanier préférentiel à 5%. Pour les sous-traitants intervenant dans la
chaîne de production, ils ont obtenu une exemption des droits de douane et de
TVA durant cinq ans. Ainsi l’accord avec Renault lui garantissait une situation
de quasi-monopole, avant que le marché national ne soit finalement divisé avec
l’implantation de Hyundai et de
Volkswagen. Dans ce cadre, le concours de partenaires étrangers est capital
afin de permettre un transfert de compétences, qu’il s’agisse de gouvernements
Européens ou de constructeurs automobiles. Ainsi, l’accord récent conclu entre
Peugeot et l’Algérie, implique que l’entreprise Française participe à la
formation de 10 000 stagiaires chaque année afin de pourvoir aux besoins
du secteur. En échange de son assistance matérielle et humaine, Peugeot se voit
garantir un accès au marché algérien. D’un point de vue économique, la
nécessité de dépasser les divisions entre secteurs public et privé, et de mettre
en place un dialogue social afin d’allier efficacité économique et justice
sociale, ils restent cependant des contradictions à surmonter vu une grappe de l’ombre
qui tient le monopole avec la bénédiction de la présidence. Dans le même temps,
le dépassement de la division privé-public a été au principe même de ce
capitalisme de connivence enrichi par les monopoles qui a prospéré en Algérie
depuis les années 1990. Dans ce contexte, la reconfiguration du marché
automobile afin d’attirer des capitaux étrangers a ouvert la voie à une
compétition entre capitalistes locaux. Du fait de la règle du 51-49% limitant
les investissements étrangers, ceux-ci se placent en effet en partenaire
incontournables des constructeurs souhaitant implanter une usine en Algérie. C’est
ainsi que l’homme d’affaires (Mahiéddine Tahkout), très proche du premier
ministre Ahmed Ouyahia, a pu s’associer à Hyundai pour installer l’usine de
Tiaret. Il a aussi bénéficie d’une convention bancaire généreuse accordée par
la Banque nationale d’Algérie afin d’offrir des crédits avantageux à ses futurs
clients. Ses intérêts privés de ces affairistes est dépendant de la protection
politique du sérail dont ils disposent. En
mars 2017, une série de clichés publiés par les lanceurs d’alerte ont ainsi
révélé que le groupe Tahkout se contentait d’ajouter des roues aux véhicules
Hyundai déjà entièrement assemblés. Sur fond d’accusations de détournement d’aides
publiques et de photographies montrant une usine vide, le gouvernement a dépêché
une commission d’enquête sur place. Bien que l’homme d’affaires ait été blanchi
au nom du respect du cahier de charge, ce sont les conditions mêmes du
partenariat entre autorités algériennes
et affairistes locaux qui interpellent. La bataille pour le développement offre la possibilité de
dégager des énormes bénéfices sans prise de risque, mais le tout reste financé
par les deniers publics. Dans ce pays, le capitalisme de connivence détourne
les politiques volontaristes de leur but initial. En l’état, ce ne sont pas les
hommes d’affaires qui paient le prix de ces malversations mafieuses, mais le
pauvre peuple pris en otage par le pouvoir.
Au cours de l’année coulée, deux ministres de l’Industrie et des Mines
ont été limogés. Après Bouchouareb (2014-2017), accusé d’avoir favorisé le développement
d’un systéme d’importations déguisées, c’est Mahdjoub Bedda (out 2017) qui a
pris la porte, après avoir critiqué les constructeurs automobiles et les choix
de son prédécesseur. Afin de renforcer la production du pays, le pouvoir
algérien n’a d’autres choix que de négocier avec une multitude d’acteurs
nationaux. Pour autant, cette réalité de la gouvernance contemporaine n’empêche
pas la persistance d’un dirigisme étatique, d’une volonté d’organisation à la
fois la société et l’économie au nom d’impératifs politiques. En clair, l’essor de l’industrie automobile
et, plus largement, la bataille pour le développement en Algérie restant en
premier lieu des questions de souveraineté. Au-delà de l’idée d’échec, cette
impatience du sentiment d’urgence qui imprègne la nouvelle bataille. Depuis
2013, la diminution des réserves de devises fait figure de décompte annonçant
une déflagration sociale semblable à celle de 1988.
C’est dans ce contexte, que
le pouvoir algérien a mis en œuvre sa politique ambitieuse de limitation des
importations et d’attraction des constructeurs. Les attentes que nourrissent
des discours officiels sont toutefois en décalage avec les réalités de l’industrie
automobile. Les autorités algériennes,
qui appelle de ses vœux une insertion dans le système de compétition globalisé,
réactive dans le même temps un discours souverainiste blâmant le capital
international pour ses mensonges et ses institutions mercantiles, en somme la
pays est dans un impasse politique dangereux et les élections de 2019, sont déjà
en rouge.
MOHAMMED
CHÉRIF BOUHOUYA
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