lundi 20 octobre 2025

GEOPOLITIQUE/ LES TERRITOIRES DEMEURENT ENCORE LE PIVOT DE L'HEGEMONIE ? " 

Il n'y a pas de géopolitique sans prise en compte de l'espace". La biogéographie conçoit l'Etat comme forme d'extension de la vie à la surface de la terre, écrivait ( Friedrich Ratzel 1844-1904) dans sa Géographie politique en 1897. Pour la géopolitique classique de la fin du XIX siècle et du début du XX siècle, l'ampleur du territoire que contrôle un Etat est le fondement même de sa puissance. 



Il cherche à l'étendre par la guerre avec les pays voisins, les conquêtes coloniales ou l'exploration de terres encore vierges ( la Sibérie pour les Russes ou la conquête de l'Ouest pour les Américains avec son assortiment de génocide; sans oublier le racisme colonial et la stérilisation forcée du Danemark contre les minorités du Groenland 130 000 femmes "1960-1970", et le même scenario en Amérique Latine par la CIA). En outre, les territoires n'ont pas tous la même valeur, qui dépend de leur situation, de leur accessibilité, de leurs richesses naturelles et humaines. "Depuis, la donne a changé. Les grandes constructions impériales sont mortes. L'espace terrestre étant divisé en près de deux cents Etats, la puissance s'identifie-t-elle encore au sol ? Ne se définit elle pas plutôt par la manipulation et le contrôle des flux de biens, d'argent, de personnes, d'images"? s'interroge le politologue Philipe Moreau Defarges. Dans l'histoire, aussi bien en Europe qu'en Asie, en Afrique ou dans l'Amérique précolombienne, les puissances ont presque toujours été des empires; leur étendue assurait leur force et leur force permettait leur extension. Les analystes discutent néanmoins aujourd'hui de l'ampleur des profits qu'ont réellement tiré de leurs colonies la Grande-Bretagne ou la France si l'on tient compte des coûts de mise en valeur et de défense de ces territoires. " Comme si, pris d'une folie des grandeurs impériales, Paris et Londres démesurément vastes", note Florian Louis. La domination Américaine sur le monde aprés la Seconde Guerre prendra ainsi d'autres formes. Mais nombre de gnomes pays, en termes de superficie, peuvent avoir par leur richesse, comme le Qatar ou les Emirats, par leur longue expérience de médiation comme la Suisse, leur autorité morale comme le Vatican ou leur capacité militaire comme Israël, un poids significatif sur la scène internationale. Les flux immatériels accentuent encore un peu plus la déterritorialisation de la puissance, mais celle-ci conserve cependant son ancrage. C'est vrai pour les GAFAM, prospérant sur les immenses capacités de recherche et d'innovation américaine qui attirent des chercheurs du monde entier. L'internet est toujours plus étroitement contrôlé sur leurs territoires par les régimes autoritaires qui disposent ainsi de nouveaux moyens de puissance, de surveillance et de manipulation. La mondialisation et l'immatériel rendent la géopolitique plus complexe; ils ne l'abolissent pas, comme est venue nous le rappeler l'agression russe en Ukraine qui se déroule autant dans le cyberespace, l'espace extra-atmosphérique que dans les tranchées du Donbass. 

LES ETATS-NATIONS ET LA SOUVERAINETE ETATIQUE 

La nation, c'est un peuple libre et souverain et une société fondée sur le contrat social cher à " Jean-Jacques Rousseau. La République incarne l'accomplissement d'un Etat-nation déjà en gestation dans les royaumes tels  que celui de France ou des l'Angleterre. Deux siècles plus tôt, le vieux Continent était morcelé entre duchés, principautés, cités États, mais aussi empires : en tout, quelque 200 entités étatiques à l'orée du XVI siècle. En 1815, lors du congrès de Vienne, qui aprés l'aventure napoléonienne posait les bases d'un concert européen, il n'y en avait déjà guère plus d'une vingtaine autour de la table. L'Etat national s'est avéré plus apte que les autres à mobiliser la force militaire, faire la guerre et la gagner tout en satisfaisant les intérêts de sa base de pouvoir, les classes moyennes et marchandes. Le terme même d'Etats est tardif. Il ne commence à être défini clairement qu'au XVI siècle sous la plume de juristes et philosophes comme Nicolas Machiavel, Jean Bodin, Thomas Hobbes, dont les écrits fondent l'idée du pouvoir politique souverain hors de toute considération ( morale ou religieuse.) L'Etat-nation s'est étendu à tout le Vieux Continent au XIX siècle avec l'unification allemande menée par la Prusse et italienne par le Piémont. Des peuples unis par une même langue et une même culture se constituaient en un Etat commun. Après 1918, ce modèle politique triompha aussi à l'est du continent sur les décombres des empires centraux, alors que se dessinait une nouvelle carte de l'Europe avec le traité de " Versailles" et ses annexes ( Sèvres, Saint-Germain, Trianon". Ces nouveaux Etats englobaient nombre de minorités ethniques et autant de conflits latents. L'après Seconde Guerre mondiale paracheva le processus d'homogénéisation nationale, surtout dans les pays sous domination soviétique. Une décennie plus tard, les Etats nés de la décolonisation ont repris ce modèle bien que leurs frontières tracées par les ex puissances coloniales soient en très large part arbitraires. Si les Etat-nation restent le sujet central du système international, il recoupe des réalités très différentes, notamment pour la définition de la nation. Héritée de la révolution et des Lumières, la vision française est ouverte. En opposition à l'universalisme des Lumières. Les différences ont longtemps perduré notamment pour l'acquisition de la nationalité, la France privilégiant le droit du sol alors que l'Allemagne, L'Italie et tant d'autres faisaient primer celui du sang. Quand a la souveraineté étatique, parfois elle commence par " l'Etat, c'est moi" : la célèbre formule attribuée à Louis XIV est probablement apocryphe mais n'en résume pas moins la volonté de pouvoir absolu du monarque dépositaire de la souveraineté. Ce modèle de souveraineté reste toujours vivace notamment au sein des monarchies arabes comme l'Arabie Saoudite, les Emirats, le Sultanat d'Oman, le Bahreïn, le Koweït, L'Egypte, le Maroc, la Tunisie, la Libye, l'Iran, Israël, de Hafftar,  la Chine, la Russie, la Corée du Nord et dans certains dictatures à travers le monde. La République, elle, se fonde sur la souveraineté du " peuple". Les formes de l'Etats peuvent être très différentes : de nature monarchique, oligarchique, théocratique, dictatoriale, républicain, démocratique, etc. Il peut être unitaire et centralisé, ou fédéral. Un Etat, quel que soit son régime, c'est d'abord un territoire délimité par des frontières, des institutions propres et une population. L'Etat fait la loi, juge, lève l'impôt, maintient l'ordre, décide de la guerre et de la paix. Il est celui qui fixe les règles garantissant la paix civile, laquelle permet de ne plus vivre dans l'état de nature et dans la pusillanimité. ( En vertu du pouvoir que lui a conféré chaque individu singulier, dispose de tant de puissance et de force rassemblées en lui que la terreur qu'elles inspirent lui permet de modeler les volontés de tous les hommes afin de pacifier l'intérieur et de s'entraider face aux ennemis de l'extérieur", écrit Thomas Hobbes ( 1588-1679). En revanche, le monde des relations internationales est resté celui de la guerre de tous contre tous, faute d'une autorité commune unanimement reconnue. Les Etats, quelle qu'en soit leur forme, se sont façonnés par la conquête élargissant leurs territoires et dépeçant leurs rivaux. Depuis que la race humaine est sur la terre, Ils se font la guerre, mais c'est surtout la guerre qui les fait. " Proclamer l'injustice intrinsèque de la force, c'est décréter l'injustice originelle de toutes les normes juridiques inconcevablement en dehors des Etats, notait Raymond Aron, "dans paix et guerre entre les nations". Paradoxalement, les rêves d'un multilatéralisme et d'un ordre international qui ne serait plus celui de la force pure mais du contrat entre les nations comme entre les citoyens ont commencé à prendre forme avec les Lumières. Les tragédies du XX siècle ont incrustés cette réflexion. Ce sont les Etats du Vieux Continent, jadis berceau du monde, qui en préparent le dépassement. La Communauté économique européenne puis l'Union européenne ont inventé une souveraineté partagée. Les Etats membres renoncent volontairement à une partie de ce qui constituait leurs prérogatives exclusives, comme la monnaie avec l'euro ou les frontières avec l'espace Schengen. Durant des siècles, la souveraineté fut l'aiguillon de la modernité et de la liberté des peuples. Elle ne l'est plus. selon certains analystes. 

PUISSANCE/ SUPERPUISSANCE ET LA FORCE MILITAIRE 

Au sein de l'assemblée générale des Nations-Unies, les Etats membres disposent chacun d'une voix, mais certains sont plus égaux que les autres. Les épreuves de l'échec de la Société des Nations dans l'entre-deux-guerres, l'ONU a créé un Conseil de sécurité qui en est l'organe suprême, composé de cinq membres permanents qui sont les alliés vainqueurs du nazisme, depuis tous dotés de l'arme nucléaire et disposant du droit de veto. Se sont les grandes puissances avec un évident primat des Etats-Unis, suivie par la Chine, puis loin derrière par la France, le Royaume-Uni et une Russie qui revient en force. Mais ce statut au sein de l'ONU ne suffit pas à définir ce qu'est une grande puissance, d'autant qu'il est de plus en plus contesté par les puissances émergentes. Le système international a toujours été oligarchique, ou hégémonique : quelques acteurs, appelés grandes puissances, ont dominé la scène et fixé les règles non écrites de la compétition, relevait "Raymond Aron ( 1905-1983). Ce rôle découlait du volume de leurs ressources comme de leur force militaire. L'exemple le plus achevé d'un tel condominium des puissances fût le " concert européen" tel qu'il fut mis sur pied par le congrès de Vienne en 1815 aprés la débâcle de l'aventure napoléonienne, réunissant les vainqueurs : l'Angleterre, la Prusse, l'Autriche, la Russie, mais aussi la France vaincue. C'est aussi à cette époque que la notion de grande puissance apparaît. ( Un Eta obtient ce statut non seulement parce qu'il dispose de ressources militaires et économiques supérieures à celles des autres mais aussi parce que les autres Etats reconnaissent qu'il possède un statut supérieur dans la société internationale), écrit Fabrice Argounés dans " Théories de la puissance". Etre coopté dans le club des grands conférait certains droits : aucune affaire d'importance ne devait être traitée à l'intérieur du système sans que toutes les puissances fussent consultées. D'où tout au long du XIX siècle, la longue série de conférences internationales et les traités pour se partager l'Afrique ou réguler les agitations balkaniques. Chaque avantage gagné par l'un des grands acteurs impliquait que les autres obtiennent des compensations. La première Guerre mondiale balaya ce système. Le grand rêve de rendre la guerre impossible lors de la conférence de paix de Versailles créa la Société des Nations, fondée sur l'égalité entre ses membres. Une ébauche de démocratie mondiale qui fut un échec. Après le second conflit mondial s'est constitué un monde bipolaire, dotées de l'arme nucléaire. Chacune domine son système d'alliances : L'OTAN pour les Occidentaux, le pacte de Varsovie à l'est avec les démocraties populaires de fait occupées par la Russie. Les tiraillements au sein de chacun des deux blocs sont réels. A l'ouest, la superpuissance Américaine est relativisée par l'idée Gaullienne de grandeur et par la puissance économique acquise par l'Allemagne et le Japon. A l'est, la prééminence soviétique est contestée par la Yougoslavie de Tito et par la Chine de Mao. 


Avec la chute du mur de Berlin en 1989, puis l'effondrement de l'URSS deux ans plus tard, surgit le mot d'Hubert Védrine, une "hyperpuissance", avec l'hubris qui en découle et ses inévitables échecs. Meme s'ils ne sont plus la seule superpuissance avec la montée en force de la Chine, les Etats-Unis restent loin la première, et notamment sur le plan militaire, concentrant à eux seuls quelque 40% des dépenses d'armement dans le monde.


MOHAMMEDCHERIF BOUHOUYA

EXTRAIT DU LIVRE PROCHAINEMENT EDITE

GEOPOLITIQUES-GEOSTRATEGIE/ SOUS LE JOUG DES SUPERPUISSANCES

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire