mercredi 19 octobre 2022

 GÉOPOLITIQUE/ LA BOSNIE-HERZÉGOVINE:  UNE NOUVELLE GUERRE A L’HORIZON

Face aux velléités sécessionnistes de la République Serbe, la B-H fait face actuellement à une situation largement considérée comme la plus grande menace existentielle à laquelle le pays ait été confronté depuis l’adoption des accords de Dayton et le fin de la guerre en 1995. Si les Balkans comptent plusieurs foyers crisogénes, nous assistons donc à une transformation de façade, qui envoie des signaux de fumée pour conforter l’UE et ainsi bénéficier de subventions, mais sans chercher réellement à démocratiser et à transformer le pays. D e son coté l’UE ferme les yeux sur la situation et se contente d’entendre ce qu’elle souhaite entendre.



Les tensions sont vives en B-H, alors que Milorad Dodik, le membre serbe de la présidence tripartite bosniaque, multiplie les mesures ostentatoires vers la sécession. Si le pays n’est certes pas étranger aux troubles politiques et à l’instabilité, cette situation tendue par le guerre en Ukraine, qui force les acteurs régionaux à prendre des positions diamétralement opposées. Les accords de paix de Dayton de 1995 définissent la Bosnie-Herzégovine ( B-H) comme étant constituée de deux «entités » : la fédération de B-H et la république serbe. Alors que la B-H se compose de dix cantons, la RS ( Republika Srpska) possède un système politique unitaire. Outre la Constitution de B-H, les entités et les cantons ont leurs propres constitutions, gouvernements, assemblées législatives et judiciaires. Dans toute sa complexité, le système politique et constitutionnel de la B-H est basé sur la principe de la parité entre trois groupes ethniques désignés comme peuples constitutifs. Les Bosniaques, les Croates et les Serbes, reflète l’équilibre des pouvoirs entre les groupes ethniques au terme de la guerre de Bosnie qui a eu lieu entre 1992 et 1995. Le principe des peuples constitutifs imprègne tous les niveaux du système politique et constitutionnel, les trois groupes bénéficiant d’une représentation et d’une participation garantie au gouvernement, aux législatures et même au pouvoir judiciaire. Ce système s’avère non fiable, car il existe 14 autres minorités ethniques non représentées, jugé discriminatoire par la Cour européenne des droits de l’homme en 2009. En effet, la B-H reste soumise à deux tendances parallèles, l’un visant une fédération accrue et l’autre une centralisation renforcée. La première tendance correspond aux menaces répétées d’organiser des référendums d’indépendance en RS et aux revendications de créer une troisième entité à majorité croate. La tendance de centralisation fait référence aux tentatives périodiques des partis bosniaques d’établir un système unitaire en vue de revenir à la Constitution de 1992. Cette dernière est née de la crainte d’une rupture de la RS qui entraînerait une autonomie pour les Croates. Néanmoins, les Serbes et les Croates redoutent une perte de leur autonomie au profit de tendance centralisatrices. Ces tractations rendent la coexistence très tendue tout en alimentant une méfiance mutuelle, et des tensions à tous les les sphères du gouvernement. Le gouvernement de la RS s’oppose à l’adhésion à l’OTAN et à l’existance d’un système judiciaire au niveau national de la B-H. En 2021, après avoir annoncé la création d’une armée de la RS, Dodik a dévoilé, le 28 octobre 2021, un document stratégique contenant une liste de revendications, ce qui avait alarmé les chancelleries occidentales. Dans ce document, il exige un partenariat des pouvoirs des institutions de la B-H vers des organismes sous l’autorité de la RS, notamment en matière de défense, de renseignement et d’institutions judiciaires et fiscal. La loi jetant les bases de cette réforme a été adoptée, bien que l’opposition de la RS ait boycotté le parlement le jour de son adoption. Cet manœuvre politique aventuriste, a provoqué une vive attention en B-H, dans l’ensemble de la région et aussi à l’échelle internationale avec un scepticisme réelles. Dodik a donc annoncé que la RS quitterait les principales institutions de l’État national afin de poursuivre son autonomie. Dans ca déclaration, il a insister que les agences bosniaques de la justice, de la sécurité et du renseignement seront interdites d’opérer en RS et remplacées par des institutions sous l’autorité de la RS. Ce qui signifie, que la présence des institutions fédérales a été déclarée inacceptable au sein de cette entité fédérée. Il s’agissait donc de renverser un total de 140 décisions de transfert de pouvoir des entités vers le gouvernement central qui avaient été effectuées au cours des années. L’aspiration de Dodik à établir un État mono-ethnique a ravivé un sentiment d’insécurité chez les Bosniaques non serbes ayant survécu aux terribles horreurs de la guerre civile. La crise sécuritaire actuelle fait craindre une reprise du conflit armé, imprégnée déjà dans les consciences collectives. Alors que Dodik insiste sur le fait que ses démarches ne reflètent pas des ambitions sécessionnistes, sa rhétorique est loin d’être rassurante. Persistant dans ses déclarations incendiaires, Dodik à écarté la menace de sanctions européennes, affirmant que son isolement par rapport à l’Occident ne ferait que le contraindre à renforcer ses liens avec la Chine et la Russie. Un énorme défi pour l’Europe et aussi pour les nationalistes belligérants à se lancer dans cette direction téméraire. Les menaces de Dodik visant à attiser les tensions nationalistes et à renforcer la popularité du dirigeant à la lumière des prochaines élections, le désir de Dodik reste aussi motivé par les exclusions identitaires qui dominent actuellement la scène « est-européenne ». Dans une région en proie aux tensions intercommunautaires, l’ombre de son allié politique, Victor Orban, Dodik peut exploiter le discours ethniciste et étendre les pouvoirs de l’entité serbe de Bosnie. De surcroît, la révision des frontières est une boite de Pandore que nul ne peut voir ouvrir dans la région car elle comporte le risque d’un effet « domino »sur d’autres demandes de révisions frontaliers, notamment au Kosovo, mais aussi en Serbie, en Macédoine du Nord, au Monténégro et au-delà.


De plus, cette perspective représenterait un échec des institutions mises en places dans la foulée des accords de Dayton, un échec de 30 ans d’efforts déployés par l’UE, l’OTAN, l’ONU et bien d’autres partenaires internationaux. Ainsi, le premier ministre hongrois Victor Orban a offert 100 millions d’euros afin de l’aider de financer ses institutions parallèle. Toutefois, le Serbie, visant à regagner la confiance de l’Occident, n’a manifesté aucun intérêt à approuver la stratégie de Dodik. De même, la Russie a exprimé son soutien à l’entité serbe bosniaque.

MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA











1 commentaire:

  1. Les spéculations se multiplient selon lesquelles la principale motivation de Dodik à décentraliser est d'éviter que les rapports sur sa corruption notoire ne fassent l'objet d'une enquête sérieuse par les procureurs de l'Etat. Début décembre 2021, le nouveau représentant en Bosnie, Christian Schmidt, a affirmé que Dodik essayait simplement de tester les lignes rouges pour voir jusqu'où il pouvait aller, invoquant que le dirigeant serbe de Bosnie avait déjà renoncé à ses intentions initiales de retirer les troupes serbes des forces armées conjointes bosniaques.

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