jeudi 15 novembre 2018

GÉOPOLITIQUE/ GÉOSTRATÉGIE/ LE HARD POWER RUSSE EN AFRIQUE



             
En Afrique du Nord, la Russie réaffirme en catimini ses intérêts stratégiques, énergétiques et commerciaux. Si le Maroc et la Tunisie n’ont jamais été au nombre des Etats clients de la Russie dans le monde arabe, avec ces pays, la Russie privilège les dossiers commerciaux et avance prudemment dans les domaines de souveraineté compte tenu de la proximité politique de Rabat et de Tunis avec les Occidentaux notamment la France.





Depuis la dégradation des relations russo-occidentales consécutives à la crise Ukrainienne et le rôle croissant de Moscou dans l’affaire Syrienne ont cependant convaincu certains pays de la région d’étendre leurs coopérations. Cette manœuvre qui séduit les prédateurs dans cette région toujours en ébullition sociale, vire à l’ingérence dans l’autre camp de l’Union- Européenne notamment la France et l’Allemagne et le Royaume-Unis.  Depuis plus de deux décennies, la Russie s’ouvre d’une manière directe sur la scène internationale. Après avoir semé le chaos en Syrie avec un génocide passé sous silence, Poutine réaffirme ses appétits géopolitiques et géostratégiques en Afrique du Nord  qui peine à  échappé à cette hégémonie rampante.

ALGÉRIE / RUSSIE/ LE PRIVILÈGE D’UN COMPLEXE MILITARO-INDUSTRIEL



L’Algérie reste le principal point d’appui de la politique soviétique depuis les années 1950 vu le soutien de Moscou au FLN. Au fil du temps, elle s’est transformée en solide relation d’Etat à Etat. En 2006,  Poutine se rend à Alger, ou il avalise l’effacement de la dette Algérienne contactée pendant la guerre froide. Dés lors, échanges et visites se multiplient en 2010 et en 2017 avec l’appui de Dimitri Medvedev. La diplomatie Algérienne, évoque la question du Sahara –Occidental et les ventes d’armes. Depuis 2006, Alger a passé commande de blindés « 200 chars T-90 et modernisation de 360 transports de troupe BMP-1 », de systèmes antiaériens Pantsir, Bouk et S-300, d’hélicoptères de transport et de combat Mi-17, Mi-26 et Mi-28, d’avions d’entrainement et de combat Yak-130 et Su-30, de deux sous-marins classiques de la classe Kilo type 636 en 2018  ainsi que de missiles sol-sol Iskander. Sans oublié des chasseurs-bombardiers Su-34, des systèmes antiaériens longue-portée Antei-2500 et des ravitailleurs II-76 pour un montant de 1 milliard de dollars par an, et d’autres commandes en cours représentant prés de 10 milliards de dollars. Cette course à l’armement  et le résultat de l’antagonisme galopant qui gangrène les deux pays « Algérie-Maroc »  sur le conflit du Sahara-Occidental (voire l’analyse sur les richesses au sein du pays), les deux pays demeurent les plus grands acheteurs d’armes dans tous le continent Africain. Autre volet stratégique entre l’Algérie et la Russie, l’énergie constitue un autre chapitre ambivalent de la coopération, les deux pays ont un intérêt commun à la bonne tenue des cours des hydrocarbures et ont plaidé, fin 2016, pour l’accord OPEP +, prévoyant le gel de la croissance de la production par les principaux pays exportateurs de pétrole. Gazprom « 49% » et la compagnie algérienne Sonatrach « 51% » détiennent une co-entreprise qui exploite le gisement d’EL-Asel, situé à 800 km au Sud d’Alger. Les deux groupes restent concurrents sur le marché européen du gaz. Si les échanges commerciaux bilatéraux connaissent ses dernières années une très forte augmentation « ils sont passés de 885 millions de dollars en 2014 à 4, 7 milliards en 2017 », ils restent peu diversifiés malgré la montée en puissance des ventes de blé russe et demeurent très déséquilibrés en faveur du Kremlin.

LE MAROC ET LA TUNISIE/ LES NOUVEAUX CIBLES DE LA DIPLOMATIE RUSSE



En 2016, la visite du roi du Maroc dans la capitale russe illustre la montée en puissance des liens bilatéraux. Les contre-sanctions décidées par Moscou en août 2014 contre les Occidentaux ont directement bénéficie aux exportateurs marocains de fruits et légumes pour un montant de 530 millions de dollars. Gazprom et le groupe privé Novatek sont pour leur part prêts à approvisionner le Royaume en GNL dans le cadre de zone programme de construction de centrales électriques au gaz. Sur le plan sécuritaire, le secrétaire du Conseil de sécurité nationale de Russie, s’est rendu au Maroc en 2016 afin de mieux consolider les relations géopolitiques et géostratégiques dans la région, quelques mois plus tôt, l’homme fort des services secrets marocains Abdelatif Hammouchi a été reçu à Moscou par ses homologues russes et dont ont ignorent ce qui se trame dans ses officines occultes. Du coté Tunisien, les deux pays ont signés en 2016 à Vienne un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil, ce qui permettra d’accompagner la Tunisie dans la conception et la construction de centres nucléaires, de réacteur de recherche, d’unités de classement et d’accélérateurs de particules. Il vise également à renforcer la coopération dans le domaine des gisements d’uranium  et dans l’exploitation des ressources naturelles en vue de la constitution d’une filière nucléaire en Tunisie. Dans ce contexte, la France et l’Allemagne restent très sceptiques de cette liaisons dangereuse vue l’affaire d’espionnage de 2015 impliquant des diplomates russes en poste à Tunis qui avaient recruté des agents locaux aux fins d’obtenir de faux passeports pour mener des opérations clandestines au Moyen-Orient.

LE DOSSIER LIBYEN ET LA REVANCHE DU KREMLIN


Depuis la chute de Kadhafi, la Russie tente de retrouver sa place sur le théâtre Libyen. Elle a certes misé sur le général Haftar (très proche de Washington),  reçu en Russie en novembre 2016 puis à bord du porte-avion en 2017, mais Moscou a toujours traité avec le gouvernement dit d’Union national dirigé par Fayez el –Sarraj. La Libye reste un dossier périphérique pour la Russie dont les objectifs du Kremlin sont principalement économiques et accessoirement politique. A long terme, le dossier Libyen permet de cimenter le partenariat avec l’Egypte, mais aussi apparaître comme un interlocuteur incontournable vis-à -vis de la France, l’Allemagne et l’Italie. Plus qu’avec l’Italie que Poutine discute du sujet de la Libye, une tendance qui devrait s’accentuer avec l’arrivée au pouvoir des populistes réputée très sensibles aux intérêts russes. Au-delà de ces postures, Russes et Européens semblent diverger sur leurs visions : alors que la Russie a eu pour obsession de contrôler un énorme espace comme se fut le cas sous les Tsars et le bloc soviétique (22 millions de km), l’Europe s’est faite forte de tourner le dos à une histoire violente. Deux visions des relations internationales se font face, antagonisme : d’une part, une stratégie Russe se fondant sur la multipolarité, une approche inspirée du concert des nations du XIX siècle ;  d’autre part, une vision Européenne s’appuyant sur la défense des institutions multilatérales soutenue par Emmanuel Macron et Angela Merkel, souhaitant préfigurer une gouvernance mondiale qui ne serait pas centrée autour des grandes puissances. Dans un monde multipolaire, la Russie ne peut être mesurée comme un pole autonome à l’égard des Etats-Unis et de la Chine, tandis que la gouvernance voulue par les Européens subit des attaques diverses liées à la montée des hommes forts comme Donald Trump, Poutine, Erdogan et Xi Jinping. Le cri de détresse alimenté par Emmanuel Macron pour une Europe souveraine en matière de défense et sortir du périmètre de l’OTAN explique favorablement la vulnérabilité de l’Union et l’équilibre des forces fragilisé qui se dessine à l’horizon. Entre la perspective des Polonais et des Etats Baltes d’un coté, hostiles à leur voisin qui constitue pour eux une menace potentielle, et de l’autre, les pays traditionnellement proches  de la Russie comme la Grèce et Chypre, constituent le point de fixation de la stratégie de Poutine et le manque de visibilité pour l’Europe.


Dans ce contexte très tendue, les Européens doivent se redresser comme un rempart afin de mieux renforcer leur cohésion et de promouvoir au mieux leurs intérêts. La doctrine de l’Union-Européenne doit reposer sur une identification légitime et précise, voire même réaliste des rivalités structurelles des ensembles géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques. En clair, le vieux continent se retrouve coincé entre un front anti-russe inatteignable et une politique d’apaisement avec des objectifs inatteignable.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA







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