GEOSTRATEGIE/ LES MISSILES HYPERSONIQUES : LE FORT ET LE FAIBLE
En 2019, lors du défilé marquant le 70e anniversaire de la République de Chine, des véhicules militaires transportant pour la première fois des missiles hypersoniques DF-17. Muni d'un transporteur furtif et capable de frapper une cible à 7000 km/heure, ce missile serait prioritairement conçu pour pénétrer la coque renforcée des navires de guerre tels que les porte-avions. Du coté Russe, le missile Zircon peut atteindre la vitesse de mach-8 ciblant ainsi une cible à plus de 500 km de distance. La missilerie hypersonique est souvent présentée comme un game changer causant une rupture dans les équilibres militaires.
Un missile est qualifié d'hypersonique lorsqu'il remplit deux conditions. La première est sa vitesse, supérieure à Mach 5 plus de 600 km/h. La deuxième est sa manœuvrabilité, le missile ou sa charge ayant une trajectoire plus ou moins imprévisible dans sa progression vers l'objectif. Cette caractéristique distingue un engin hypersonique de missiles à longue portée plus classiques, qui peuvent certes atteindre et dépasser les Mach 5, mais dont la trajectoire est balistique ou quasi balistique. Cette manœuvrabilité rend plus complexe une tentative d'interception. Il existe deux grandes catégories de systèmes hypersoniques : le planeur ( HGV - Hypersonic glide vehicle), propulsé par un booster qui lui confère son énergie. Une fois largué à haute altitude, il surfe sur les hautes couches de l'atmosphère, réduisant la prédictibilité de sa trajectoire. L'autre missile de croisière ( HCM-Hypersonic cruise missile), également propulsé par un booster, qui lui confère une vitesse permettant ensuite de lancer un statoréacteur classique ou supersonique assurant ensuite une propulsion continue. S'il évolue également à relative haute altitude, le missile de croisière est aérobie. Les systèmes hypersoniques qu'ils s'agissent des planeurs ou des missiles de croisière ne sont que les produits d'un continuité. Les missiles balistiques et de croisière n'ont rien de nouveau sur l'échiquier des puissances, néanmoins il faut observer que les systèmes destinés à les intercepter ont connu des avancées technologiques inquiétantes dans le monde. C'est dans ce cadre qu'un missile hypersonique est dangereux : ce qui le distingue des engins classiques est une trajectoire imprévisible pour les systèmes de défense. En ce sens, le terme hypersonique est partiellement trompeur, s'il fait intrinsèquement référence au facteur vitesse.
QUELS ENJEUX POUR LES ARMEES ?
Les premiers systèmes qui apparaissent sont liés à la dissuasion nucléaire. La Russie et la Chine travaillent ainsi rapidement sur des planeurs afin de contrer le système antimissile américain mis en place depuis les années 2000. Pour le Moscou et Pékin, les systèmes hypersoniques sont une manière de réassurer la dissuasion, qui atteignent effectivement leur cible. Au demeurant, plusieurs pays s'engagent dans cette voie. Pour la France, le futur missile ( ASN4G), qui va remplacer les missiles ( ASMP-A) de l'armée de l'air et de l'espace, doit accroitre la probabilité d'une frappe. Une seconde fonction des systèmes hypersoniques est la frappe conventionnelle sur des cibles à haute valeur ajoutée. De ce point de vue, ces systèmes ouvrent des nouvelles horizons opératives et tactiques. Dans les programmes américains ou japonais, il s'agit de pouvoir brusquer le tempo opérationnel, en traitant une cible dés sa détection, en prenant appui sur la portée et la vitesse des systèmes hypersoniques. Une troisième fonction reste le grand combat antinavire. La Russie a été la première à s'engager sur cette technologie avec le missile (3M22 Zircon), un missile de croisière hypersonique ( HCM) d'une portée estimée de 800 à 1000km et qui pourrait atteindre Mach 7 ou 8. Tiré depuis des bâtiments de surface ou des sous-marins, ses fonctions sont en réalité plus diversifiées. D'une part, ses essais ont démontré qu'il pouvait être utilisé contre des cibles statiques au sol et doté d'une charge nucléaire ou conventionnelle d'autre part. La Chine, le Corée du Nord, La Corée du Sud, le Grande-Bretagne, l'Australie, le Japon, la France et les Etats-Unis développent également des systèmes de frappe antinavires de haute technologie.
UNE TECHNOLOGIE MIRACLE ET DE RUPTURE
Technologie militaire de rupture pour les pays faibles, ces systèmes apportent clairement des avantages en termes d'assurances de la frappe, mais ce ne sont pas quelques planeurs hypersoniques qui changeront profondément la donne pour les Etats disposant déjà de plusieurs centaines de tètes nucléaires. Concernant les frappes conventionnelles, contre des cibles terrestres ou navales, la réponse reste encore plus nuancée. L'efficacité des missiles hypersoniques va certes dépendre de leur degré de maturation technique, mais surtout de facteurs autrement plus complexes, tant techniquement que militairement. Cibler un navire de guerre à 1000 km impose de disposer d'un réseau de capteurs autre que celui du navire ou du sous-marin Lanceur, ainsi que de systèmes de traitement de l'information adaptés. Cependant, cela implique des systèmes complexes et couteux, avions de patrouille ou satellites radar de reconnaissance océanique, liaisons satellitaires sécurisées et postes de commandement interarmées fonctionnels. Dans le cas américain, les différents systèmes en cours de développement vont être utilisés dans une vision dite multidomaine. Un scénario d'utilisation pourrait voir le pilote d'un appareil de combat ou de drone commander le lancement d'un missile depuis une batterie au sol, un autre avion ou un bâtiment de la marine de manière à ce que la frappe se produise quelques minutes plus tard. Maitriser cette technologie impose certes de disposer de missiles, mais surtout de liaisons de données, d'un système de commandement doté d'une intelligence artificielle qui décidera que c'est tel missile de telle batterie qui sera lancé ou encore de personnel formé à une "doctrine n'existant pas encore".
LE ROLE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS L'ART DE LA GUERRE
l'exécution de taches automatisées simples à grande échelle;
le contrôle des systèmes robotiques semi-autonomes et autonomes;
la reconnaissance de modèles pour prédire des tendances futures ou détecter des anomalies;
La classification et la reconnaissance d'objets et de signaux dans de grands ensembles de données;
L'optimisation des systèmes pour atteindre un objectif;
L'amélioration de la qualité de la prise de décision. Enfin, dans une guerre s'appuyant sur l'IA, la supériorité opérationnelle d'une armée sera déterminée par la quantité et la qualité des données qu'elle détient, par les algorithmes qu'elle développe, par les réseaux pilotés par l'IA qu'elle connecte, par les systèmes d'armes activés par l'IA qu'elle déploie et par les concepts d'exploitation proposés par l'IA qu'elle adopte pour créer de nouveaux modes de guerre.
La course mondiale à l'IArmement a débuté avec la robotisation globale du champ de bataille. Les trois premières puissances militaires mondiales, Etats-Unis, Chine, Russie sont désormais confrontées à la montée en puissance technologique d'acteurs du second cercle dont l'Inde, le Pakistan, l'Iran, la Turquie, les Corées, Israël, l'Australie, et le Canada. Dans cette dimension hors de contrôle, les rapports de force et équilibres ne sont jamais figés. Pour se maintenir dans cette nouvelle course le faible sera asservit et le fort prend le rôle du maître.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
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