Les
nouveaux seigneurs de la guerre en Libye, profitent du soutien des tribus et
perfectionnent pour leurs propres comptes des clans, soumis à leurs nouveaux
régimes tyranniques. Dans ces régions étendues, en lien avec le Tchad,
l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le
Soudan, le Niger, et l’Egypte, vivent depuis des siècles des semi- nomades
actuellement impliqués dans la contrebande et surtout le trafic d’armes sur
toute la bande frontalière notamment l’Algérie et la Tunisie.
La lutte
entre communautés et groupes ethniques pour le contrôle des gisements de
pétrole, des routes de contrebandes et de la frontière s’est ajoutée au conflit
politique national, avec l’arrivée d’acteurs étrangers au Sud et même en Libye.
La région est le principal centre
d’opération des réseaux acheminant des armes vers les pays frontaliers. La
menace du maréchal Haftar, qui n’a jamais fait de guerre, et soutenue par la
France, l’Egypte, les Emirats-Arabes- Unies et les Etats-Unis, a obligé Toubous
et Touaregs à rénover le pacte du XIX siècle et à se rapprocher du clan arabe
des Ouled Souleyman afin de se répartir le commerce illicite tout au long des
quelques 6000 kilomètres de frontières Sud. Dans le même temps, Tripoli lançait
avec l’appui financier de l’UE un plan d’action pour lutter contre le trafic de
carburant à l’intérieure du pays, sans évoqué le trafic d’armes, mais il reste
très difficile pour l’UE de combattre toute seule un phénomène dont elle maîtrise mal l’ampleur. Ainsi, depuis le début de l’année 2018, carburants et
armes légères, entrent de façon clandestine en Tunisie et en Algérie, en compte prés de 80 camions-citernes par
jour qui transite par le poste de Dehiba. L’économie Libyenne reste aux mains
des miliciens fortement armés qui changent souvent de camp, tant qu’ils seront
actifs et aucune solution ne sera possible
LA
CONTREBANDE DU CHAOS, L’ALGERIE ET LES SEIGNEURS DE LA GUERRE
Dans
l’Ouest, avec l’oasis de Sabah comme capitale, se sont les Touaregs qui
dominent. Présent également au Mali, au Niger, l’Algérie et au Burkina Faso,
ces nomades sont impliqués dans le trafic d’armes et du carburant depuis les
années 1970, depuis le boom international du pétrole et peu après la chute de
la monarchie d’Idriss I (1951-1969). Kadhafi les recruta dans la légion
islamique, force paramilitaire que le dictateur envoya combattre durant la
guerre avec le Tchad (1978-1987). Une fois de retour chez eux, ces miliciens,
déçus forment le Front populaire de libération du Sahara arabe central,
mouvement actif, servant de base pour les révoltes menées au Mali et au Niger
dans les années 1990. Sous le Pharaon Kadhafi, les Touaregs souffrirent de
politiques discriminatoires d’arabisation et d’islamisation, tout en étant
maintenus dans une situation de misère empêchant l’essor politique et social de la communauté. Un leader Touareg, Mohamed Ag Najim, s’enfuit au Mali avec tout
son arsenal et s’engagea dans la révolte de l’Azawad en 2012. D’autres
préfèrent l’islam radical instrumentalisé par les services saoudiens, comme
Ahmed Omar al-Ansari, personnage clé dans l’arrivée des Djihadistes en provenance
du Sahel et cousin d’Iyad Ag Ghali, fondateur du groupe armé Ansar-Eddine. En
2011, les Toubous se soulèvent contre le régime, prenant les armes, pétrole et
eau, mais leur ascension provoqua des tensions avec la tribu voisine arabe des
Zways, favorisé durant la dictature, avec des conflits armés, permettant
l’arrivée des milices étrangères et salafistes (lire l’analyse sur se sujet).
Historiquement, la répartition territorial entre Toubous et Touaregs date de la
fin du XIX siècle, pour marquer les zones
d’influences de chacun. Cet accord a été renouvelé en 2017 face à l’avancée
vers Sabha des forces de Haftar. Ce dernier contrôle début 2018 prés de 60% du
territoire national, dont les zones pétrolières les plus importantes, dominant
ainsi les trafics de brut, grâce à certains services secrets infiltrés sur
place. Fortement épaulé par les lobbyistes et les multinationales étrangères,
il doit néanmoins gérer au moins trois fronts belliqueux, Darnah, dans le Nord,
ou résident encore les milices djihadistes, la cité-Etat de Misratah, dans le
Nord-Ouest et surtout à Sabha contre les Touaregs. Le maréchal de l’apocalypse
Haftar, savait que contrôler le Sud était primordial pour avoir le reste du
pays, en plus des bénéfices issus du pétrole, il veut les routes de
contrebandes. A la fois pour s’enrichir et pour freiner les flux d’armes
destinés à l’Algérie et à la Tunisie, mais un autre seigneur de guerre
s’impose.
FAHMI
MOUSSA SALEM BIN KHALIFA : UN
SEIGNEUR DE GUERRE INCONTOURNABLES
L’un des
plus criminels les plus riches et influents du Nord-Est de la Libye, cible
privilégié de tous les services secrets. L’homme aux multiples tentacules qui
contrôle presque toute l’Afrique, a été pourtant enfermé dans les geôles de
Kadhafi de (1969 à 2011). Peu connu des
médiats, il est le patron d’AJD Trading, actionnaire majoritaire de la
compagnie pétroliére Tiuboda Oil and Gas Services Limited, propriétaire des bateaux
Baghasa Star et Amazigh F, il a été arrêté le 25 août 2017 prés de
Tripoli ; sa détention a mis en lumière un réseau de contrebande
d’hydrocarbure, en lien avec des organisations clandestines d’achat d’armes et
trafic de migrants. Un réseau aux revenus juteux, rapportant des milliards
d’euros par an et profitant à la fois aux groupes djihadistes locaux, aux
services secrets des deux rives et même à des familles de la mafia sicilienne.
Vu l’influence de cette mafia aux divers tentacules, la Libye ne peuvent
s’expliquer sans la contrebande, mais celle des armes est pourtant plus
importante. Certes il reste un facteur dont on parle peu, et Fahmi Moussa était
l’un de ses trafiquants le plus influant.
LA MAFIA
LIBYENNE ET ITALIENNE AU CŒUR DU TRAFIC
Fahmi
Moussa volait du pétrole d’Az-Zawiyah, à environ 50 kilomètres à l’ouest de
Tripoli, et l’envoyait par mer en Sicile, d’où la mafia Santapaola Ercolano le
distribuait dans le Sud de l’Europe, Espagne, Italie et la France, à travers
l’entreprise Maxcom Bunker. La chaîne mafieuse avait infiltré les institutions,
y compris le gouvernement Maltais, pour une valeur de 35 millions d’Euros et la
carburant était transporté dans les tankers de Fahmi Moussa et blanchi à Malte
avec de faux certificats Saoudiens. Plus tard, on a compris que l’assassinat de
la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassiné en 2017, figurait
dans ses archives des enquêtes sur la corruption, ainsi que celles du parquet
de Catane « Italie ». La journaliste avait, de plus, découvert que le
réseau criminel était impliqué dans l’immigration clandestine et le trafic
d’armes. Elle mourut dans l’explosion de sa voiture, piégée avec une bombe. La
justice Italienne, possède des preuves sur 40 de ces voyages, qui ont supposé
l’entrée en Europe de Plus de 80 millions de litres de carburant illicite.
C’est la partie visible de l’iceberg d’un négoce simple et rentable ayant des
ramifications en Tunisie, en Algérie, au Maroc, au Niger, au Mali, au Nigeria
et impliquant des groupes djihadistes comme EI ou AQMI au Maghreb islamique et
aussi Boko Harem. L’un des axes primordiaux de cette vaste économie parallèle,
s’articule le long de la cote Libyenne, entre Az-Zawiyah, Sabratha et Abou
Kammash, nom loin de la frontière Tunisienne. Ils sont protégés avec leurs
propres milices fortement armées, et forment un groupe hétérogène de seigneurs
de la guerre, contrôlant l’économie local, là ou l’Etat et fragmentée et
anarchique. Cela permet de mieux analysé, pourquoi le conflit en Libye n’a pas
de solution à moyen termes. En Libye, ce négoce reste très rentable, un litre
d’essence coûte officiellement environ 10 centimes d’euro sur le marché noire,
on peut le trouver pour deux centimes sur le terrain, la monnaie utilisée est
le dollar américain. Selon nos investigations, le trafic de personnes génère
prés de 1, 7 milliards de dollars par an et celui de carburants, plus de 2
milliards. A l’Ouest du pays, et au cœur du conflit se concentrent également des djihadistes pour
avoir le contrôle des différentes routes de contrebandes d’armes, de carburants
et de personnes. Ajoutant à cela, des mercenaires armés venus du Mali »
Touaregs », le Soudan, l’Egypte, le Tchad, la Mauritanie, le Niger, le
Nigéria, poussés par la misère et la pauvreté, ils obéissent aux ordres des
seigneurs de la guerre Libyens. L’homme fort de la zone était Ahmed Dabbashi,
plus connu sous le pseudonyme d’AL-Ammou, durant l’été 2017, lui et son
acolyte, Abderhaman Salem Milad Aka, ou Ali Baja, prirent les fonctions des
gardes- cotes au service du gouvernement de Fayez el-Sarraj, reconnu par la
communauté internationale depuis 2016, après avoir passé un accord financier
avec les services secrets Italiens. L’objectif a été atteint, réduisant le
nombre d’embarcation de fortunes en partance vers l’ile de Lampedusa, peu après,
les milices de Khalifa Haftar, ont causés une quarantaine de morts et une
centaines de blessées dans l’autre camp. Sur le plan politique en Libye, la
composante économique et sociale est évidente. Des hommes comme Ahmed Dabbashi
contrôlent tout, et les Libyens s’ils veulent travailler, ils finissent par tomber dans leurs réseaux. A présent, ce
sont des tribus et clans, soumis au régime des tyrans, qui récupèrent ce
marché, le transformant en une véritable industrie nationale. Dans ces régions
très étendues, en lien avec le Tchad, le Soudan, l’Algérie, la Tunisie, le Niger,
et l’Egypte, vivent des tribus semi-nomades qui contrôlent presque l’Afrique du
Nord. Dans ce pays qui représente une grande menace pour l’UE et pays voisins,
toute tentative des pouvoirs pour freiner la crise est destinée à l’échec,
s’ils ne résolvent pas avant les problèmes de gouvernance et de sécurité dans
le Sud. Pire encore, la lutte entre communautés et groupes ethniques pour le
contrôle des gisements de pétrole, de routes de contrebandes et des frontières
s’est ajoutée au conflit politique, avec l’arrivée d’acteurs étrangers au Sud
et même en Libye.
TRAFIC D'ARMES : DES LOBBYS AUX FILIÈRES MULTIPLES
Cette
analyse propose une typologie des principales filières du trafic illicites des
armes légères, qui peut être regroupées en deux grandes catégories. Le
détournement des armes légères légales vers les sphères illicites, et les sources
d’armements déjà illicites. Ces filières comportent des dimensions
internationales, régionales et locales, illustrant la complexité du trafic
d’armes. Le transfert d’armes est détourné lorsque des armes sont perdues,
volées ou délibérément transférées à un destinateur qui n’est pas
officiellement autorisé à les recevoir. Ce détournement a été mis en lumière
pendant les années 1990 et le début des années 2000. Durant cette période, ils ont permis
d’alimenter de nombreux conflits sur le continent Africain avec des armements
provenant de l’ex-Union-Soviétique. Plus récemment, le panel d’experts Onusien
chargé de surveiller la mise en œuvre de l’embargo sur la Libye a documenté
plusieurs détournements de transferts vers ce pays. En 2011, un mafieux
Albanais et une société Ukrainienne ont organisé le transfert de 900 000
cartouches de l’Albanie vers la Libye. Les Emirats arabes unies avaient signé
également le certificat d’utilisation finale spécifiant que les minutions ne
seraient pas re-transférées, ainsi qu’une déclaration attestant qu’elles leur
avaient bien été livrées. Le panel des N-U a pourtant pu établir qu’un
transporteur Arménien a acheminé les munitions directement depuis l’Albanie
vers Benghazi en Libye, en trois cargaisons aériennes. Dans les conflits, le
détournement des stocks nationaux représente la source principale en armements
pour les groupes insurgés. C’est le cas au Mali depuis 2012, ou les armes
dérobées des stocks nationaux figurent en plus grand nombre que celles saisies
auprès des groupes armés opérant dans le Nord du pays. Dans d’autres cas, tels
que l’Irak et la Libye, les conflits armés ont causé l’effondrement des
institutions étatiques et conduit au pillage généralisé. Ces derniers vont
alimenter les trafics illicites en Algérie, le Maroc, la Tunisie et d’autres
pays de la région. En effet, que ce soit en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en
Somalie, ou en Libye, on observe que la totalité des armes et des minutions
utilisées par les parties aux conflits ont été conçues, fabriquées et
distribuées des décennies plus tôt. Des armes plus anciennes sont aussi
couramment disponibles à la vente sur les marchés clandestins locaux, au Liban,
au Pakistan, en Somalie, en Syrie, en Irak, et au Mali. En Europe, les armes
produites dans l’ex-Yougoslavie sont saisie dans le cadre d’affaires
criminelles, d’autres ont pu être trafiquées plus récemment depuis les Balkans.
Les opérations de détournement sont souvent planifiées à l’avance, et
impliquent des navires et des aéronefs immatriculés sous pavillon de
complaisance dans un Etat autre que celui de leurs propriétaires. Pour les
trafics d’armes, les détournements peuvent avoir lieu aux différents stades de
la chaine des transferts, que ce soit dans le pays d’origine, lors du transport
vers l’utilisateur final, en transit, au point de livraison, voire après la
livraison. La question éternelle reste de fait que, la plupart des principaux
industriels ont besoin de faire entre 50 et 60% de ventes à l’export afin
d’assurer la pérennité de leurs entreprises. Mais si cette part n’est pas atteinte, les multinationales d’armes ne sont
plus rentables et c’est tout l’approvisionnement des armées nationales qui se
trouve menacées dans leurs souverainetés.
Les
trafics internationaux impliquant courtiers, sociétés écrans, fonctionnaires
corrompus, et services secrets, facilitent la tache sur place dans les zones de
conflits et autres. Anticiper son évolution, tenté de le prévenir et de
l’endiguer, reste un défi insoluble pour les Etats. Le paradoxe que connait
notre monde, et que toutes les tierces parties qui soutiennent les groupes en
armes en Irak, en Syrie et en Libye, les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, la
Russie, la Chine et l’Iran, nourrissent la machine de guerre de Daech.
MOHAMMED CHÉRIF BOUHOUYA
Les
principaux pays exportateurs d’armements
Israël,
Pays-Bas, Suède, Corée du Sud, Suisse, Canada, Turquie, Norvège, Biélorussie,
Afrique du Sud, Australie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne,
Italie, Ukraine, les Etats-Unis et la Russie.
Après, ou
vont les armes produites par ces pays ? Et qui vend et qui achète, ceci
reste un autre défi planétaire.
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