dimanche 5 décembre 2021

 GEOPOLITIQUES/ LA FRAGMENTATION ETHNIQUE SOURCE DES CONFLITS AFRICAINS

Difficile de construire des communautés nationales à partir de multiples ethnies de langue, de tradition et de religion différentes. Un cadeau empoisonné de la colonisation et un défi à relever dans tout le continent Africain. Etablie au XIX et au XX siècle, par les Français, les Britanniques, et les autres puissances coloniales comme l'Allemagne, le Belgique, l'Espagne, l'Italie et le Portugal, les frontières restaurée lors de l'indépendance, continuent de basculer certains pays comme l'Erythrée, le Soudan du Sud et le dilemme continue sa trajectoire au profit des anciens empires coloniaux.    


Après l'accession à l'indépendance des pays africains, l'aspiration de leurs leaders politiques est la transformation des colonies en Etats-nations modernes. Ils privilégient les liens civiques, la relation à l'Etat, à ses institutions et à la collectivité nationale, au détriment des groupes primaires, ethniques et religieux. Ils se heurtent alors à un quadruple héritage : les territorialisations et gouvernances, précoloniales et coloniales, qui soutiennent des formes d'appartenance et confrontent la modernité citoyenne; les modes politiques de résistance à la colonisation, dont le langage et les opérations sont ethniques; le nationalisme, qui ne s'appuie pas sur une revendication territoriale mais plutôt sur les ethnies et les réseaux religieux; enfin la fragmentation ethnique, qui est restée une ressource à la disposition des classes dirigeantes pour s'attacher une clientèle. Usant et abusant du patronage et de la coercition, elles s'assurent la loyauté des élites ethniques et religieuses. La raison principale retenue pour expliquer les dysfonctionnements politiques et les déficits économiques et sociaux se réfère à la diversité des appartenances ethniques, linguistiques et religieuses revendiquées, même si elles sont floues. Sans évoquées différentes séquences historiques et la place des sociétés africaines dans le périmètre de l'histoire universelle. Sont-elles des tribus, des ethnies ou des nations en devenir, à la suite de l'intervention coloniale et de la décolonisation? La mobilité des populations africaines dans le temps et l'espace n'a-t-elle pas produit des formes associatives variées et changeantes? Quels sont les effets des gouvernances précoloniales et coloniales et des soubresauts de la construction des Etats-nations postcoloniaux dans la quête de communautés nationales homogènes et unitaires? Le Maghreb et sa bande Sahara-sahélienne continuent d'abriter les principaux foyers de conflits : les premiers furent les guerres entre l'Algérie et le Maroc ( 1963 et 1976), et le conflit continue notamment avec la rentrée en scène d'Israël; Et les revendications du MAK pour l'autonomie de la Kabylie instrumentalisé par le Maroc, Israël, les Emirats-arabes-unies, et autres Etats occidentaux. En se sens, Le monarque chérifien Hassen II,  a déjà reçu Shimon Pares en 1986, le ministre des affaires étrangères en 2003, et une autre visite officielle  en 1994 pour la création d'un bureau de liaison et d'affaires avec  le Maroc. Pour l'Etat Hébreu, cette présence constitue un poids stratégique afin d'évincer l'Iran de la région, constituant ainsi un défi potentiel pour l'Algérie sur l'échiquier  géopolitique pour les pays voisins. Les contentieux frontaliers ont touchés également les différents entre la Tanzanie et le Malawi en 1960, le Cameroun et le Nigeria en 1993, le Mali et le Burkina Faso 1974-1985, le Tchad et la Libye 1973-1994, la Somalie et le Kenya en 1963, l'Ouganda et la Tanzanie 1978-1979, la Somalie et l'Ethiopie 1963-1964, 1977-1978, 1982, l'Erythrée et Djibouti en 2008, la République du Congo et l'Ouganda en 2018. 

DES INGERENCES ET DES CONFRONTATIONS SANS LIMITES

L'émiettement ethnique provoqué par la géographie coloniale, sa gouvernance et son savoir ethnologique a conduit les différents groupes partageant le même pays à affiner leurs identités, réelles ou fictives, dans la concurrence et la compétition, mettant en avant leurs attaches primaires. Viennent par exemple à l'esprit , les Somalis répartis entre le Kenya, la Somalie, l'Ethiopie et Djibouti; les Bakongo, entre les deux Congo et l'Angola; les Soninké, entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal; les Touareg, entre le Niger, le Mali, le Burkina Faso, l'Algérie et la Libye. Seuls trois Etats, la Somalie, le Rwanda et le Burundi sont monolingues, et un seul est ethniquement homogène, la Somalie. Les alignements identitaires ont pris des tournures irrédentistes voire sécessionnistes au Katanga de 1960- 1963, en Erythrée de 1962-1993, au Biafra, de 1967-1970, à Anjouan en 1997, au Soudan du Sud de 1983-2011 et en Casamance depuis 1982. Les leaders africains ont pu contenir les sécessions du Katanga et du Biafra. En revanche, l'Érythrée 1993 et le Soudan du Sud 2011 ont accédé à l'indépendance. L'ethnicité est aussi un mécanisme d'accession aux positions de pouvoir et d'enrichissement. L'exemple le plus illustratif est la guerre civile à dimension politico-ethnique au Soudan du Sud. Tout aussi notables sont les conflits impliquant différentes ethnies au Rwanda, au Burundi, en Ethiopie, au Liberia, en Guinée, au Mali et au Niger. Une recrudescence de violences alimentées par l'idéologie djihadistes est apparue dans la bande Sahara-sahélienne. Leur ampleur déstabilise le Nigeria, la Somalie, le Mali, et le Niger et menace la Mauritanie, le Burkina Faso et le Sénégal. La situation s'est aggravée en 2011 avec le retour des soldats Touareg de l'armée de Kadafi. Ils ont ressuscité le mouvement nationaliste touareg. A son flanc, plusieurs groupes religieux commis au djihad brouillent la nature des revendications. Par ailleurs, les renaissances religieuses et certains prophétismes religieux africains investissent aussi l'espace public, tentent de gommer les frontières ethniques et de promouvoir des communautés et cultures nouvelles. Ces polarisations nourrissent les conflits entre chrétiens et musulmans notamment en Républiques centrafricaine et au Nigeria. Le regain islamistes et l'intensification de la lutte contre le terrorisme affectent à la religion un rôle déterminant dans les compositions identitaires. Comparée à l'ethnie et à la race, elle avait joué un rôle moindre dans les engagements politiques, sauf dans les conflits tchadiens, ivoiriens, centrafricains et nigérians, à travers la violence quotidienne des assassinats et kidnappings de Boko Haram. Cela étant dit, nonobstant ces institutions, l'absence de politisation du clivage religieux est restée la règle, comme l'illustration le Burkina Faso ( 60%  de musulmans), la Sierra Leone et la Guinée Bissau ( 50%). Afin de ce pencher sur une citoyenneté à redéfinir dans l'ensemble des situations, ont constatent que la première générations de l'élite politique avait pleine conscience des périls de la cartographie coloniale. En 1964, à la conférence du Caire, l'Organisation de l'unité africaine " déclare solennellement que tous les Etats membres s'engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l'indépendance". Le principe de l'intangibilité des frontières départage les partisans du maintien des frontières coloniales ( groupes de Monrovia : Nigéria, Sénégal, Cameroun, Libéria, Haute-Volta, Cote d'Ivoire, Sierra Leone, Togo, Dahomey, Madagascar, Tchad, Niger, République du Congo, Gabon, République centrafricaine, Ethiopie, Somalie, et Tunisie); Et ceux qui militent pour le redécoupage ( groupe de Casablanca : Algérie, Egypte, Ghana, Guinée, Libye, Mali et Maroc). Le principe était associé à la réalisation de l'unité et de l'intégration économique africaines et de l'idéal panafricain. 

Enfin, le défi et l'entreprise qui animent la séquence postcoloniale africaine pour faire face à la composition pluriethnique des territoires sont demeurés les mêmes. Le projet postcolonial d'une unité politique rejetant les attaches primaires n'a eu pour résultat que les rendre plus vives et meurtrières. Parce qu'elle alimente les conflits, les génocides et les pogroms, remettre l'ethnicité au centre de la construction nationale et du rêve panafricain est devenu plus que vital.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA


NB/ En 1959, l'anthropologue américain George Peter Murdock identifie plus de 1000 groupes ethnolinguistiques en Afrique, dont 28%  ont vu leur territoire divisé par des frontières nationales. 

 En Afrique, pour parvenir à s'imposer dans un monde de plus en plus concurrentiel, l'Afrique doit s'engager dans un vaste effort pour garantir sa souveraineté économique et stratégique. Cet effort viserait alors à recalibrer son rôle dans ce nouvel environnement géopolitique, de manière à renforcer son pouvoir de négociation et sa capacité à agir conformément à ses intérêts et à ses valeurs. 






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