mercredi 8 décembre 2021

 GEOPOLITIQUE/ LE SOFT POWER TURC EN AFRIQUE

Convoitée pour ses riches ressources naturelles, l'Afrique affiche également un dynamique économique très enviable. Au cours des dernières années, le continent a enregistré des taux de croissance exceptionnels. En 2018, six pays africains étaient classés parmi les dix économies les plus dynamiques au monde. Il convient également de souligner qu'après un ralentissement de la pandémie, les prévisions de la Banque mondiale annoncent que la croissance économique de l'Afrique devrait reprendre en 2021 avec un taux de 2,8% et se stabiliser à 3,3% en 2020. Alors que la population du continent africain devrait doubler d'ici 2050, passant à 2,5 milliards d'habitants, l'Afrique promet de devenir un acteur global du XXI siècle, ayant une influence majeure sur l'économie mondiale. 



C'est en déclarant l'année 2005 ( l'année Afrique) que le gouvernement de l'AKP a ouvertement exprimé son intérêt pour le développement de ses relations avec les pays du continent. Un intérêt compréhensible au regard des richesses de l'Afrique. Actuellement, l'ensemble des grandes puissances mondiales tentent de conserver et d'accroitre leur influence en Afrique. Mais depuis quelques temps, de nouveaux acteurs cherchent à développer leur influence. C'est le cas de l'Arabie-Saoudite, du Qatar, des Emirats et de la Turquie 's'appuyant même sur des actions "subversives". Guidée par la politique de profondeur stratégique, la Turquie a mis en place une diplomatie africaine proactive multidimensionnelle. Après la mise en vigueur du plan d'ouverture en 2002, la Turquie a d'abord commencé par ouvrir des ambassades et des missions diplomatiques dans les pays africains avec lesquels elle avait déjà eu une relation par le passé. Ainsi, alors qu'Ankara ne possédait que 12 ambassades en 2002, le pays en compte actuellement 42. C'est dans ce contexte et de part le principe de réciprocité diplomatique qu'Ankara peut accueillir 37 ambassades de pays africains sur son sol, les dernières en date étant celles du Zimbabwe et de la Guinée-Bissau, inaugurées en 2021. Erdogan multiplie les déplacements sur le continent . Depuis qu'il occupe le poste de Premier ministre et qu'il est président en 2014, il a ainsi visité 28 pays africains ( Djibouti, Tchad, Guinée équatoriale, Ethiopie, Maroc, Algérie, Côte-d'Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Afrique du Sud, Nigéria, Sénégal, Somalie, Soudan, Tanzanie, Tunisie, Ouganda, et Zambie). Accompagné par des hommes d'affaires, le dirigeant turc veille à être pouvoir renforcer la position de son pays et écouler un maximum de produits et services turcs en Afrique. Parallèlement, la Turquie tache de bâtir un "soft power" axé sur le passé Ottoman commun avec les pays d'Afrique du Nord et sur l'absence d'histoire coloniale de la Turquie en Afrique subsaharienne. Selon les données de la TUIK ( Institution turque des Statistiques), le volume de commerce entre la Turquie et le continent, qui n'était que de 3,4 milliards de dollars en 2002, a attient prés de 22 milliards. Le conseil des relations économiques extérieures  ( DEIK), dépendant du ministère du Commerce, a établi des conseils d'affaires conjoints avec 45 Etats africains, dont 40 sont des pays d'Afrique subsaharienne. Néanmoins, malgré l'ensemble de ces initiatives  économiques, les volumes des échanges restent encore très loin derrière ceux de la Chine, qui détient la principal part de marché en Afrique avec un total de 192 milliards de dollars en 2019 et la France à 102, 65 millions de dollars  de la même année. La Turquie, reste très apprécié par les pays africains, car il est considéré comme une approche centrée sur des valeurs humaines et sur une relation pragmatique. En marge de son approche diplomatique et humanitaire, la Turquie a aussi instauré des relations avec les pays avec lesquels elle avait des liens historiques, notamment au cours de la période Ottomane. Les discours néo-ottoman et sur l'Islam ont été mises en œuvre  par les politiques turcs pour pouvoir installer Ankara de façon permanente sur le continent. 

GEOPOLITIQUE ET INFLUENCE MILITAIRE


La Turquie intensifie également les relations diplomatiques afin de renforcer son influence militaire notamment sur le Corne d'Afrique. A ce titre, Ankara a construit en Somalie, en 2017, sa plus grande base militaire en dehors de ses frontières. Installée à Mogadiscio, elle permet de former les soldats somaliens afin d'assurer la stabilité du pays. Cependant, nombreux sont ceux qui, parmi la communauté internationale, soupçonnent la Turquie de chercher à projeter sa puissance dans une région, qui accueille déjà de nombreuses bases étrangères à Djibouti en particulier. L'influence de la Turquie est appelée a être de plus en plus prépondérante dans les affaires somaliennes, ce qui ne sera pas sans susciter des tensions et une rivalité avec les intérêts des monarques du Golfe, telles que les Emiratis, les Saoudiens déjà présents en force dans la région. Dernièrement le président somalien, a invité la Turquie à entamer des recherches de pétrole dans les eaux somaliennes. Sachant également, que depuis son intervention en Libye, la Turquie montre bien qu'elle a des intérêts politiques qui vont au-delà de simples intentions humanitaires. En effet, alors que le pays fait face à une crise économique passagère et que les relations avec l'Occident sont plus tendues , la Turquie est aussi à la recherche de nouvelles sources énergétiques afin de diminuer sa dépendance au bloc eurasien. N'étant pas la seule à vouloir sa part, Ankara se retrouve au cœur d'une lutte d'influence acharnée face aux Saoudiens et les Emiratis présents dans la région avec des bases militaires en Erythrée et au Somaliland, ainsi que des investissements portuaires très importantes. En somme, le soft power turc semble porter ses fruits sur l'échiquier géopolitique auprès d'autres puissances régionales ou mondiales, en particulier au sein de l'Est et l'Ouest de l'Afrique; prenant ainsi une orientation économique et géostratégique, marquée par une installation permanente au nom de ses propres intérêts y compris militaires. 


Persuadée que le nouveau contexte géopolitique jouait en sa faveur, la Turquie a caressé le rêve de faire émerger un nouveau bloc, une nouvelle union de pays fondée sur la turicité et qui allait, lui permettre de se doter d'une sphère d'influence allant, selon la formule de Suleyman Demirel, ( de l'Adriatique à la muraille de Chine). 

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA

NB/ Alger et la Turquie partagent une histoire commune, l'Algérie ayant été sous domination Ottomane de 1515 à 1830, la stratégie d'influence d'Ankara au Maghreb trouve un terrain favorable en Algérie dans les différents domaines notamment économique et culturel.

En Somalie, la présence turque se renforce dans de nombreux domaines stratégiques du pays, port, aéroport, base militaire, hôpital, ressources naturelles, jeunesse. Alors que la Somalie , dévastée par la guerre civile, représente un énorme marché potentiel dont la Turquie entend bien faire bénéficier ses entreprises. D'ailleurs, l'ambassade turque en Somalie constitue la plus grande ambassade de la diplomatie turque au monde. 

La visite du président turc au Soudan en 2017, les autorités Soudanaises annoncent leur volonté de céder la gestion de l'ile de Suakin pour 99 ans à la Turquie contre des investissements et de coopération militaire. l'accord a suscité de vives inquiétudes en Egypte et dans certaines monarchies du Golfe.



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