GEOPOLITIQUE/ TURQUIE/ ISRAEL/ CHINE: VERS DES RIVALITES STRATEGIQUES DANS LE CAUCASE
Bien que peu préparée à travailler avec une région qu'elle connaissait très mal, du fait de l'absence de relation avec ces pays certes turciques mais situés dans la sphère russe et soviétique depuis des siècles, la Turquie a adopté en 1991 une politique grandissante vis-à-vis du Caucase. Persuadée que le nouveau contexte géopolitique jouait en sa faveur, elle se trouve en pleine rivalité avec Israël, la Chine et l'Iran a la recherche d'une émergence d'influence géopolitique et militaire.
Du côté turc, c'est dans cet esprit que des sommets ont été planifiés entre les chefs d'Etats de l'espace turc, incluant la Turquie, l'Azerbaïdjan, le Turkménistan, le Kazakhstan, le Kirghizstan et l'Ouzbékistan. En effet, ces rencontres au sommet se sont vite révélées irréalisables, d'autant plus que certains pays comme le Turkménistan, au prétexte de sa neutralité officielle, et l'Ouzbékistan, en tension avec la Turquie, ont refusé d'y prendre part. De plus, chez les nouvelles élites de l'espace post-soviétique, on a vite réalisé qu'il valait mieux s'acheminer vers une politique plus autonome sur le scène internationale. La Russie de Poutine, a réussi à se ressaisir pour mettre en place une nouvelle stratégie, dont elle n'avait nullement l'intention de laisser à d'autres puissances et certainement pas à la Turquie. En effet, à Ankara, on estime que le passage au réalisme dans la politique turque pour le Caucase et même l'Asie-centrale est primordial. Les entités non turcophone de cet espace que sont la Géorgie, l'Arménie et le Tadjikistan sont plutôt privilégiées afin d'avoir un meilleur accès au monde turc. La bonne relation avec la Géorgie permettent ainsi à Ankara de disposer d'une continuité territoriale avec l'Azerbaïdjan, et donc l'accès à la Caspienne. Au fil du temps, un recours au "hard power" de la politique turque, s'intensifie en direction de la Russie et surtout dans le Caucase. Conséquence directe de la militarisation turque depuis la crise Syrienne, Libyenne et en Méditerranée orientale, Ankara a adopté une attitude musclée lors de la dernière guerre du Karabagh. L'Etat- major a ainsi assisté l'armée Azerbaidjanaise dans sa guerre de reprise des districts occupés et d'une partie du Krabagh. Il faut mentionner le fait que la Turquie a même fait venir des milices depuis la Syrie afin de soutenir l'effort de guerre de l'Allié azerbaidjanais. Les implications de cette victoire sont nombreuses pour l'influence de la Turquie dans le Caucase et en Asie-centrale. Ankara a montré à son partenaire Azerbaïdjan et aux autres pays de la région, qu'elle peut être un allié déterminé et solide. Ainsi, une route permettant les échanges économiques dans un même monde turcique devrait voir le jour à court-terme. Désormais, le Turquie pourra avoir un accès terrestre sans être obligée de passer par la Géorgie et l'Iran. Enfin, même si les politiques intégrationnistes prônées par la Turquie ne permettent pas encore de mettre en place une unité politique comparable à l'Union économique eurasienne fondée par la Russie ou à l'Organisation de Shanghai chapeautée par la Chine, il n'en demeure pas moins qu'un dialogue permanant entre Etats turciques d'intégration a déjà pris forme.
LES PROFONDEURS STRATEGIQUES ISRAELIENNES DANS LE CAUCASE DU SUD
Dans le contexte de confrontation géopolitique entre Israël et l'Iran, le Caucase du Sud offre à l'Etat Hébreu une vision stratégique qui s'insère dans sa stratégie politico-sécuritaire et militaro-sécuritaire. A l'échelle régionale, le clef de voûte de cette approche reste l'Azerbaïdjan, dont l'établissement des relations entre les deux pays remonte à prés d'une quarantaine d'années; même s'il n'existe pas à ce jour de représentation diplomatique entre les deux pays. Les fondements du partenariat israélo-azerbaidjanais reposent principalement sur la relation conflictuelle qu'ils entretiennent avec l'Iran. Tète de pont israélienne sur le flan septentrional de la République islamique chiite, l'Azerbaïdjan a pu être envisagé comme une potentielle plate-forme à partir de laquelle Israël pourrait, en cas de conflit, entreprendre des frappes contre l'Iran. En ce sens, les Israéliens auraient implantés au cours des années 1990 des stations d'écoutes et de collecte de renseignements le long de la frontière irano-azerbaidjanaise avec le consentement de Bakou. Sur le plan d'échange, deux domaines stratégiques structurent la relation économique israélo-azerbaidjanaise: la coopération militaro-technique et l'énergie. Israël importe prés de 40% de son pétrole d'Azerbaïdjan, via l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. De son coté, l'Etat hébreu a fourni à Bakou des systèmes de combat parmi ceux les plus sophistiqués, dont des drones. Depuis 1991, l'Azerbaïdjan aurait absorbé pour prés de 7 milliards de dollars de matériels militaires Israéliens. Le volume du commerce bilatéral israélo-azerbaidjanais s'est établi en 2020 à un peu plus de 200 millions, et l'Etat hébreu a exporté en tout pour 8,4 milliards de matériels militaires la même année. Vu de Tel-Aviv, la coopération militaro-technique avec Bakou vise à acquérir une marge de manœuvre à l'égard de l'accroissement de l'empreinte militaire russe au Levant et à équilibrer les transferts d'armements réalisés, ou ceux auxquels les Russes pourraient se livrer vers la Syrie ou l'Iran. Une autre approche avait été mise en application à la fin des années 2000 par Israël avec la Géorgie, qui avait acquis des drones et des lance-roquettes multiples, en vue de reprendre le contrôle des entités séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. A coté de l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Géorgie font office de partenaire caucasiens de second rang pour Israël. En outre, l'Etat hébreu, n'entretient aucune coopération économique avec Erevan qui demeure un partenaire économique précieux pour l'Iran. D'ailleurs, alors même que l'Arménie avait tout juste ouvert une ambassade en Israël en 2020, dés le mois d'octobre suivant, l'ambassadeur arménien en Israël était en effet rappelé dans son pays sur fond de livraisons d'armes israéliennes aux forces azerbaidjanaises engagées dans le guerre au Haut-Karabagh. Depuis 2007, année où Bakou ont commandé leur premier lot de drones d'observation Aerostar à l'entreprise israélienne Aeronautics Defense Systems, les forces armées caucasiennes auront été presque équipées en drones de manufacture israélienne. A la veille du conflit dans le Haut-Karabagh, l'Azerbaïdjan alignait prés de 120 drones tactiques et 500 drones kamikazes israéliens. L'Azerbaïdjan, a aussi passé commande pour deux lot de 5 Heron et 5 Searcher livrés en 2013. Tel-Aviv a également fourni des drones tactiques " Hermes 450 et 900 et des munitions roodeuses ( le Harop d'Israël Aerospace Industries, le SkyStriker d'Elbit Systems et l'Orbiter-1K d'Aeronautics Defense Systems). La firme israélienne "Elta System" a par ailleurs numérisé l'ensemble de la zone du Haut-Karabagh avant le conflit, ce qui a donné ensuite un avantage comparatif aux forces azerbaidjanaises dans la conduite des opérations. Paradoxalement, alors que les projecteurs étaient braqués sur le soutien politico-militaire apporté par la Turquie dans son entreprise de reconquête, il semble qu'Israël et la Turquie partagent les mêmes intérêts stratégiques au sein de la région, mais aussi la Russie de Poutine et l'Iran; en coulisse et loin des regards des médias, les services des quartes pays se côtoient discrètement pour leurs propres intérêts laissant de coté la dictature totalitariste du président Ilham Aliyev face a son peuple. En effet, les convergences de vues qui se sont exprimées sur le conflit du Haut-Karabagh entre Ankara et Tel-Aviv ne doivent cependant pas occulter une posture de confrontation feutrée liée aux enjeux gaziers en Méditerranée orientale; dont les membres fondateur du Forum du gaz de la Méditerranée oriental lancé en janvier 2020, regroupant l'Egypte, la Jordanie, Chypre, Israël, la Grèce, l'Italie, la France, les Etats-Unis, les Emirats, et enfin l'Union-Européenne. A travers ce Forum, ont peut considérer que l'Etat hébreu se retrouve au cœur d'une organisation transrégionale dont les objectifs s'opposent frontalement aux ambitions d'Ankara.
La présence russe dans la région pourrait contribuer à la stabilisation de la situation et renforcer ainsi la sécurité du fret. En attendant, la Chine continue à investir dans les projets améliorant la connectivité entre les trois républiques sud-caucasienne. Pour Pékin, le Caucase du Sud a été bien identifié comme étant l'une des cibles de la compagne diplomatique pour la promotion de la BRI, mais, à l'heure actuelle, l'intégration de la région à ce projet chinois aux ambitions planétaires reste très vulnérable.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
BN/ Les trois anciennes républiques soviétiques du Caucase du Sud, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ne sont devenues l'objet de la diplomatie proactive de Pékin que dans les années 2000, quant l'internationalisation rapide de son économie a poussé la Chine à projeter ses énergies entreprenantes en dehors de sa zone d'influence traditionnelle. Toutefois, c'est surtout depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping que la présence chinoise dans le Caucase du Sud a augmenté de manière visible. L'extension des activités chinoises au sein de la région a été stimulée par la mise en œuvre des différents projets d'investissements chinois de grande envergure en Eurasie, rassemblés sous le nom de ( Belt and Road Initiative "BRI").
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