GEOPOLITIQUE/ GEOSTRATEGIE/ L'INDE : UN COLOSSE AUX PIEDS D'ARGILE
La pénétration musulmane commence au VIII siècle : Les marchands arabes sont déjà présents sur les côtes du golfe et de la mer d'Oman. Pour s'en servir et les tenir, le gouverneur de Bassora conquiert le Sind dés 712, occupe même la ville de Multan au Pendjab. Venu de l'ouest et du nord-ouest par l'Iran et l'Afghanistan, l'Islam se diffuse sur toute la plaine Indogangétique et les autres régions de l'Inde. Dés le XI siècle, Lahore est devenue un centre culturel islamique qui va durer trois siècles.
L'histoire plus récente des terres de l'Indus, celle de la longue et belle période moghole, du XVI siècle au début du XVIII siècle, n'est pas celle où la référence islamique de l'Etat actuel est la plus assurée. L'histoire officielle s'intéresse plus au progrès de l'islamisation qu'à la politique de l'Empire moghole faite de tolérance religieuse, en particulier sous Akbar le Grand ( fin du XVI - début du XVII siècle. ) Des souverains mogholes, Aureng Zeb, début du XVII siècle est le seul musulman fervent, guerrier, préconisant l'arabisation et accordant influence aux oulémas. Bouddhisme, christianisme hindouisme et islam ont longtemps coexisté, de l'Indus au Cachemire. Au milieu du XIX siècle, au moment de l'annexion britannique, conquête du Sind en 1848, du Pendjab en 1849, l'Empire moghole se disloque. Hindous et musulmans, communautés majoritaires, jouent des rivalités entre pouvoirs locaux aux antagonismes politiques et religieux contradictoires; les sikhs, groupe dérivé de l'hindouisme au XVI siècle, qui ont accaparé le pouvoir au Pendjab, administrent la capitale Lahore, gouvernent le Cachemire et la plaine de Peshawar. L'autorité musulmane est alors affaiblie, même dans le bassin de l'Indus. C'est la lutte pour l'indépendance qui ravive la référence islamique. Nul ne saurait nier qu'en Inde la coexistence des communautés est très difficile et que leurs conflits débouchent sur des violences répétées, notamment contre les minorités chrétiennes et musulmanes, suscitant des inquiétude pour leur avenir. Dans un pays dont la vie politique est obérée par le clientélisme, la corruption, le racisme hindouiste, et encore les assassinats, que la pauvreté de masse a une réalité tragique. Deuxième pays du Monde par la population, de très loin le premier du quasi-continent : c'est à propos de la République Indienne, que se posent avec la plus d'acuité les problèmes de fonctionnement d'un très grand Etat, de son maintien comme entité en dépit de sa diversité?
UN NATIONALISME INDIEN TERRIFIANT
L'Inde multiethnique qui voit le jour en 1947, stratifiée en des milliers de castes, morcelée en centaines d'Etats princiers, qui parle 1, 600 dialectes et abrite toutes les religions du monde; les constitutions indiens vont en débattre pendant trois ans, de 1947 à 1950. La période coloniales a légué à l'Inde un territoire morcelé en empoisonné. Il y a d'abord les provinces qui étaient directement gérées par les Britanniques, puis les quelques 560 Etats princiers, et enfin les territoires gouvernés par des puissances étrangères, à l'instar de la France ou le Portugal. Dans les débats de l'Assemblée constitutionnelle, les Indiens, qui viennent de fonder une république bananière, écartent d'emblée la création d'Etats en fonction de critères religieux. Le pays sort à peine du traumatisme de la partition entre l'Inde et le Pakistan, qui a fait des millions de déplacés et de morts dans des affrontements entre hindous et musulmans. Il est utile de souligner que lorsque les défenseurs d'un Etat séparé pour le Pendjab font valoir que la majorité de la population est de confession sikhe et non hindoue, leur demande est rejetée. Elle sera acceptée des années plus tard, en 1966, lorsque leurs arguments reposeront sur la spécificité linguistique de la région, et non plus sur la religion. En effet, dés 1956, Nehru accepte de redécouper les Etats selon un critère linguistique. La répartition des grandes langues dravidiennes ( kannara, malayalam, telugu et tamoul) correspond aujourd'hui aux frontières respectives des Etats du Karnataka, du Kerala, de l'Andhra Pradesh et du Tamil Nadu. La tendance centralisatrice héritée de l'indépendance se renverse. Cette régionalisation de la politique a pris fin avec la victoire du parti nationaliste hindou, fondé sur le racisme, la discrimination des minorités notamment musulmanes et chrétiennes, le BJP, en 2014, majoritaire au Parlement. Ce parti dirige désormais plus de la moitié des 29 Etats indiens avec une main de fer. Ce régime d'un seul parti menace le fédéralisme indien et poussent les minorités musulmanes a l'irrédentisme. Le BJP, a adapté son discours, sa stratégie politique et son programme aux aspérités régionales du pays sans rien perdre de son idéologie nationaliste fondée sur la négation des autres minorités. Le parti tolère la consommation de viande de bœuf au Manipur, alors qu'il y est fortement opposé dans d'autres Etats du nord de l'Inde, au nom de la protection de la vache sacrée, visant essentiellement les musulmans. Le BJP a aussi étendu son maillage territorial en sécurisant des alliances avec des partis régionaux marginaux qu'il a propulsés sur le devant de la scène en leur donnant accès à des ressources et en leur faisant bénéficier de la notoriété de Narendra Modi. Ce dernier, a toutefois une vision de la nation indienne fondée sur l'homogénéisation d'une société imprégnée de la culture hindoue, plutôt que sur une fédération. Ils cherchent à consolider par le bas la société grâce à des associations qui pénètrent toutes les sphères. Le ciment de la nation est pour-eux la culture hindoue, perpétuellement menacée de l'intérieure par des minorités musulmanes et chrétiennes.
L'INDIGENCE DU SOFT POWER INDIEN
Sur l'échiquier géostratégique, et diplomatique l'Inde et l'Iran ont renforcé leurs liens par leur opposition commune à l'islamisme radical sunnite actif en Afghanistan. Pour l'Inde, l'Iran était un pont irremplaçable vers l'Afghanistan et l'Asie centrale. C'est dans cette logique qu'il faut comprendre l'investissement indien dans le port de ( Chabahar. ) Si l'on en reste à une analyse régionale, le système est ainsi bouleversé lorsque l'on ajoute les Etats-Unis à l'équation. La réforme économique indienne et le désamour américain pour le Pakistan rendaient un rapprochement possible entre Washington et New Delhi. Mais les tensions à propos du nucléaire et des droits de l'homme au Cachemire ont limité les possibilités de convergence. C'est Washington qui a changer la donne tout en mettant de côté la question cachemerie et a décidé de découpler l'inde et le Pakistan dans sa gestion diplomatique de l'Asie du Sud. Au fil du temps, l'Inde est devenue un élément clé dans la stratégie américaine. Cela a limité les possibilités d'échanges économiques, et de coopération géopolitique, entre l'Iran et l'Inde. Par ailleurs, l'Inde a également développé des liens forts avec les Etats que la République d'Iran considère comme des ennemis : l'Arabie-Saoudite, les Emirats et Israël. L'opposition américaine a empêcher un clair investissement indien dans ce projet qui lui donnait l'occasion de s'affirmer comme grande puissance. Et, en 2021, les américains ont soutenu un projet de connexion nord-sud associant l'Ouzbékistan, l'Afghanistan et le Pakistan. Un projet que la prise de Kaboul par les Talibans n'annule pas forcément : ce serait un outil non négligeable pour Washington afin de préserver une certaine influence dans le pays. La probabilité d'une montée en puissance de la pression migratoire et du danger sécuritaire ne peut qu'inquiéter les Mollahs. La convergence avec les intérêts indiens est claire : l'Inde a déjà investi 3 milliards de dollars en Afghanistan pour avoir une influence sans partage et peut soutenir l'Afghanistan si il sombre dans le chaos. Sur l'évolution diplomatique au Moyen-Orient, les Emiratis en rupture avec leur allié saoudien, ont commencé à dialoguer avec Téhéran, tout en adoptant une plate forme géostratégique avec les Emiratis.
Contrairement au passé, le voisinage sud-asiatique hors Inde n'est plus associé à un danger sécuritaire pour l'Iran, demandant une coopération avec l'Inde. En fait, face à l'évolution en Afghanistan, Thérain pourrait préférer une coopération avec le Pakistan, la Chine et la Russie. Et même dans ce cas, les tensions entre l'Iran d'une part, et Israël comme les Etats-Unis d'autre part, restent inflexibles. Notons finalement, que vu de l'Iran, une entente cordiale avec la Chine est bien plus importante qu'un renforcement des relations avec New Delhi ?
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
NB/ Les réalités géopolitiques actuelles limitent les capacités de rapprochement entre les deux pays. Mais ni l'Inde ni l'Iran n'ont intérêt à dévaloriser leur relation bilatérale : à cout terme, les incertitudes Afghanes poussent à la coopération. Et à long terme, une entente, même limitée, sera utile pour influencer l'attitude d'autres acteurs, régionaux et internationaux.
Famille de langue
Indo-aryenne
Dravidienne
Tibéto-birmane
Austro-asiatique
Plus de 1 600 langues et dialectes, dont 398 répertoriées officiellement, et 22 reconnues par la Constitution.
POPULATION
1, 2 milliard
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