GEOPOLITIQUE DES CARTELS DE LA DROGUE/ ACTEURS TRANSNATIONAUX DANS UN MONDE HORS DE CONTROL
L'Amérique centrale est devenue un symbole de violence criminelle, les pays du tristement fameux triangle du Nord, constitué du Guatemala, du Honduras et du Salvador, se sont retrouvés régulièrement dans le poleton de tète des classements globaux de taux d'homicides. La situation demeure drastique, mais elle prend depuis quelques années un tournant inquiétant. Au Salvador, longtemps champion de la violence, les taux d'homicides passant de 120 pour 100 000 à 150 en 2021.
Les trois pays, sont tributaires d'une stabilisation de la situation sécuritaire qui s'accompagnent d'une détérioration rapide et transcendante de la qualité des régimes en place. C'est en effet dans le cadre d'un tournant autoritaire et d'une intensification apparente des relations entre le crime organisé et les gouvernements que la pacification de l'Amérique centrale est en train de se produire. Comme c'est souvent la cas pour l'analyse des questions criminelles, les données sont partielles et leur fiabilité restent pour la plus part du temps douteuses. Mais de nombreux indices suggèrent que les deux phénomènes sont liés dans certains cas et pourraient le devenir dans les autres. En somme, la chute des taux d'homicide dériverait en partie de l'établissement d'accords entre les organisations criminelles et des régimes autoritaires. La clé du Mexique réside en un système d'ententes, implicites et explicites, qui échangent la tolérance des gouvernements et les arrangements de la capacité des partenaires à tenir leur part du marché. Contrairement aux organisations criminelles, dont toute l'activité est centrée sur le profits que génère le trafic, sont oubliés les politiciens qui jouent sur plusieurs tableaux. Ces derniers, partagent non seulement leurs part avec les narcotiques mais ils doivent aussi répondre de leurs actes devant leur électorat et aussi devant leurs partenaires internationaux. Les arrangements entre les gouvernements et les grands cartels mexicains avaient en effet survécu au passage de ces derniers d'un rôle périphérique dans un commerce des drogues dominé par les organisations colombiennes, vers un rôle central lorsque celle-ci plombées par un gouvernement colombien appuyé par les américains. La mise en place de la nouvelle hiérarchie et le transfert vers le Mexique de la grosse part des profits du commerce s'accompagnait d'une baise de moitié des taux d'homicides au sein de ce pays. En Amérique centrale, il semble plutôt qu'on soit en voie de parcourir un chemin inverse. Au Salvador, au Guatemala et au Honduras, la qualité de la démocratie, déjà problématique, s'est détériorée notablement au cours des dernières années. Ce tournant autoritaire et d'un affaiblissement des mécanismes de contrôle de celle-ci semble promettre une baisse des niveaux de violence. Elu à la présidence du pays en 1019, le Salvador de Nayib Bukele a d'emblée défié la presse, les tribunaux et l'assemblée législative du pays. Les résistances du Congrès, de la Cour Suprême et du procureur général ont été éliminées. Le procureur général a été promptement congédié alors qu'il enquêtait sur les liens du président avec les ( maras). Ces derniers en particuliers la ( MS-13 et la Calle 18) sont de grandes organisations qui dominent la criminalité dans le pays et aussi dans l'ensemble du triangle Nord de la région, mais l'influence s'étend jusqu'aux Etats-Unis, l'Europe et l'Afrique du Nord. L'unité anti-mafia que le procureur général avait mise sur pied fut aussi démantelée et son chef, le procureur anti-corruption, fut remplacé a son tour. La Cour Suprême n'échappe pas aux dépeçages en remplaçant ses membres par des alliés du président Bukele. L'établissement d'une paix narcotique cadre bien avec le virage autoritaire de Bkele et son attitude pour le moins ambiguë concernant le crime organisé. Certaines sources avaient déjà mis en lumière les accords que le Président avait négociés avec certains dirigeants emprisonnées des "maras", alors qu'il était maire de San Salvador, la capitale du pays. Ayant démenti l'information, il la confirma pendant sa compagne à la présidence, en affirmant qu'il ne le ferait plus. Mais les liens entre le pouvoir en place et les organisations ne font guère de doute et restent toujours vivaces. Le Honduras, il reste lui aussi confronté à une corruption systématique, à l'impunité, à des violations des droits de la personne et dans ce contexte d'institutions démocratiques fragilisés par le pouvoir. Le frère du président actuel Juan Orlando Hernadez a été récrément condamné aux Etats-Unis pour l'importation d'au moins 185 tonnes de cocaïne, équivaudrait à un minimum de 12 milliards de dollars. Des procureurs américains ont par ailleurs affirmé que le président lui-même aurait reçu des pots-de-vin de la part de trafiquant de drogues et qu'il aurait facilité l'envoi de la quantité vers les Etats-Unis. La situation du Guatemala est similaire. Le gouvernement de Alejandro Giammattei, impopulaire et confronté à des accusations de corruption, fait un usage croissant de décrets d'Etat d'urgence pour criminaliser les mobilisations autochtones contre celles de l'opposition qui dénonce sa gestion dangereuse de la pandémie. L'expulsion par son prédécesseur, Jimmy Morales, de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala ( CICIG), établie en collaboration avec l'ONU et active dans le pays depuis 2006. Mais le congédiement et les accusations criminelles contre un procureur enquêtant sur la corruption reçus par le président ont intensifié la crise et mené à une suspension de la coopération du gouvernement des Etats-Unis avec le procureur général du pays. Plusieurs analyses attribuent la chute de prés de 20% du taux d'homicides au travail anti-corruption de la CICIG et du bureau du procureur général, qui a mené, entre autres, à la démission puis à l'emprisonnement du ( Président) Otto Pérez Molina et sa vice-présidente. Les dirigeants actuels semblent chercher des solutions qui à la fois préservent la corruption et permettent d'éviter le sort de leur prédécesseurs, dans un pays clé sur la route de la cocaïne, via le Mexique, vers les Etats-Unis, l'Europe et l'Afrique, ou ce jouent les barons chiites, l'Etat islamique, afin de financer les conflits au Yémen, au Liban, en Syrie, en Irak, en Libye, et au Sahel. L' Amérique centrale, reste enchainée sur un continent troublé, dont les démocraties souffrent d'un déficit croissant de légitimité et où le risque d'une insécurité généralisée crée un fort incitatif en faveur d'arrangements, légaux ou non. Evidemment, dans la mesure où démocratie authentique et paix narcotique sont incompatible, la consolidation d'un tel système augure fort mal pour les systèmes politiques de la région. Cette analyse montrent clairement comment des ententes avec les organisations criminelles pourraient tenter les gouvernements de plus en plus autoritaires. Néanmoins, une grande part des réfugiés qui assiègent la frontière sud des Etats-Unis, désespérés sont victimes de la violence qui alimente la région.
LA GUERRE CONTRE LES CARTELS : UN DEFI MONDIAL
Les cartels mexicains ont su au fil du temps nouer des liens avec la sphère politique et en tirer des profits. Miguel Gallardo, chef du premier grand cartel mexicain, était également actionnaire dans plusieurs banques. Tous comme Joaquin ou "El-Chapo" condamné en 2019 à la prison à perpétuité aux Etats-Unis, était aussi actionnaire dans plus de 200 entreprises légalement constituées sur le continent latino-américain. Or, les cartels mexicains mettent également à profit leur savoir-faire géographique, qu'ils manient avec dextérité. Fixés entre l'un des principaux territoire producteurs de drogues illicites au monde, la Colombie reste la lisière du principal marché d'exportation. Les cartels mexicains ont su constituer les meilleurs routes d'échange faisant d'eux la charnière d'un business continental fortement lucratif. Leur influence se développe, mais aussi leur emprise territoriale. Ces structures cartellisées sont nonobstant leur organisation hiérarchisée, extrêmement versatiles. Les environnements dans laquels elles évoluent conditionnés par les différents stratégies déployées par les Etats pour les désarticuler et les poussent à l'ingéniosité. La moindre faille identifiée est une opportunité pour échapper au control de l'Etat. Pour l'Etat Mexicain ont compte 19 organisations criminelles ayant le plus grand impact sont officiellement identifiées par les services de renseignements financier ( rapport 2019-2020). Elles persistent même après que leurs dirigeants aient été disparus ou incarcérés. Cela explique clairement leur capacité d'adaptation, à la diversification des délits, à leur présence territoriale étendue, à leur capacité opérationnelle et logistique, et à leur structure financière pour le blanchiment d'argent et à un large réseau de protection institutionnelle. La ( Drug Enforcement Administration DEA), dans son rapport pour l'année 2020, constate que la production de cocaïne a atteint des niveaux record en Colombie, et que celle-ci continuera d'être introduite en contrebande aux Etats-Unis et le Mexique. Un autre constat est fait dans le rapport : Les cartels mexicains contrôlent la majeur partie du marché étasunien de la drogue et ont établis des itinéraires de transport variés, ont des capacités de communication très avancées et de fortes affiliations avec des groupes criminels et des gangs notamment aux Etats-Unis, l'Europe et l'Afrique.
Si le contrôle des cartels au Mexique n'est plus à établir, c'est leur maîtrise d'une activité insérée au cœur de la mondialisation qui leur confère une particulière résilience aux frappes. En tant qu'organisation criminelles transnationales, ni les Américains, ni le Mexique ou encore la Colombie, n'ont toujours pas réussi à éradiquer de leur territoire le trafic de stupéfiants, et la hausse d'homicides à travers leur dispositifs de coopération bilatérale.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
L'INITIATIVE MERIDA / Alliance dans laquelle les Etats-Unis ont injecté 2,6 milliards d'euro en 13 ans en apportant son aide logistique et militaire à la lutte mexicaine contre les cartels de la drogue. Après une guerre entre narcotrafiquants et gouvernement qui aurait fait plus de 30 000 morts depuis 2006, l'Initiative Mérida a pris fin le 8 octobre 2021 .
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