GEOPOLITIQUE/ RUSSIE / VLADMIR POUTINE : RESSUSCITE L'HEGEMONIES TSARISTES
Animé par la nostalgie de la grandeur de l'empire tsariste, le Président Poutine conçoit la Fédération de Russie comme un empire extensible dominé par les Russes. La prise de pouvoir des bolcheviks après la chute de l'empire n'a pas conduit à l'effacement des nations qui le composent. Promues et réprimées, elles ont tiré parti de l'implosion de l'URSS. Le nationalisme de Vladimir Poutine, son régime méphistophélique et le poids hégémonique a traves le monde, l'homme est devenu prisonnier par ses propres tyrannies ce qui accélèrera se chute imminente.
Afin de comprendre le présent, il est primordial de plonger dans les abysses de l'histoire. En 1914, l'Empire russe s'étend de Varsovie et de la Baltique à Vladivostok, engendrant le Caucase et le Turkestan ou Asie-centrale actuellement. C'est un empire multinational et aussi un pays-continent de 17 millions de Km à cheval entre l'Asie et l'Europe. Cette homogénéité engendre un grand nombre d'ethnies " 194" qui résident dans l'une des 85 régions de Russie. Ou plutôt les sujets comme il est coutume de les appeler, car toutes sont inféodées à un pouvoir hypercentralisé incarné depuis presque deux décennies par un seul homme, Vladimir Poutine. Avant lui, la russification gagne du terrain au XIX siècle, provoquant insurrections et révoltes durement réprimées. Les révolutionnaires dénoncent la servitudes des peuples. Les Polonais s'insurgent contre le joug tsaristes en 1830 , 1863 , 1905. En 1916, les indigènes du Turkestan se révoltent contre le gouverneur. Les mouvements nationaux sont en plein essor : Les Ukrainiens, les Géorgiens, les Lettons alors dominés par une élite nobiliaire allemande, les Juifs étaient à leur tour soumis à la discrimination et aux pogroms. Lors de la révolution russe de 1917, qui provoque l'abdication du Tsar, le désir de refonder une Russie démocratique et fédérale prédomine. Seuls les Polonais et les Finlandais veulent leur indépendance. Mais la prise du pouvoir par les bolcheviks et la guerre civile qui débute poussant la plupart des nations à faire sécession, naissent alors les trois Etats baltes. Une république de Transcaucasie se divise en 1918 selon une ligne ethnique en trois pays indépendants : la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La république populaire d'Ukraine prend son indépendance en 1918. Ce premier éclatement de l'empire se révèle très fragilisé. Dés 1920, l'Armée rouge a reconquis la totalité de l'espace impérial. Le succès bolchevik tient surtout à la faiblesse de ses adversaires et au caractère fragile des nationalisme non russes. Lénine et Staline se font les promoteurs d'une multinationalité socialiste sans nier le sentiment national. Lénine a inscrit des 1903 le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dans le programme du parti bolchevik. Staline définit la nation comme unité constituée d'un territoire, d'une langue, d'une histoire et d'une culture. C'est sous sa houlette que s'organise, sur une base fédérale, la république socialiste fédérative soviétique de Russie avec 8 république et 13 régions autonomes. Depuis 1897, le recensement a donné une première représentation des nationalités au sein de l'empire. Ils s'emploient, avec les géographes et les économistes, à faire surgir des délimitations entre les peuples. Le principe est de donner un territoire à chaque groupe national afin de mieux désarmer les nationalistes. En 1922 se forme l'Union des républiques socialistes soviétiques ( URSS) . Elle nit l'Ukraine, la Biélorussie et de Transcaucasie. Par la suite, certaines républiques obtiennent le statut de république fédérée. Les Etats post-soviétique d'aujourd'hui figurent déjà comme république dans la Constitution de 1936. Les Juifs reçoivent également un territoire. Les bolcheviks avaient pensé à la Crimée mais, devant l'antisémitisme des colons russes et ukrainiens qui y résident, le territoire nait en 1928 au Birobidjan avec le yiddish comme langue officielle.
LA REVOLUTION AU SERVICE DE LA NATION
Les habitants du nouveau pays ne sont plus des Russes mais des Soviétiques. Le pouvoir est désormais aux mains exclusives des bolcheviks rebaptisées communistes. l'empire reconstitué se veut la base d'une révolution internationaliste et anti-impérialiste. La fondation de l'Internationale communiste provoque la création des PC en Europe et en Asie. Le congrès réunissant 1891 délégués à Bakou et appelle en 1920 les peuples d'Orient à se lever contre les colonisateurs. La question nationale est alors une arme révolutionnaire pour influencer les minorités au delà des frontières de l'URSS. Il annexe la Pologne orientale et les Etats baltes restés indépendants pendant l'entre-deux guerres et crée en 1945 et 1949 un véritable glacis impérial d'Etats socialistes en Europe de l'Est jusqu'à Berlin. Si la forme est nationale, le contenu doit cependant être socialiste. Les déviations nationalistes et religieuses sont réprimées dans le sang. Le Tatar "Sultan Gliev", qui rêve d' un communisme panmusulman, se retrouve en prison en 1928. La "charia" est combattue au nom de l'émancipation socialiste de la femme. Comme bien des églises, la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou est dynamitée en 1931 et remplacée par une piscine. Par ailleurs, l'adage impérial diviser pour régner n'a pas disparus, même s'il se drape dans le principe de l'égalité entre les ethnies. Face au nationalisme Ukrainien, on favorise ainsi la Biélorussie limitrophe. Les enclaves Azérie en Arménie et arménienne en Azerbaïdjan maintiennent des pommes de discorde arbitrées par Moscou. Les nationalistes diasporitiques ou frontaliers sont, dés le début des années 1930, la cible de la répression stalinienne. Entre 1935 et 1941, les Polonais, les Allemands, les Coréens, les Baltes, citoyens soviétiques ou étrangers, sont vus dans une montée des périls extérieurs, comme des traitres potentiels. De 1937 à 1938, "345513" personnes sont arrêtées et 73,7% d'entre elles sont exécutés. Représentant 1,7% de la population soviétique, les diasporas comptèrent pour 26 ou 28% des condamnés durant ces deux années génocidaires. En 1944, les Tatars de Crimée, les Tchétchènes, accusés parmi d'autres peuples d'avoir collaborés avec les Allemands, sont entièrement déportés en Asie centrale et leur république rayées de la carte. Dans l'après-guerre, les maquis antisoviétiques ukrainien et balte nourrissent un flux de prisonniers et de déportés vers l'Est. La politique philosémite des bolcheviks s'inverse aussi après la victoire sur Hitler et la création d'Israël. Un antisémitisme d'Etat vise les intellectuels juifs et atteint son apogée en 1953. Comme toute attente, le système communiste et l'empire auquel il avait redonner forme disparaissent sans guerre civile. Les nations qui avaient incubé durant 70 ans se montrent alors tout à fait prêtes à se gouverner elles-mêmes. Seule, la fédération de Russie, qui hérite du plus gros morceau du défunt empire, ne ressemble pas à un Etat-nation. Hanté par le déclin, Vladimir Poutine continue d'être tributaire de réalités impériales et d'un désir de puissance qui s'impose, au sein de la fédération, les Tchétchènes, les Tatares, et, en dehors, les Ukrainiens, les Géorgiens et les Baltes.
POUTINE : UNE INCARNATION IMPERIALISTE TSARISTE
Le Président Russe a repris les choses en main en s'appuyant sur une verticale du pouvoir nourrie par un nationalisme hybride, qui emprunte pour partie à l'impérialisme tsaristes mais surtout aux pratiques de l'URSS. L'idéologie soviétique disparue, sa mythologie demeure. Comme hier, le Kremlin ne conçoit le développement du pays que par son extension territoriale. L'Ossétie du Nord et l'Abkhazie arrachées à la Géorgie en 2008, puis la péninsule ukrainienne de Crimée annexée en 2014 ont ainsi rejoint l'enclave de la Transnistrie, en Moldavie, dans la liste des territoires dépendantes car considérés comme prorusses. Pour les mêmes raisons, la région du Donbass, dans l'Est de l'Ukraine, est la cible d'un conflit meurtrier depuis 40 ans. Homme du KGB, il garde toujours l'envie d'élargir les frontières, de restaurer le statut de superpuissance comme ca l'était du temps soviétique, avec une idée de grandeur et non la recherche du bonheur du peuple. En 2010, les violentes manifestations des ultranationalistes russes, dont est issu le principal opposant du Kremlin, Alexeï Navalny ont convaincu Vladimir Poutine d'occuper un terrain sur lequel ont prospéré, bien plus que dans les rangs des libéraux-démocrates, ses plus farouches adversaires. La thèse de la Russie forteresse assiégée par des ennemis semblables à ceux de la guerre froide. L'Occident et l'OTAN, a donc occupé une place de choix dans tous ses discours. Les bruits de bottes qui résonnent à l'Est de l'Ukraine nous rappellent que trente ans après la chute de l'URSS, la ligne de fracture entre la Russie et l'Occident constitue une réalité géopolitique de plus en plus vive. Depuis plus d'une décennie, Moscou semble s'être en effet définitivement enfermée dans une lecture paranoïde de son étranger proche. Dotée d'une armée qui s'est sensiblement renforcée depuis la guerre russo-géorgienne de 2008, la Russie a réussi à mobiliser ces dernières années des moyens humains, matériels et financiers limités bien qu'extrêmement efficaces pour affirmer son grand retour dans les affaires mondiales ( groupe Wagner en Afrique, la Géorgie, la Syrie, le Mali, la Biélorussie, et récemment la Suède qui déploie ses militaires sur l'ile de Gotland afin de se protéger.) L'annexion de la Crimée et la déstabilisation à long terme de l'Ukraine, la captation des richesses en Centrafrique, ou encore l'affaiblissement de l'influence française au Sahel sont autant de tableaux de chasse à porter au crédit de cette stratégie. D'autant plus qu'elle intervient alors même que les Européens semblent incapables d'assurer la défense de leurs intérêts stratégiques et que les Américains se concentrent plus exclusivement sur la menace Chinoise. Dans ce contexte, la Russie adopte jusqu'à présent une stratégie globalement gagnante, face à laquelle les sanctions européennes et américaines ont affiché peu d'efficacité. Confortée dans cette dynamique, Moscou tente désormais de porter en Ukraine un coup qui compte triple : contraindre Kiev à une finlandisation forcée de sa politique étrangère, ce qui permettrait à Moscou de reconstituer une stratégie de glacis face à l'OTAN. Ou encore stopper l'influence turque dans la région et échapper au risque d'un dangereux renforcement des capacités ukrainienne grâce à Ankara. Et enfin, discréditer durablement l'OTAN, tant aux yeux de ses Etats membres qu'à destination de futurs impétrants. Cette configuration intervient alors même que d'autres bruits de bottes, en Asie ceux-là ouvrant la voie à une seconde ligne de fracture aux accents encore plus guerriers. Car la Chine n'est pas la Russie, même si elle partage avec son voisin cette même volonté de revanche sur l'histoire. Sa puissance économique et les moyens investis pour renforcer ses forces armées laissent peu de doute quant à ses ambitions géostratégiques. La confrontation avec les Américains semble donc, à court ou moyen terme, indubitable.
Notre époque n'est ainsi pas celle qu'imaginaient sans doute ceux qui, il y a 30 ans, rêvaient d'un nouvel ordre international bâti sur la paix et le droit. Celui que nous contemplons désormais est davantage traversé par l'avènement de nouveaux conflits, de nouvelles crises et le retour de rivalités anciennes.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
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