vendredi 18 janvier 2019

GÉOPOLITIQUE DU SAHEL/ LA RÉGIONALISATION DU CONFLIT, LES FORCES INTERNATIONALES ET L'ABSENCE DES RÉSOLUTIONS DE STABILISATION


Le Sahel fait face à un conflit mouvant entre rupture et continuité. Si la présence militaire internationale est autorisée sur la double justification du conflit Malien et du terrorisme Sahélien, elle mine le retour de l’Etat Malien de par sa présence. Cette force internationale nourrit paradoxalement les logiques djihadistes et facilite leurs efforts de recrutement. Dans un tel conflit, le Sahel reste l’otage de certains pays et loin des résolutions à long terme.





Le Mali subit en 2012 une rébellion formée autour d’une alliance entre groupe touareg et djihadistes, suivie d’un coup d’Etat mené par des militaires hostiles de la gestion de la crise. En 2013,  le président Français François Hollande autorisait une intervention militaire, l’opération Serval ouvrit la porte à de nombreuses interventions militaires internationales. A partir de 2014, ces forces militaires combinées étaient conçues pour couvrir le Sahel, un territoire incluant des zones couvrant le Sénégal jusqu’à la Somalie, sans oublier la région du G5 Sahel, soit celle couvrant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Face à cette poudrière rampante, 12 000 casques bleus et 17 000 policiers déployés au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali, 4500 soldats Français au sein de l’opération Barkhane, 5000 soldats prévu pour la Force conjointe du G5 Sahel ( FC-G5S) , 580 soldats au sein de l’EUTM Mali et une présence des forces américaines, Italiennes et allemande dans les pays du G5 Sahel, au Niger en particulier, qui sont en appui aux efforts de cette opération.

LES ETATS RÉGIONAUX ET LA MANIPULATION DES GROUPES ARMES


La situation sécuritaire au Sahel, ainsi que les perspectives de résolution ou d’exacerbation des violences et des conflits armés sont intimement liées au contexte régional, dépassant largement le cas Malien. Les groupes djihadistes relèvent d’Al-Qaïda au Maghreb (AQMI) et de son partenaire local, Ansar al-Din, incluant d’autres groupes, opérant de manière semi-autonome selon une dispersion régionale approximative et parfois contestée : AQMI et le groupe AL –Mourabitoune sur les axes Tombouctou-Taoudenni et Taoudenni-Tessalit ; Ansar al-Din à Kidal et au nord de la ville jusqu'à la frontière Algérienne ; Le Front de libération du Macina (FLM) dans les régions de Mopti et Ségou. Depuis 2017, cette configuration a évolué quand les groupes se sont unis sous l’égide du (JNIM) Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Regroupés sous l’égide d’un ancien membre d’Ansar al-Din, Iyad ag Ghali, ce dernier reste fidèle a Ansar al-Din. Le (EIGS) Etat islamique au Grand Sahara, qui a vu le jour en 2015 suite à un schisme dans les rangs d’AQMI reste opérationnel sur la zone des trois frontières, Mali, Niger et le Burkina. En dehors des djihadistes, les groupes armés ont signés un accord de paix en 2015 et reconnus comme des parties prenantes légitimes au conflit Malien, mais ils intensifient la complexité des dynamiques conflictuelles existantes. Cette plateforme des groupes armés Malien est le fruit d’une alliance pro-gouvernementale formée en 2014 à Alger. Constituée de plusieurs groupes, dont les plus connus sont le groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) et le mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Ces derniers, sont trop impliqués dans les divers trafics   notamment, les armes, la drogue, control du flux migratoire, le trafic d’être humain, à savoir les femmes et les enfants et même les drogues durs et les armes lourds. Quant à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ils sont crées suite à une alliance des groupes rebelles et ils ont formés par la suite le mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA).  Dans cette région, le rapprochement et la coopération entre groupes armés et djihadistes connaissent une large fluidité par contre les affrontements entre le JNIM, le GATIA et le MSA  sont extrêmement récurrentes en 2018.  Épicentre de l’instabilité du Sahel, le Mali demeure donc au centre de tous les services secrets de la région, Maroc, Algérie, Tunisie, les G5 et surtout ceux des pays  présents dans le Sahel comme la France, Allemagne, l’Italie, la CIA, le Chine, l’Iran, la Russie, les Saoudiens, les Emiratis, et la Turquie qui manipulent et chapeautent les djihadistes et les groupes armés au même temps. Cette dégradation sécuritaire à en plus engendré une résurgence des violences communautaires et surtout une fracture du tissu social. Le chef du FLM, Amadou Kouffa, tué par la force Barkhane, et suite à ses positions à tous les (Peuls) d’Afrique de l’Ouest de faire le djihad, sa mort a eu une grande incidence dans un contexte d’ethnicisation et de régionalisation des dynamiques conflictuelles.  

LES FORCES INTERNATIONALES FACE A LA RÉGIONALISATION DU CONFLIT


L’émergence d’une architecture de défense collective propre au Sahel, a justifié une restriction de la posture militaire Française, un déploiement important de troupes américaines et européennes. La création d’une force conjointe du G5 Sahel, a fait de la région un vaste engagement international visant à structurer les mécanismes de gestion des conflits. Malgré les bonnes intentions, les contraintes matérielles, humaines et financières que rencontrent les armées, le conflit a donc suscité l’urgence de  l’argent Saoudien, Emiratis, Américains  ainsi que le soutien  à bout de bras par l’opération Française (Barkhane) sans oublier l’aide logistique de l’Algérie. Force est de constater, que  même en  s’appuyant davantage sur la multiplicité des forces étrangers, en Juin 2018, le JNIM n’a pas hésité à frapper le quartier général de la force à Sévaré. Remettant en question l’efficacité de celle-ci et conduisant le commandement Malien entre la Mauritanie et le Tchad. Au Sahel, tout passera par  la situation au Mali, mais les pays voisins comme l’Algérie, la Tunisie ou le Maroc, ont peu d’intérêts et peu de moyens pour s’investir dans la résolution du conflit. S’exposant ainsi  directement aux menaces rampantes des deux conflits, celui de la Libye et du Sahel, porteurs d’insécurité et d’instabilité à moyen terme. Il est très important de souligner que dans son format actuel, la logique horizontale Est-Ouest du G5 Sahel ignore de facto les dynamiques Nord-Sud et interrégionales alors même que la contagion des crises actuellement se fait suivant des dynamiques verticales, que cela soit au Sud avec Bako-Haram, ou au Nord avec les groupes armés en Libye.  Le Sahel abrite aussi de grandes réserves pétrolières ainsi que des gisements d’uraniums immenses, d’or et autres métaux nécessaire à la fabrication de nouvelles technologies. Paradoxalement, le conflit au Sahel n’est pas uniquement d’ordre géopolitique ou géostratégique, il est surtout géoéconomique. De plus en plus convoités par de nombreux pays et même par des puissances, être présent militairement permet de mieux contrôler ces immenses richesses. Cependant, la présence militaire Française à un coût financier énorme que la France ne peut porter indéfiniment et par conséquent, elle ne peut s’imposer  contre  la présence Chinoise ou américaines qui aspirent déjà  à spolier les richesses du Sahara Occidental.

LES TOUAREGS / UN PEUPLE SANS ETAT


Afin de comprendre ce qui se passe actuellement dans la bande Sahélienne que traverse l’Afrique, il faut connaitre les populations qui y habitent ou se déplacent, et plus particulièrement les Touaregs. Perçus comme des rebelles irrédentistes, ils sont depuis des décennies réprimés et manipulés. La plupart aspirent uniquement à faire respecter leurs droits dans les pays ou ils vivent, tout en s’acharnant a fondé leur propre Etat et se libérer du poids des pays qui les instrumentalisent, mais à quel pris ?

LA QUESTION TOUAREGS DURANT LA CONQUÊTE COLONIALE

En 1827, René Caille, va susciter l’intérêt de la métropole pour les hommes bleus, qui vivent sur un territoire de prés de 2 millions de Kilomètre carré à cheval sur plusieurs pays : l’Algérie, la Libye, le Mali, le Niger et accessoirement le Burkina Faso. Entre 1900-1920,  une deuxième expédition commence avec « la colonne Flatters » qui, en partant d’Ouargla (Algérie), va essayer de faire les relevés topographiques pour le futur transsaharien. C’est l'échec ! Il faudra attendre une vingtaine d’années, pour que  l’expédition « Foureau-Lamy », financée par la société de géographie, traversera presque tout le Sahara. En 1901, « Laperrine » avec ses Compagnies Méharistes entreprendront la pacification et le contrôle qui s’effectue sur deux pénétrantes, une à partir du Sénégal, et l’autre à partir du Sud Algérien. En 1917, lorsque Laperrine retourne sur place, il se projeta sur la création d’un royaume Touareg au centre du Sahara. Plus tard, ce projet va nourrir la légende du missionnaire « Charles de Foucault 1858-1916 »  qui fera un dictionnaire linguistique sur la base du « Tifinar et le Tamachek » en langue Française. Considéré comme l’unique missionnaire qui a étudier la doctrine de "Ibn-Arabi", et la faire propager parmi les musulmans de toute la région, Foucault fut assassiné le premier décembre en 1916 dans son ermitage à Tamanrasset, par la Senoussia, une confrérie sunnite très influente en Algérie, la Tunisie, la Libye et le Sahel. En 1957, une loi portée par le ministre d’Etat chargé des affaires Sahariennes, institue l’organisation commune des régions Sahariennes (OCRS).  Couvrant ainsi quatre millions de kilomètres carrés incluant désormais l’Algérie, le Nord du Mali, une partie du Niger, et de l’Ouest en Est, de Mauritanie aux confins du Tchad. Il est surnommé également le projet " Laperrine bis"  avec un objectif nouveau, la protection et la sécurité du pétrole Saharien. Ce fameux projet sera quasiment mort-né, sous la double opposition des partisans de l’Algérie Française, et des élites de Bamako et Niamey. Malgré l’échec et l’insatisfaction Touarègue, et surtout le flou des frontières de la colonisation, le projet de Laperrine est revenu en force suite aux  nouvelles secousses géopolitiques qui déstabilisent la région. Avec le temps des indépendances et le retrait de la France, les Touaregs seront confrontés aux nouveaux pouvoirs locaux, qui débouchera a deux révoltes successives de 1985 et de 2007 au Niger et les rebellions à répétition au Mali. Pris en otages par les compromissions des autorités locales avec les trafiquants liés aux radicaux, l’intervention Française, la surenchère de Bamako, la crainte Algérienne, la mise en place de la MINUSMA, et le djihadisme, les touaregs sont de nouveau pris en otage.

LE SPECTRE DE L'IRREDENTISME TOUAREG

L’irrédentisme Touareg est née suite à la conquête coloniale, lesquels ont généralisé le sentiment de révolte à l’ensemble des Touaregs. Cette idée, s’est largement répandue au Niger et plus encore au Mali. En 1963, un premier soulèvement survient dans l’Adagh des Ifoghas, suivie d’une répression sanglante ordonnée par le président Modibo Keita. Du coté de l’Algérie, de la Libye et du Burkina Faso, les Touaregs n’ont, depuis les indépendances, jamais véritablement défié leurs pouvoirs centraux respectifs. Dans les années 1980, une génération de jeunes, appauvri par les sécheresses et stigmatisée au quotidien par les militaires qui administrent leurs régions au Mali, rejoint en Algérie et en Libye des orphelins de la répression de 1963-1964. Animés par des sentiments de vengeance et d’injustice, ils déclenchent une nouvelle rébellion au Mali en 1990. Aux attaques lancées sur les postes de militaires et de gendarmerie, l’armée du régime de Moussa Traoré répond par des massacres sur les populations civiles. Les rebelles Touaregs et Maures revendiquent cette fois l’autonomie d’un territoire qu’ils nomment « Azawad », mais le régime en place rejette toute dimension politique de cette rébellion. Qualifié de bandits armés, ces mouvements sont loin d’emporter l’adhésion de l’ensemble des populations, et la répression et le discrédit s’acharne contre eux. Le dernier soulèvement en date, déclenché en janvier 2012 par le MNLA contre le pouvoir de Bamako, et dans un climat de violence décuplé, lié à la prolifération des armes, à la multiplication des groupes armés et des actes de banditismes, impliquant de plus en plus d’acteurs nationaux et internationaux. Dans cette situation toujours plus complexe, les intérêts économiques, idéologiques, et financiers renforcent davantage le conflit mené par les Touaregs. En dehors de l’intervention de forces armées internationales (Barkhane, Minusma), l’Arabie-Saoudite, les Emirats-Arabes-Unis, l’Algérie, et  le Maroc forgent des liaisons troubles dans la région pour des raisons géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques. Au début des années 1990, dans un contexte de rébellions,  des débats entre chercheurs l’ont traduit par « nation », justifiant ainsi les revendications territoriales des mouvements Touaregs. D’autres ont dénoncé une vision tronquée de l’histoire en réaffirmant la prééminence des clivages lignagers et tribaux comme matrice des rapports politiques au sein des Touaregs.


A mon avis, si cette région du monde peut connaitre la diversité des peuples et de repenser leur place au sein d’Etats toujours claqués sur le modèle français, d’autres conflits avec les pays voisins seront inévitables. Sur ce point, les Touaregs cherchent à faire entendre leur voix, loin de tout pluralisme politique et juridique. Ainsi, la fragmentation ethnique au cœur des conflits Africains, repose sur un cadeau empoisonné de la colonisation et reste un défi à relever dans ce continent.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA


Les Touaregs évoluent au Sahara central et au Sahel sur un espace d’à peu prés 1,5 million de kilomètre carré, réparti sur cinq Etats, l’Algérie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Libye. La population totale, très difficile à évoluer, représenterait entre 3 et 4 millions de personnes, dont la majorité vit au Niger et au Mali. L’histoire croisée des Touaregs avec l’Etat commence avec la conquête coloniale. Parmi les Touaregs, des aristocrates guerriers, souvent associés à des familles religieuse , exerçant alors une prééminence politique et militaire sur la plupart de leurs voisins, Maures, Peuls, Toubou, au mode de vie proche, Songhaï, Zarma, Haoussa, Kanouri, Mossi, Dogon, de tradition agricole, ainsi que sur d’autres tribus Touareg. Dans les contrées méridionales surtout (Nord-Mali et Nord-Niger actuels, les formations politiques étaient pluriethniques.
Le « tamasheq » langue berbère parlée par les Touareg, est un terme d’origine arabe. Les touaregs se disent «  Kel Tamasheq », les gens de la langue tamasheq. Le préfixe « Kel » est également utilisé dans la désignation de groupes plus restreints comme la tribu ou la fraction. Il précède généralement un toponyme. Ainsi, les  principales entités politiques touaregs qui préexistaient à la pénétration coloniale à la fin du XIX siècle, étaient dénommées « Kel Ahaggar les gens des montagnes du Hoggar ». «  Kel Air, les gens des montagnes de l’Aïr ».       
  









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