dimanche 21 novembre 2021

 GEOSTRATEGIE / GEOPOLITIQUE/ SMARTS ET HARDS POWER  DE LA TURQUIE 

Afin de comprendre pourquoi la Turquie s'est aliénée à ce point de nombreux membres de l'OTAN, nous devons examiner la façon dont Ankara perçoit les menaces. Depuis 1952, elle est un acteur clé de la stratégie de dissuasion de l'OTAN, en 1961, son intégration à l'alliance atlantique, la Turquie y joue un rôle stratégique. Elle devient alors le premier Etat européen à accueillir les armes nucléaires américaines sur son sol. Vitale encore, pour l'armée américaine et l'OTAN, le pays accueille d'autres bases à l'OTAN à Izmir, la station radar de Kureclik,  et le LANDCOM "1", tout en participant massivement aux opérations de l'OTAN.



La Turquie bénéficie également de l'Organisation, qui lui permet d'avoir accès à des systèmes d'armes modernes, de bénéficier de la protection du fameux article "5" (2) et d'avoir une voix au cœur du système de sécurité Occidental. Néanmoins, ces dernières années, la place d'Ankara est devenue incertaine, en particulier avec la France , la Grèce et plusieurs Etats membres, ainsi que son rapprochement avec le Kremlin; menant après la crise 2015/ 2016, des exercice militaire avec la Russie conjoint en mer Noire. En outre, selon le rapport GMF TransatlanticTrends 2021, se sont deux tiers des Etats européens qui pensent que la Turquie n'est plus un allié fiable. A titre d'exemple, 76% des Allemands, 74% des Suédois et 72% des Français pensent que l'autonomie et le technologie militaire de la Turquie, représentent une menace à moyen ou à long terme.

PUISSANCE MILITAIRE ET SOUVERAINETE TECHNOLOGIQUE 


Ankara a placé au centre de sa politique de défense le développement domestique de ses capacités militaires. Cette orientations allie le renforcement de la base industrielle et technologiques de défense "BITD", la multiplication de projets de recherche et de partenariats technologiques avec des acteurs internationaux. En chiffres, cela correspond à des dépenses militaires équivalentes à 18 milliards de dollars, et le budget de l'année 2020 a été évalué à 25 milliards de dollars. Ces efforts se concrétisent dans le cadre d'une grande diversité d'armement, à savoir naval, terrestre et aérien. La stratégie Turque s'illustre plus particulièrement en termes de "hard power", elle représente la deuxième plus grande armée au prisme du volumes d'effectifs au sein de l'OTAN. Elle s'inscrit aussi dans le cadre d'une succession d'interventions militaires et de livraisons d'armes; ainsi que l'engagement dans le Nord de la Syrie, soutien au gouvernement national Libyen "GNA",  recrutement des milliers de combattants et projection d'un navire d'exploration escorté de navires de guerre en 2020 en méditerranée orientale. Sur le plan international, ces exemples d'engagements et de projections militaires, suscitent de vives tensions notamment au sein des monarchies arabes, notamment l'Arabie-Saoudite et les Emirats ainsi que  de la communauté internationale et se trouvent à l'extrême limite de générer des tensions, voire de créer de nouveaux conflits. Le nouveau fer de lance turc, se démarque de la technologie des drones qui occupe une place centrale d'influence du pouvoir. Ankara a utilisé des drones dés les années 1990, avec le soutien d'Israël, principalement pour faire face à la menace séparatiste du PKK. En peu de temps, la Turquie est passée du statut de simple utilisateur à celui d'exportateur, avec comme ligne directrice le développement de ses propres composants. A cet effet, lors du dernier conflit du Haut-Karabagh, les drones armés "Bayraktar TB2 turc ont montré leur rapport au profit de l'Azerbaïdjan en détruisant du côté arméniens des positions de mortier, des postes de commandement, des installations radar et bien d'autres systèmes d'armes et infrastructures. Un autre facteur s'ajoute, l'existence de nombreux types de drones destinés au renseignement, surveillance et reconnaissance "ISR", armés, drone naval, ou bien encore des appareils aériens kamikazes dits suicide. La Turquie a ainsi confirmé le fait que dans le cadre d'une contre-guérilla, le drone n'est pas limité au traitement unique d'objectifs fugaces non planifiés ( Time-Sensitive Targeting, TST), mais peu être étendu à l'ensemble des cibles. L'engouement croisant pour ses appareils, vient consolider les zones d'influences qu'elle tient à garder. Après la Tunisie, le Qatar, l'Ukraine et l'Arabie-Saoudite vient compléter le rang des acheteurs de drones armés turc. Cette technologie de drone suscitent un intérêt militaire de taille? Tout en occupant une place de choix au sein des membres de l'OTAN, comme la Lettonie et la Pologne. Concernant l'ONU, l'intensification de l'hybridité des conflits, soulignent la conjugaison d'un système alliant autonomie et l'létalité à savoir destructeurs, dérégulés et dépourvus de règles éthiques. Situation à laquelle s'ajoute la prolifération des systèmes inhabités qui sont de plus en plus accessibles, des Etats jusqu'alors écartés pouvant désormais acquérir ces systèmes à bas coût, se caractérisant par un haut degré de sophistication en constante évolution. Ainsi en 2020, le Canada frappe d'embargo la Turquie, paradoxalement, le Maroc a fait l'acquisition de 13 drones armés turcs et a pu recevoir séparément de la société canadienne le fameux équipement optronique. De leurs cotés, les américains font preuve à l'égard de l'allié turc d'une certaine indulgence au regard de ses échanges et transferts de technologies. D'autre-part, la Turquie exporte des équipements au profit de nations alliées, et parallèlement elle représente un important élément d'opposition aux propensions chinoise et russe. Désormais, les défis qu'elle tient à relever semblent être de plus en plus à sa portée, sans toutefois obtenir l'approbation de l'Union-Européenne. 

OTAN / TURQUIE :  UNE PUISSANCE HORS CONTROL


La Turquie n'a aucun ennemi qui possède la capacité de lancer des missiles de longue portée sur son sol. La Russie ne l'attaquera pas, la Syrie n'en a pas les moyens, et l'Iran ne se risquerait pas à attaquer un membre de l'Alliance. Dés lors, le fait de réclamer de sanctions, voire d'expulser la Turquie de l'OTAN, n'aidera ni l'Alliance, ni les intérêts des Etats membres. Cependant, la Turquie et la Russie ne sont pas encore des alliés pour autant. Les  deux Etats ont des intérêts divergents en Libye, en Syrie, l'Ukraine et le Caucase du Sud. Pour certains membres de l'OTAN, le système du S-400, constituerait une grande menace ainsi que le F-35; il est donc nécessaire de trouver des compromis entre la Turquie, les Etats-Unis, la France, la Grèce, Chypre. Autre défi, est la flottiste russe de la mer Noire et son dernier système automatique de surveillance du surface. Il est donc crucial pour l'Alliance de contrôler la Russie dans cette région d'où la Turquie devient indispensable. Pour l'OTAN, il est primordial de réduire l'influence de Moscou en Méditerranée  et, à terme, en haute mer. Cela sera capital à la sécurisation du corridor gazier du Sud, et empêchera la Russie de mettre l'OTAN devant un fait accompli, comme elle a pu faire avec la Crimée. En conséquence, la mer Noire devient le nouveau théâtre d'affrontement entre les membres de l'Alliance et la Russie. En ce sens, la Turquie a déjà pris des mesures en approfondissant sa coopération avec l'Ukraine, la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Pour Ankara, un message clair à Moscou, afin que l'OTAN devra déployer en mer Noire des efforts soutenus, avec notamment le Standing NATO Maritime Group 2 ( SNMG2). Une force navale multinationale composée de 7 à 8 navires; tout en effectuant des exercices militaires  tels que ( Sea Breeze 2021), qui a rassemblé dans le Nord-Ouest de la mer-Noire, sous l'égide de l'Ukraine et des Américains, prés de 5000 militaires et 30 navires d'une trentaine de pays durant deux semaines. 

Alors que la liste des litiges avec Ankara est extensible, sanctions américaines contre la Turquie ( CAATSA), Chypre, Méditerranée orientale, Syrie, Libye, Caucase du Sud, bien qu'il y ait un consensus sur le fait que la Turquie doit rester dans l'OTAN. Sachant enfin, que qu'il n'existe pas de mécanisme écrit permettant d'expulser un membre de l'OTAN. Cela ne signifie point que le Conseil de l'Atlantique Nord ne mettra pas fin à une adhésion sur la base d'une violation matérielle du Traité. En somme la Turquie reste triomphante sur l'chéquier stratégique et géopolitique mondial.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA


"1"/ Le LANDCOM est le QG permanant des forces terrestres de l'OTAN et, sur ordre du Commandement suprême des forces alliées en Europe ( SACEUR), il fournit le noyau du quartier général responsable de la conduite des opérations terrestres. 


"2"/ L'article 5 stipule que si un pays de l'OTAN est victime d'une attaque armée, chaque membre de l'Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendra les mesures qu'il jugera nécessaires pur venir en aide au pays attaqué. 

 

1 commentaire:

  1. En 2015, l'armée turque abattait en vol un Sukhoi Su-24 de l'armée de l'air russe ayant fait une incursion dans l'espace aérien de la Turquie. C'était alors la première fois qu'un membre de l'OTAN attaquait un appareil russe depuis la guerre froide.

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