GEOPOLITIQUE/ L'INFLUENCE DE LA TURQUIE AU CAUCASE ET EN ASIE-CENTRALE
Le nouveau contexte géopolitique joue en faveur de la Turquie au sein de ses régions, le but et de faire émerger un nouveau bloc, une nouvelle union de pays fondée sur la turicité et qui pouvait permettre de se doter d'une sphère d'influence allant, selon la formule de Suleyman Demirel, de l'Adriatique à la muraille de Chine.
En effet, à Ankara, on estime que le passage au réalisme dans la politique Turque pour le Caucase et l'Asie-centrale est inévitable. De part ce réalisme, les entités non turciques de cet espace, comme le Géorgie, l'Arménie et le Tadjikistan, ne sont pas négligées, mais plutôt privilégiées dans certains cas, afin d'avoir un meilleur accès au monde Turc. Autre stratégie, la Turquie a adopté en 1991 une politique ambitieuse vis-à-vis du Caucase et de l'Asie centrale afin d'éviter que les pays musulmans de ce nouvel espace postsoviétique ne soient attirés par l'Arabie-Saoudite ou l'Iran ( l'axe sunnite-chiite). C'est dans cet esprit que des sommets ont été planifiés entre les chefs d'Etats de l'espace turc, incluant la Turquie, le Kirghizstan, l'Azerbaïdjan, le Turkménistan, le Kazakhstan, et l'Ouzbékistan. Le Conseil turcique, a été fondé en 2009 à Nakhizstan, le principal objectif de cette coopération est de promouvoir le développement fraternel entre ces pays partageant la langue turque et de permettre une coordination générale de leur politiques. Leurs domaines d'actions sont, entre-autres, économiques et énergétiques mais aussi militaires et culturels. Au delà d'une réelle approche multilatérale effective, cette organisation permet de mettre en réseau ces différents Etats. Ces initiatives intégrationnistes affichent des objectifs à long terme, afin de donner une chance à la consolidation des liens entre la Turquie, et les Etats turcophones. Composées de soft power, ces ambitions turques comporteraient aussi un hard power ( militaire)
LE RETOUR DU HARD POWER
Parallèlement à ces initiatives d'institutionnalisation des politiques d'intégration et à la politique de soft power, nous voyons se développer depuis quelques années un recours au hard power de la politique turque en direction de la Russie et plus précisément dans le Caucase. Conséquence, la Turquie a adopté une attitude musclée et belliqueuse lors de la dernière guerre du Karabagh. L'état major turc a ainsi assisté l'armée azerbaidjanaise dans sa guerre de reprise des districts occupés et d'une partie du Karabagh. De la même manière, les drones turcs, dont on voit le rôle croissant dans la politique extérieure turque, ont activement participé à l'effort de guerre de l'Azerbaïdjan. Grace à ce soutien, l'Azerbaïdjan a facilement gagné la bataille, mettant ainsi fin à trente ans d'occupation de ses terres par l'Arménie. Les implications de cette victoire sont nombreuse pour la politique de la Turquie dans le Caucase et en Asie centrale. En effet, Ankara a montré à ses partenaires azerbaidjanais, et aux autres par la même occasion, qu'elle peut être un allié fiable, fort, qui fait gagner la guerre à ses partenaires. Ceci est capital pour une Turquie qui, ces dernières années, était particulièrement isolée sur la scène régionale. Cela est plus important encore pour la politique de la Turquie en Asie centrale, où elle est désormais perçue comme une puissance militaire qui peut faire gagner un allié dans une sphère autrefois dévolue à Moscou. Cela signifie que la Turquie pourra se permettre d'être plus ambitieuse dans sa politique vis-à-vis du monde turcique, qui n'est plus le domaine réservé de la Russie. Autre implication notable à signaler, l'accord mettant fin aux hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan prévoit la construction d'un corridor de communication entre le Nakhitchevan et l'Azerbaïdjan, ce qui revient dans les faits à établir une continuité terrestre qui jusque-là n'existait pas entre la Turquie et le monde turc. Ainsi, une route permettant les échanges économiques dans un même monde turcique devrait voir le jour dans les années qui viennent. Cela signifie que désormais, la Turquie pourra avoir un accès terrestre au monde turc sans être obligée de passer par la Géorgie ou l'Iran, ce qui représente un gain de temps, mais surtout une autonomie dans la politique turque de communication avec le reste du monde turc. Trente ans après la chute de l'URSS, qui a permis à la Turquie de se doter d'une politique d'influence au sein de cette région, le bilan est positif pour Ankara pour trois raisons. Même si les politiques intégrationnistes prônées par Ankara ne permettent pas encore de mettre en place une unité politique comparable à l'Union économique eurasienne fondée par la Russie ou à l'organisation de coopération de Shanghai patronnée par la Chine, il n'en demeure pas moins qu'un dialogue permanant entre Etats turciques sur des questions d'intégration a pris forme, et peut donc à l'avenir être à même de se développer. Par ailleurs, en Turquie, le discours de solidarité et de rapprochement avec le monde turcophone a quitté la sphère romantique pour prendre une forme plus réaliste. Ce discours tiens désormais compte des capacités de la Turquie, tout en gardant à l'esprit le fait que souveraineté et indépendance sont, sur la scène internationale, des principes sacrés, bien davantage que la turcité pour les pays de ce nouvel espace géopolitique qui compte pour la Turquie.
Enfin, l'expansionnisme de la Turquie et la militarisation de sa politique étrangères dans le bassin méditerranéen ont eu pour conséquence de lui aliéner certains partenaires au sein même de l'OTAN. Mais les Russes et les Turques estiment pouvoir tirer leur épingle de la désoccidentalisation des affaires du monde, et de l'émergence d'un nouvel ordre multipolaire. Sachant, que la rivalité à laquelle Ankara et Moscou se livrent, de la Libye au Sud-Caucase et de l'Afrique subsaharienne à l'Asie centrale, consolide la centralité de l'espace mer Noire dans leur relation bilatérale.
MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA
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