GÉOPOLITIQUE/ LES NOUVEAUX DÉFIS DES
FRONTIÈRES
AU SEIN DU MONDE ARABO-MUSULMAN
Historiquement,
les Etats issus des tracés de frontières imposés par les puissances coloniales
n’étaient en rien des Etats-nations, puisque des peuples différents ont été
sommés d’y vivre ensemble et que ces découpages ne correspondaient pas à leurs
aspirations. Ces défaillances des Etats qu’à ces frontières imposées par les grandes
colonies aux débuts du XX siècle, les conflits des frontières persistent encore, et ont se retrouve avec des
Nations sans Etat et des Etats sans Nations.
A la fin du XIX siècle, l’empire Ottoman était structuré en subdivisions administratives dont la plus importante est le Wilayat, dirigé par le Wali, représentant du Sultan, permettant au pouvoir central de gouverner au plus prés les différentes régions allant du Golfe-Persique jusqu’aux Balkans tout en passant par l’Afrique du Nord. On pouvait ainsi aller de Constantinople à Bassorah, de Damas à Jérusalem, de Bagdad, d’Alger, de Tunis, du Maroc, de la Libye à la Mecque sans jamais rencontrer de frontières puisque ces territoires étaient soumis au même souverain. L’Empire Ottoman avait su prendre en compte et gouverner ces identités plurielles renvoyant à la fois à de grands groupes ethniques et à de puissants référents religieux. Si les sunnites, largement dominants, disposaient des droits les plus aboutis, les chiites étaient méprisés tandis que les chrétiens et les Juifs bénéficiaient d’un statut de relative autonomie consacré par le régime des Dhimmis impliquant, en retour, des formes de sujétion, notamment sur le plan fiscal et militaire. Les uns et les autres étaient eux-mêmes divisés en plusieurs communautés comme les Yézidis, les Arméniens, les maronites, les Grecs orthodoxes, les Druzes et les Alaouites chiites. Cette foisonnante richesse humaine se prolongeait sur le plan linguistique avec le turc Ottoman, l’Arabe, le Grec, le Persan, le Kurde, l’araméen et l’Arménien. A partir des principales villes, ce sont les activités commerciales, sociétales, culturelles et religieuses qui ont façonné les réseaux de circulation, les voies de communication et les espaces d’échanges entre les différentes populations de l’Empire Ottoman. Ce vaste monde, à la fois ouvert et multiple, a brutalement disparu au lendemain de la Première guerre mondiale. Son système politique a été balayé au profit d’un nouveau, celui de l’Etat-nation, sans que les populations ne soient consultées puisque les découpages territoriaux ont été imposés par les grandes puissances coloniales de l’époque : la France et le Royaume-Unis, à la suite des accords Sykes-Picot de 1916 révisés en 1918. Depuis, l’architecture géopolitique de l’Empire Ottoman a donc été totalement bouleversé et même le déclin définitif sera scellé en 1924. De nouvelles entités politiques sont apparues sous la forme de cette importation Occidentale inédite qu’a constituée l’Etat fondé sur un trip-type (un peuple, un territoire, un gouvernement) totalement inadapté à ce monde pluriel et homogène. Ces métamorphoses hégémoniques ont conduit à créer de profonds déséquilibre qui, un siècle plus tard, ne sont toujours pas réglés avec, en particulier, des Nations en quête d’Etat et des Etats en quête de Nations. En 1917, la déclaration Balfour a anéantis le destin de la Palestine en promettent un Foyer national pour le peuple Juif sur un territoire alors peuplé à prés de 90% d’arabes. Si le peuple juif a réussi à fondé un Etat en 1948, le peuple Palestinien est toujours en quête du sein alors même que le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité en ont affirmé, à plusieurs reprises, le principe fondamental. le début de ce dilemme entre deux nationalismes, un règlement équitable fondé sur l’établissement d’un Etat Palestinien à côté d’Israël parait très éloigné et ne ce réalisera jamais, tant que le rapport de forces reste asymétrique. Les Kurdes, qui ont soutenues l’Islam suite à la chute des Abbassides durant quatre siècles contre les croisées et les chiites, sont aussi les grands perdants des bouleversements des années 1920 puisqu’ils n’ont jamais pu obtenir un Etat. Le traité de Sèvres en posait bien le principe sur un territoire couvrant ce qui est actuellement le Nord de l’Irak et une partie de l’Est de la Turquie, mais il a été éclatait par les armes pour être remplacé par celui de Lausanne en 1923. Les populations Kurdes ont ainsi été séparées en quatre Etats : Turquie, Syrie, Irak et Iran sachant, que depuis cette époque chaque segment de ce peuple a donc connu une histoire différente de celle des autres. Dans aucun de ces Etats, les Kurdes n’ont réussi à faire valoir leurs aspirations à l’autonomie ; même en Irak où ils ont pu affirmer leur autonomie grâce aux américains, depuis une trois décennies, ils mesurent très bien que la géopolitique régionale leur interdit d’exercer une influence dominante parmi les autres Etats. La carte du traité de Sèvres, nous montre bien ce qu’aurait été une seconde géopolitique alternative de la région, puisqu’il prévoyait un Etat Kurde et un autre Arménien dans une partie de l’Anatolie. D’où la puissance réaction nationaliste Turque conduite par Mustafa Kamel qui, par les armes et le sang, a renvoyé ce projet a la poubelle de l’histoire. Ce dernier, qui était juif d’origine, proclama la laïcité tout en déclarant la guerre a l’arabité, l’islam, le Coran et même les mosquées ; paradoxalement, moins d’un siècle, l’islam refait surface en Turquie avec l’émergence du parti d’Erdogan. Entre autre, l’Irak qui a été créé par les Britanniques en s’appuyant sur la majorité sunnites en la personne du roi Fayçal « l’Arabie Saoudite » qu’ils intronisent sur le trône en 1921. Les minorités chiites ont étaient réprimés par les britanniques au début des années 1920, puis déchues de la nationalité du nouvel Etat, après la chute de Saddam, ils reviennent en force en Irak grâce à l’Iran et le Hezbollah Libanais. Viennent enfin le rattachement de Mossoul en 1925, fondé sur une double équation : les sunnites dominent les chiites et les Arabes dominent les Kurdes. Au fil du temps, et malgré les guerres et les bouleversements sur l’échiquier géopolitique, ces contradictions provoquent encore les déchirements que connait le pays. Si la France et le Royaume-Unis ont étaient d’une importance capitale pour l’émergence des monarchies actuelles, les monarques ont construit des Etats prédateurs et clientélistes avec des régimes autoritaires ou ils ont plongé leurs peuples. En somme, ces monarchies n’a été nulle part le résultat politique d’un combat national, comme les Etats qui acquièrent alors leur indépendance, ou dotés au départ d’un ciment nationaliste. En ce sens, en retient d’un philosophe la citation suivante : « ce n’est pas la nation qui crée le nationalisme, mais bien le nationalisme qui crée la nation ». En Syrie, en Irak, en Jordanie, au Pakistan, en Libye, en Egypte, au Liban, au Soudan, au Yémen, et en passant par la Tunisie, et les pays du Sahel. Au lieu d’opérer une transfiguration nationale, ils ont instrumentalisé les dimensions communautaires et ethniques de leurs sociétés afin de mieux imposer leur domination autoritaire, d’où le confessionnalisme était érigé en système. Par ailleurs, partout dans ces Etats, quand la situation s’embrase et la violence surgissent dans tout les sens, le sentiment national a tendance à se froisser et à se rider comme une peau de chagrin et l’espace sociétal se fragmente en périmètres communautaires et ethniques. Cette vision que nous venons d’évoquer, ne s’applique pas uniquement à l’espace Sykes-Picot durant les années 1920, mais aussi pour les pays musulmans configurés par le colonialisme. Au sein des pays fracturés par les conflits, la Syrie de Bachar el-Assad, un nouveau drame est en train de prendre forme. Depuis 2018, le régime en place prépare non pas une réorganisation territoriale, mais une restriction par le biais d’une expropriation massive des biens fonciers et immobiliers de tous ceux qui ont fui le pays et qu’ils considèrent donc comme des opposants. Ce processus dictatorial d’une violence extrême a pour objectif d’effacer l’existence sociale de tout un peuple par une opération de nettoyage ethnique.
Si, pour les pays fracturés par les contradictions communautaires, le fond du problème n’est pas donc pas la question des frontières, mais plutôt celle de la nature des Etats. L’histoire récente du devenir des révoltes arabes ou arabo-musulman, nous montre que la citoyenneté à l’état brut, sans la prise en compte des communautés, est actuellement une impasse sans aucun avenir et un défi permanent.
MOHAMMED
CHERIF BOUHOUYA
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