mardi 17 août 2021

GÉOPOLITIQUE/ CHINE : AFGHANISTAN : SOFT POWER ET PRAGMATISME

L’Afghanistan est le sujet le plus préoccupant vu de Pékin : son instabilité reste un danger pour l’Asie centrale et le Pakistan, deux zones essentielles pour les nouvelles routes de la soie, et pour la sécurité du Xinjiang. C’est donc sur ce problème que la Chine a été la plus active, plus qu’ailleurs dans le Grand Moyen Orient. Elle a été capable de tisser des liens forts avec les principaux acteurs du conflit : reconnaître l’Etat islamique des Talibans avec l’Afghanistan et la Russie.




Après le retrait des américains, il était improbable qu’une puissance puisse concurrencer l’influence américaine dans la région. Depuis quelques décennies, pourtant, cette domination sans partage s’effrite, en partie suite aux erreurs de l’administration Bush, en Irak comme en Afghanistan, on constate que l’avenir sécuritaire dans la région ne peut plus vraiment être pensé sans prendre en compte la Chine et la Russie. Mais c’est surtout Pékin qui, par sa diplomatie active, pourrait bien jouer le rôle de plus en plus important notamment dans les conflits qui agitent la zone. Si on met de côté l’espace nord-africain, qui a ses questions sécuritaires propres, le grand moyen orient est secoué principalement par trois conflits : en Afghanistan, en Syrie, et au Yémen. L’engagement Chinois est inégal selon les conflits, mais toujours fondamentalement pragmatique. La logique chinoise face au conflit Afghan devant permettre la reconnaissance de l’Etat islamique des Talibans et encore les réalités des intérêts géopolitiques et géoéconomiques sur le terrain. L’expérience chinoise post-2001 l’a montré, un investissement réel dans l’économie afghane dépendra d’abord de la stabilité du pays, et cela ne sera possible que si les talibans trouvent, en effet, un Etat légitime et un compromis politique face a l’opinion international. L’expérience américaine sur ces vingt dernières années a bien montré les limites, dans ce domaine, d’une grande puissance étrangère. La Chine a donc d’abord œuvré, depuis des années, à renforcer ses capacités d’assurer sa propre sécurité : ainsi, depuis 2016, une coopération militaire antiterroriste a été institutionnalisée entre l’Afghanistan, le Pakistan, le Tadjikistan, et la Chine. On savait qu’il y a bien une présence militaire chinoise au Tadjikistan, proche des frontières chinoise et afghane. Dans le Gilgit-Baltistan, territoire pakistanais proche du corridor du Wakhan et de la frontière sino-afghane, la Chine a renforcé les forces militaires locales en leur fournissant de l’équipement. Et dans la même zone, cette fois en territoire afghan même, dans la province du Badakhchan, elle aide Kaboul à établir une base en zone montagneuse, et une brigade capable de mener la lutte antiterroriste sur place. Mais, depuis la prise du pouvoir par les Talibans, Pékin doit faire en sorte de sécuriser la zone géographique par laquelle le chaos pourrait éventuellement déborder jusqu’au territoire chinois. Dans ce conflit, la Chine a donc réussi à atteindre les deux objectifs les plus importants pour une puissance étrangère : préserver ses intérêts sécuritaires, et avoir la possibilité de dialoguer avec les nouveaux maîtres de l’Afghanistan. Autre menace pour Pékin, la Syrie est une autre source d’inquiétude sécuritaire : la présence de djihadistes Ouighours s’est vite confirmée au sein de l’opposition anti-Assad. Des djihadistes Ouighours qui ont évoqué clairement leur désir de revenir au Xinjiang pour y cibler la population « Han ». Leur nombre a été débattu : les services secrets israéliens évoque 6000 combattants Ouighours répartis dans différents groupes djihadistes ; et  d’autres services américains, français, allemands et autres, parlent de 10 000 à 20 000 Ouighours vivant en Syrie, installés dans la région d’Idlib, sous la protection du Front Al-Nousra ( Al-Qaïda). Cette inquiétude légitime n’a pourtant pas entrainé une réaction disproportionnée à Pékin. Il y aurait eu une tentation d’envoyer des troupes pour combattre à Idlib. Mais l’idée a été abandonnée, par pragmatisme : un assaut frontal contre ce bastion de l’opposition syrienne aurait pu entrainer un nouvel exode migratoire, gênant pour le Turquie ; et si la Chine était considérée comme responsable, cela ne pouvait que nourrir le sentiment pro-ouighours dans ce pays. Des informations de la CIA  évoquent une coopération entre Syriens et Pékin dans le domaine du renseignement, et une présence de conseillers militaires chinois à partir de 2016. Mais rien de commun avec l’appui Russe et Iranien, qui a permis à Bachar de rester au pouvoir. Aujourd’hui, la Chine apparaît comme le seul pays capable de s’investir dans la reconstruction économique du pays : la Russie et l’Iran n’en n’ont pas les moyens ; les pays arabes et occidentaux opposés au régime ne seront pas intéressés. Et l’accès aux ports syriens de Tartous et Lattaquie pourrait être particulièrement tentant dans le cadre de la BRI : la tentation pourrait donc être forte, pour la Chine, de s’impliquer bien plus dans la Syrie d’après-guerre. Mais pour l’instant, comme en Afghanistan, la Chine a d’abord atteint des objectifs d’ordre sécuritaire, en suivant une diplomatie pragmatique, et réactive face au nouveau régime des Talibans. Pragmatisme, reconnaissance des réalités locales, recherche de la défense des intérêts sécuritaires et économiques du pays passent  avant tout : c’est ce qui définit le mieux la politique étrangère chinoise et sont soft power face aux conflits.



Une approche bien différente de celle des autres puissances, mais qui a un avantage certain : dans tous ces pays dévastés par la guerre, la Chine apparaît comme la seule ayant le capital économique et diplomatique pour aider à la reconstruction, à l’avenir. Ce qui pourrait l’amener, à moyen terme, à concurrencer les influences américaines, européenne et russe.

MOHAMMED CHERIF BOUHOUYA

 

 

1 commentaire:

  1. Historiquement, ni les Mongols, ni Alexandre le grand, ni les Romains, n'ont pu dominer la région de l'Afghanistan. Il s'agit d'abord d'une région montagneuse inaccessible et un climat très rude. La population dont les ethnies sont multiples, n'ont jamais dans l'histoire accepter toute soumission et ils ont développer au fil des siècles une impavidité sans égale. Seul, l'expansion islamique a pu convertir cette population sans aucune menace ni même des confrontations armées. Mais ont n'y ignore jusqu’à nos jours, les origines des ethnies qui ont peuplés l’Afghanistan.

    RépondreSupprimer